Quelque part dans le Sahel, à l’abri des regards, un officier de renseignement
Quelque part dans le Sahel, à l’abri des regards, un officier de renseignement traite une « source » touareg. L’homme va lui fournir des renseignements sur la présence d’al-Qaida dans la région. 20 LE FIGARO MAGAZINE - 11 JUILLET 2014 R E P O R T A G E E X C L U S I F DGSE AU CŒUR DE NOS SERVICES SECRETS Pour la première fois de leur histoire, les services secrets français ont ouvert en exclusivité leurs portes au « Figaro Magazine » pour une immersion exceptionnelle, en France mais aussi sur le terrain à l’étranger. A la veille du 14 Juillet, les hommes et les femmes de l’ombre, qui ne défileront pas sur les Champs-Elysées, lèvent un coin du voile sur leurs activités clandestines. PAR CHRISTOPHE CORNEVIN (TEXTE) ET JEAN-PIERRE REY (PHOTOS) 11 JUILLET 2014 - LE FIGARO MAGAZINE 21 DANS LE CŒUR NÉVRALGIQUE DE LA DGSE, LES AGENTS DÉCRYPTENT LES CRISES DE LA PLANÈTE 22 LE FIGARO MAGAZINE - 11 JUILLET 2014 Le Centre de situation. Chaque jour, près de 5 000 informations sensibles convergent vers ce QG opérationnel. Sur les écrans, des cartes animées donnent la position des agents dans le monde entier. 11 JUILLET 2014 - LE FIGARO MAGAZINE 23 MACHINE DE GUERRE AGISSANT EN EAUX TRÈS PROFONDES, LE “SERVICE” EST UN CONDENSÉ DE MATIÈRE GRISE En lointaine banlieue parisienne, les « grandes oreilles » des services spéciaux sont orientées vers l’Est et le Proche-Orient. Derrière les hauts murs d’enceinte de la « Centrale », boulevard Mortier à Paris, l’entrée principale est protégée de l’intérieur par des herses et des hommes en armes. A l’étage de la direction, A l’étage de la direction, dans cet endroit feutré, dans cet endroit feutré, un haut cadre des services un haut cadre des services secrets se rend dans secrets se rend dans la salle de crise. la salle de crise. Là où les opérations Là où les opérations clandestines sont suivies clandestines sont suivies minute par minute. minute par minute. 24 LE FIGARO MAGAZINE - 11 JUILLET 2014 S ous un soleil de plomb, le 4 x 4 slalome à travers la piste sablonneuse et crevassée. Progressant quelque part dans le Sahel, il s’approche d’un massif granitique dont la physionomie fait songer à l’Adrar des Iforas, région du nord-est du Mali considérée comme un repaire islamiste. Au volant, Antoine scrute les alentours à la recherche du point de rendez-vous. Quadra- génaire athlétique à l’allure de cadre supérieur, il est fami- lier des lieux. Depuis deux ans, cet homme de l’ombre sillonne la zone au-delà des portes du désert. Furtif, pru- dent et passe-muraille, il agit avec une méthode consom- mée où le hasard est proscrit. Soudain, tel un mirage, un Touareg surgit de nulle part. Revêtu de pied en cap d’un takakat, l’habit traditionnel bleu indigo, le visage masqué par un chèche blanc, il est armé d’une kalachnikov. Sans ciller, Antoine l’invite à le rejoindre à l’écart d’hypothé- tiques regards indiscrets. Un auvent, tendu à la diable entre le toit de son 4 x 4 et un arbre rachitique, servira d’abri de fortune. Au loin, quelques claquements sourds viennent déchirer le silence. Drôle d’endroit pour une rencontre. De manière exceptionnelle, Le Figaro Magazine a pu y assister. Dans une atmosphère singulière et faussement détendue, Antoine oriente la conversation en français et en tamasheq. Avec tact et diplomatie, il questionne le nomade jusqu’à obtenir de précieuses informations sur des chefs rebelles et d’éventuels mouvements djihadistes. Les mots sont choi- sis, très précis. Ponctuant ses réponses de gestes amples, l’homme en bleu captive à l’évidence Antoine, qui noircit son carnet de notes. En cas de doute, ce dernier ouvre un écran d’ordinateur sur lequel défilent de vieilles cartes coloniales, les seules où les appellations en langue touareg sont encore connues des tribus locales. Non loin, une valise satellite est déployée pour envoyer, le cas échéant, un mes- sage urgent et stratégique. Impavide, Antoine tisse sa toile. Il guide, trie et manipule sa « gorge profonde ». Dépourvu d’affect, il agit telle une mécanique froide pour s’adapter avec une finesse confondante à la psychologie de sa « source humaine », à son langage et sa gestuelle, à en pénétrer le cœur et l’esprit pour en obtenir le meilleur ren- dement. Il faut qu’elle raconte tout ce qu’elle sait. Ayant érigé la clandestinité au rang d’un art de vivre, cet émissaire d’un genre très particulier incarne l’un des postes les plus avancés de la République dans sa lutte contre le terrorisme. Des plus sensibles et des plus secrets aussi. Fer de lance d’un combat mené sans relâche contre les fous d’Allah, il est « officier traitant » à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). C’est-à-dire espion, alors que son entourage le croit rond-de-cuir dans une ambassade. Muré dans l’action clandestine, Antoine semble être seul, livré à lui-même dans une région où chaque prise de risque peut virer à la catas- trophe. Mais, dans cet univers où le faux-semblant règne en maître, les apparences sont toujours trompeuses. D’abord parce que son « assistant », sous le pseudo de Bernard, le suit comme une ombre. Se fondant dans le paysage, ce grand échalas issu du renseignement mili- taire est un as du système D, capable de trouver une voi- ture ou un téléphone de rechange en quinze minutes, de réparer un ordinateur avec les moyens du bord. MACHINE DE GUERRE AGISSANT EN EAUX TRÈS PROFONDES, LE “SERVICE” EST UN CONDENSÉ DE MATIÈRE GRISE Dans l’antre futuriste de la direction technique, images satellites, photos et interceptions de communications cryptées enrichissent le renseignement humain. Service du contre-terrorisme, dans la « cellule Syrie ». Des analystes suivent les mouvements djihadistes. Leurs comptes rendus remontent jusqu’au chef de l’Etat. 11 JUILLET 2014 - LE FIGARO MAGAZINE 25 Plaisir de la voile au sein de la plus grande rade artificielle d'Europe, à proximité des îles anglo-normandes Plaisir de découvrir le nouveau bureau du port et tous ses services Plaisir d'une escale nature et patrimoine avec La Cité de la Mer, le théâtre à l'italienne, les parcs et jardins... CHERBOURG, VOTREESCALE PLAISIR ÀPORT CHANTEREYNE! www.ville-cherbourg.fr www.portchantereyne.fr Cependant, l’atout majeur d’Antoine ne se trouve pas là, mais plutôt à des milliers de kilomètres. C’est-à-dire au cœur de Paris, où il adresse chaque mois des dizaines de télégrammes sur ce qu’il a vu, entendu et découvert. Der- rière sa silhouette anonyme, se profile l’extraordinaire puis- sance de la DGSE, une machine de guerre agissant en eaux très profondes, entièrement dévolue au recueil à l’étranger, à l’analyse et à la diffusion du renseignement dit straté- gique. Autrement dit, celui touchant à la géopolitique qui fait et défait les dignitaires gouvernant la planète, au contre- terrorisme international embrassant un arc de crise allant du golfe de Guinée à la chaîne de l’Himalaya, à la contre- prolifération de l’arsenal chimique en Syrie et de l’enrichis- sement nucléaire en Iran, à la sécurité industrielle, portant notamment sur l’approvisionnement du pétrole via les oléo- ducs, mais aussi à l’appui aux armées engagées en « opex » (opérations extérieures) au Mali ou en Centrafrique. Aux antipodes d’une caricaturale armée de barbouzes, les quelque 5 094 hommes et femmes - sans compter les 900 membres du très secret Service Action - qui composent ce que les espions appellent entre eux la « Boîte » sont ani- més par un esprit de loyauté, un souci d’exigence, une totale discrétion et une adaptabilité à toute épreuve, leur permet- tant de se fondre tour à tour dans les bidonvilles d’une mégapole, les zones de conflits ou encore les cocktails mon- dains sous les ors des ambassades. Ces valeurs marquent le « code génétique » de la DGSE, qui est avant tout un condensé de matière grise. S’étendant sur deux vastes sites reliés, de part et d’autre du boulevard Mortier, par un long couloir souterrain couleur sang de bœuf, son centre névralgique, surnommé la « Centrale », est retranché derrière de hauts murs d’en- ceinte hérissés de caméras et de barbelés. Une fois passé le poste de garde ultrasécurisé, un dédale d’allées ainsi qu’un entrelacs d’escaliers mécaniques donnent accès à une vingtaine de bâtiments disparates. Certains baignent encore dans le jus des années 70, d’autres, en verre et acier, ont été livrés l’année dernière pour absorber les dernières recrues. C’est ici, au cœur de cet improbable campus que, à l’instar d’Antoine, les 400 à 500 agents secrets déployés à l’étranger transmettent par télégrammes cryptés les secrets glanés dans les recoins les plus sensibles du globe. Ces experts du recrutement et de la manipulation de « sources humaines », volontiers désignés comme le nec plus ultra de la direction du renseignement, qui compte 1 300 agents, y décrivent dans les moindres détails les conditions dans lesquelles ils ont recueilli leurs « tuyaux ». « Tout est soumis à interprétation, lance Marc Pimond, directeur adjoint du renseignement. Chaque source est cri- blée en permanence par nos contrôleurs qui donnent l’alerte si celle-ci risque de passer sous le contrôle d’un service uploads/s1/ dgse-au-coeur-de-nos-services-secret-figaro-magazine-11072014.pdf
Documents similaires










-
40
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Fev 08, 2022
- Catégorie Administration
- Langue French
- Taille du fichier 5.0011MB