5 Fiche 1 Le droit administratif, droit de l’action publique I. Les caractères
5 Fiche 1 Le droit administratif, droit de l’action publique I. Les caractères du droit administratif II. Les critères du droit administratif : puissance publique et service public « Le droit administratif est l’ensemble des règles définissant les droits et obliga- tions de l’administration, i.e. du gouvernement et de l’appareil administratif » (Weil & Pouyaud, p. 4). Un tel droit n’existe pas dans tous les systèmes juridiques (certains auteurs considèrent ainsi son existence comme un « miracle » – id., p. 3) et, même quand il existe, il n’atteint que rarement le degré d’élaboration du droit administratif français. Celui-ci se singularise tant par ses caractères (I.) que par ses critères de définition (II.). I. Les caractères du droit administratif Le droit administratif peut être identifié à partir de trois caractères principaux. Il s’agit tout d’abord d’un droit autonome, distinct du droit commun avec lequel il ne peut être confondu. L’autonomie du droit administratif (manifestation du principe de l’autonomie des branches du droit) se traduit par la spécificité des notions utilisées et des règles appliquées. L’autonomie du droit administratif est fondée sur les besoins du service public (TC, 8 fév. 1873, Blanco*, R. 1er suppl. p. 61) et sur l’acceptation de la singularité de la puissance publique, seule responsable de la poursuite de l’intérêt général (Concl. David sur Blanco* et Concl. Romieu sur Sté immobilière de Saint-Just*). L’exorbitance ainsi accordée ne doit pas être interprétée comme la consécration de privilèges en faveur de l’administration ; si elle exprime le déséquilibre entre la puissance publique et les personnes privées, elle n’est pas toujours favorable à l’administration (p. ex. v. les sujétions exorbitantes qui contraignent fortement l’administration). Il est ensuite un droit jurisprudentiel ; depuis l’origine tant le Tribunal des conflits (v. fiche n° 8) que le Conseil d’État (v. fiches n° 4 et 5) ont favorisé l’affirmation du droit administratif. Le juge a en effet dégagé les notions fondamentales du droit administratif (service public, police administrative, responsabilité de la puissance publique…) et continue de les adapter aux exigences nouvelles de l’action publique. Cette caractéristique explique pourquoi le droit administratif peut apparaître mouvant ; 6 il est à l’image de l’intérêt général dont il entend favoriser la poursuite. On comprend dès lors qu’il n’existe pas de Code administratif structurant la matière à l’instar du Code civil ou du Code pénal. Seules quelques branches, pour lesquelles les sources écrites sont les plus développées, ont fait l’objet d’une codification (Code de justice administrative, Code de l’environnement ou encore Code de la santé publique…) tandis que les règles régissant les relations entre les usagers et l’administration, initialement fixées par des textes épars (notamment la loi du 12 avr. 2000), font désormais l’objet du Code des relations entre le public et l’administration (ordonnance du 23 oct. 2015, entrée en vigueur le 1er janvier 2016). Le développement de sources écrites, plus facilement accessibles, n’atténue que partiellement l’impression d’un « droit secret et aristocratique » (D. Lochak), que sa complexité et sa subtilité rendent parfois difficilement intelligible par les citoyens- administrés. Il est enfin un droit de la puissance publique ; le droit administratif est en effet justifié par la volonté de « faire prévaloir l’intérêt général lorsqu’il se trouve en conflit avec des intérêts particuliers » (Waline, p. 11). Pour cela, l’administration bénéficie de prérogatives de puissance publique, dont la principale réside dans la faculté d’imposer sa volonté aux tiers par l’édiction d’actes administratifs unilatéraux (v. fiche n° 19). Il en existe quantité d’autres, allant de la faculté d’exproprier pour cause d’utilité publique à la modification unilatérale d’un contrat (v. fiche n° 25) en passant par les prérogatives fiscales de l’administration… Compte tenu de ces caractères, le droit administratif peut être conçu comme un droit de la place de l’État face à la Nation. « [Suivant] un programme politique, i.e. d’organisation de la société » (Truchet, p. 27), le droit administratif participe à l’ins- titutionnalisation et à la limitation du pouvoir (Hauriou, p. XV), ainsi que l’énonce le principe de légalité (P. Moor). Pour ce faire, il est agencé autour de deux « grandes cathédrales » (F. Burdeau) – le service public et la puissance publique – qui ont suscité de nombreuses querelles doctrinales afin de déterminer laquelle constitue le critère du droit administratif. Illustration P. Moor, Pour une théorie micropolitique du droit, PUF, 2005, p. 28. [Le premier des principes structurant le droit public] est le principe de légalité, qui non seulement exige que tout acte des collectivités publiques respecte l’ordre juridique, mais de plus – et c’est beaucoup plus important – qu’aucun acte de puissance publique ne puisse être accompli sans avoir un fondement dans une loi ; c’est un aspect de la maxime de la séparation des pouvoirs. 7 Fiche 1 • Le droit administratif, droit de l’action publique II. Les critères du droit administratif : puissance publique et service public A. Le débat doctrinal sur le critère du service public Service public et puissance publique « sont deux notions maîtresses du régime administratif français. Le service public est l’œuvre à réaliser par l’administration publique, la puissance publique est le moyen de réalisation. Comme la théorie juri- dique ne saurait s’accommoder de mettre sur le même plan les deux notions, il faut choisir celle qui domine, mais laquelle choisir ? » (Hauriou, p. IX). Voilà en substance la question à laquelle s’efforce de répondre la doctrine administrativiste française depuis l’arrêt Blanco*, deux conceptions du droit administratif s’opposant : l’une, classique, privilégie la puissance publique, tandis que l’autre, modernisatrice, s’attache davantage au service public. 1. Le primat de la puissance publique : l’École de Toulouse L’École de la puissance publique (aussi appelée École de Toulouse) conçoit l’action administrative à l’aune de ses moyens (la puissance publique). S’inscrivant dans la continuité de la doctrine classique, ce courant, incarné par le doyen Maurice Hauriou (1856-1929), fonde sa position sur une double considération : la conception révolutionnaire de la séparation des pouvoirs et la conception traditionnelle du droit. En favorisant la constitution d’un bloc exécutif homogène (regroupant l’Exécutif et l’appareil administratif), la conception révolutionnaire de la séparation des pouvoirs a impliqué de redéfinir les fondements du pouvoir étatique. La notion de puissance publique a alors permis de rompre avec l’ordre antérieur, consacrant le principe selon lequel le souverain est l’alpha et l’oméga du pouvoir mis en œuvre. L’administration œuvrant pour le bien commun peut en conséquence jouir de moyens exorbitants (les prérogatives de puissance publique). L’analogie avec le droit privé finit de convaincre du primat des moyens. « Le droit privé ne se préoccupe que médiocrement des buts poursuivis par les individus, […] ; il en est de même pour le droit public, les buts de l’État lui paraissent secondaires, ce sont ces moyens d’action […] qui l’inté- ressent » (Hauriou, p. IX). Le service public n’est toutefois pas rejeté ; admettant qu’il a sans doute été trop négligé par la doctrine classique, il est envisagé comme un moyen de limiter le pouvoir de domination de l’État. « Ce qui fait l’originalité du régime administratif français, c’est que l’idée du service public se soit colletée avec le pouvoir exécutif à l’intérieur d’une vaste organisation instituée, maintenue close par le principe de séparation des pouvoirs. L’idée du service public existe dans tous les pays ; le propre du système français est d’avoir amené le pouvoir exécutif, grâce à cette organisation ingénieuse, à se limiter objectivement pour mieux la réaliser » 8 (Hauriou, p. XVI). Les prérogatives de puissance publique sont le critère fondamental du droit administratif, le critère du service public fournissant quant à lui les limites objectives à l’expression de ces moyens. 2. Le primat du service public : l’École de Bordeaux L’École du service public (aussi appelée École de Bordeaux) s’oppose à cette conception qu’elle entend rénover afin de fournir une nouvelle légitimité au pouvoir étatique, désormais défini par les fins poursuivies. Si les auteurs de ce mouvement s’accordent sur l’importance du service public pour envisager l’État et son droit, ils n’en font pas tous la même utilisation. Considérant que l’État est une « coopération de services publics organisés et contrôlés par les gouvernants » (Duguit, p. 59), le doyen Léon Duguit (1859-1928) bâtit une théorie générale de l’État au sein de laquelle les services publics constituent à la fois le fondement (expression de l’interdépen- dance sociale) et la limite du pouvoir étatique. Véritable obligation s’imposant aux gouvernants, le service public fournit une limite objective au pouvoir, transformant la puissance publique en « un devoir, une fonction et non point un droit » (id. p. 62). De son côté, Gaston Jèze (1869-1953) développe une conception plus « empirique » (Gonod & Melleray, p. V) du service public. Selon lui, « le service public est un procédé juridique qui peut être appliqué pour la satisfaction d’un besoin d’intérêt général, quel qu’il soit. C’est au législateur à choisir ; les motifs de son choix dépendent du milieu politique, social, économique. C’est la jurisprudence qui décide souveraine- ment si l’intention du législateur a été de vouloir, dans tel cas, le procédé uploads/s1/ droit-public-extrait.pdf
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- Publié le Mar 21, 2022
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