La communication des documents administratifs en matière de marchés publics La
La communication des documents administratifs en matière de marchés publics La loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public pose le principe de la liberté d’accès aux documents administratifs. L’administration doit communiquer les documents concernés par la loi, parmi lesquels figurent les documents relatifs aux marchés publics. Le respect du principe de l’accès aux documents administratifs est placé sous la surveillance de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA). Cette autorité administrative indépendante émet des avis lorsqu’elle est saisie par une personne qui s’est heurtée à un refus de communication et donne des conseils à la demande d’autorités publiques désireuses d’être éclairées sur le sens et la portée de leurs obligations. En matière de communication des documents administratifs, la CADA n’a pas de pouvoir d’injonction. Elle dispose d’un pouvoir de sanction, depuis l’ordonnance du 6 juin 2005 et le décret du 30 décembre 2005, limité aux cas dans lesquels elle est saisie, en application de l’article 22 de la loi de 1978, de faits susceptibles de constituer une infraction au régime de la réutilisation des informations publiques. La saisine de la CADA est un préalable obligatoire à l’exercice d’un recours contentieux contre un refus de communication. Par ses avis et conseils, la CADA a développé une « doctrine » sur l’accès aux différents documents susceptibles d’intervenir dans le cadre de la passation, la conclusion et l’exécution des marchés publics, qui s’est enrichie depuis 2005. L’arrivée d’un représentant du Conseil de la concurrence au sein de la commission1 a notamment permis une prise en compte accrue de l’impératif du respect de la libre concurrence, protégée par le droit communautaire et le droit national. Cette « doctrine » couvre la plupart des pièces ayant trait aux marchés publics. Elle résulte cependant d’avis et conseils épars, car la CADA porte une appréciation au cas par cas sur dans les affaires qui lui sont soumises2. La présente note en dégage les principes généraux (1) et présente une typologie des documents communicables (2). 1. PRINCIPES GENERAUX 1.1 Champ d’application La quasi-totalité des documents élaborés ou détenus par les « administrations » au sens de l’article 1er de la loi du 17 juillet 1978 (l'Etat, les collectivités territoriales, ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées de la gestion d'un service public) ont, de ce fait même, un caractère administratif au sens de cette loi. Il n’en va pas de même de ceux relatifs aux marchés passés par les établissements publics à caractère industriel et commercial, qui sont sans lien avec l’organisation ou l’exécution de la mission de service public dévolue à ces établissements. Tel est le cas, par exemple, des contrats passés par la SNCF, ayant pour objet, notamment, la fabrication et la distribution des tenues des agents des gares (CADA, avis n° 20090372 du 29 janvier 2009), ou encore 1 La composition de la CADA a été modifiée par l’ordonnance n° 2005-650 du 6 juin 2005. 2 Voir aussi la lettre d’information de la CADA du 5 mai 2009 « le point sur les interrogations en matière de communication des pièces de marchés publics » et l’article du CJFI n° 51 « Secret des affaires et marchés publics : la communication des documents de marchés. DAJ/CADA 3 juillet 2009 2 la gestion de déchets industriels banals sur différents sites (CADA, avis n°20082215 du 3 juillet 2008). Il en va de même d’un marché passé par l’ANDRA, qui pour a pour objet le gardiennage d’un laboratoire de recherche (CADA, avis n°20082626 du 3 juillet 2008) ou encore des marchés passés par une société d’économie mixte qui sont sans rapport avec le service public dont elle est en charge (CADA, avis n°20090511 du 12 février 2009). La CADA avait alors relevé, au surplus, que ces marchés avaient été passés sur le fondement de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, et qu’ils n’avaient pas un caractère administratif, le contentieux qui s’y rapporte étant d’ailleurs confié à l’autorité judiciaire (Tribunal des conflits, 10 octobre 2006, Caisse centrale de réassurance). La solution est transposable aux sociétés d’économie mixte, qui concluent des marchés sur le même fondement (CADA, avis n° 20090511 précité). La commission considère, en outre, qu’un marché passé entre deux sociétés de droit privé, non soumis au code des marchés publics, qui ne comporte pas de clause exorbitante du droit commun et n'a pas pour objet de faire participer le cocontractant à une mission de service public, ne constitue pas un document administratif (CADA, avis n°20082814 du 24 juillet 2008). 1.2 Conditions relatives aux documents communicables 1.2.1 Documents achevés et documents préparatoires Aux termes de l’article 2 de la loi du 17 juillet 1978, « le droit à communication ne s’applique qu’à des documents achevés. Il ne concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative tant qu’elle est en cours d’élaboration ». En matière de marchés publics, les documents relatifs à la procédure de passation du contrat sont considérés comme préparatoires, aussi longtemps que la procédure n’est pas close, c’est-à-dire tant que le marché n’est pas signé ou que la procédure n’a pas été abandonnée (CADA, avis n° 20040857 du 19 février 2004 et n° 20033960 du 9 octobre 2003). Pour la CADA, les documents ne deviennent pas communicables dès l’attribution du marché, mais seulement après que le marché a été signé (CADA, conseil n° 20023233 du 22 août 2002). Avant la signature, seuls sont communicables les documents qui revêtent un caractère définitif, tels que la délibération décidant de lancer l’appel d’offres, l’appel à candidature ou le règlement de la consultation. En revanche, les autres documents tels que les procès-verbaux d’ouverture des plis, les dossiers de candidatures, le rapport d’analyse des offres, revêtent un caractère préparatoire et ne peuvent être communiqués à des tiers (CADA, conseil n° 20072665 du 5 juillet 2007). En cas d’allotissement, il faut attendre que la procédure soit achevée (ou abandonnée) pour l’ensemble des lots (CADA, avis n° 20040860 du 19 février 2004). Lorsque la procédure est relancée après une déclaration de procédure infructueuse ou une décision de ne pas donner suite, seule cette décision est immédiatement communicable. Les autres documents ne sont communicables qu’à l’issue de la nouvelle procédure (CADA, avis n° 20040857 du 19 février 2004). La commission adopte la même analyse, lorsque la procédure de passation du marché a été suspendue ou annulée par le juge. Dans ce cas, l’ensemble des documents conserve un caractère préparatoire jusqu’à la signature du contrat à l’issue de la nouvelle procédure, à moins que le pouvoir adjudicateur ne renonce à passer le marché (CADA avis n°20080901 du 21 février 2008). En outre, la CADA estime que la signature d’un accord-cadre multi-attributaire ne vaut pas attribution du marché et ne met pas fin à la concurrence entre les entreprises retenues. Les prix proposés par les différents attributaires ne peuvent être communiqués ni aux tiers ni aux autres attributaires pendant toute la durée de l’accord-cadre (CADA, conseil n° 20074583 du 22 novembre 2007). Enfin, bien que la commission n’ait, à l’heure actuelle, pas encore eu à se prononcer expressément sur l’application des articles L. 124-1 et suivants du code de l’environnement en matière de procédures de passation des marchés publics, il convient de préciser que, selon sa doctrine, si le II de l'article L.124-4 du code de l'environnement permet de rejeter une demande portant sur des documents en cours d'élaboration, en revanche, aucune disposition ne prévoit la possibilité de refuser l'accès aux documents qui s'inscrivent dans un processus préparatoire à l'adoption d'un acte qui n'est pas encore DAJ/CADA 3 juillet 2009 3 intervenu, dès lors que ces documents sont eux-mêmes achevés et que la demande est formulée dans le cadre de la recherche d'informations relatives à l'environnement (voir, parmi de nombreux exemples, avis CADA n° 20090489 du 12 février 2009). Par conséquent, de telles informations (par exemple, les incidences potentielles de chaque offre sur l’environnement) devraient être communiquées avant même la signature du marché, sous les réserves prévues par l’article L. 124-4 et le II de l’article L. 125-5 de ce code. 1.2.2 Documents n’ayant pas fait l’objet d’une diffusion publique L’article 2 de la loi du 17 juillet 1978 dispose également que « le droit à communication ne s’exerce plus lorsque les documents font l’objet d’une diffusion publique ». Par conséquent, la communication suppose l’absence de diffusion publique (CE Sect., 17 janvier 1986, Ministre Economie et Finances c/ SA Dumons, n° 62282, publié au Lebon). Constituent une diffusion publique : – la publication dans un journal officiel (par exemple la publication d’un avis de marché au JOUE : CADA, avis n° 20012061 du 14 juin 2001) ; – la diffusion sur un site internet, à condition que l’adresse du site soit facile à trouver (CADA, avis n° 20073254 du 13 septembre 2007) ; – la publication au BOAMP dès lors que ses annonces sont diffusées sur le site internet uploads/s1/communication-documents-publics-mp.pdf