Economie et statistique Les sources de l’écart de rémunération entre femmes et
Economie et statistique Les sources de l’écart de rémunération entre femmes et hommes dans la fonction publique Mathieu Narcy, Joseph Lanfranchi, Chloé Duvivier Résumé Malgré un ensemble d’actions visant à favoriser l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les inégalités de salaire selon le sexe persistent. Cet article identifie et quantifie avec précision les principales sources de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes titulaires au sein des trois versants de la fonction publique. Nous mettons en oeuvre une méthode de décomposition non paramétrique (la méthode de Ñopo) qui permet de surmonter les problèmes méthodologiques inhérents aux méthodes classiques de décomposition paramétriques. Cette méthode permet également d’obtenir une évaluation très précise lorsqu’elle est mise en oeuvre sur une population exhaustive. C’est le cas avec les données mobilisées, issues du Système d’information sur les agents des services publics (SIASP) qui couvre de manière exhaustive les agents de la fonction publique. Les configurations inégalitaires apparaissent très différentes entre les trois versants de la fonction publique. Même si les différences en termes de nombre d’heures de travail constituent systématiquement l’une des deux principales sources de l’écart de rémunération quel que soit le versant de la fonction publique, c’est dans la fonction publique hospitalière (FPH), hors personnel médical, que ce facteur joue le rôle le plus important puisqu’il contribue à plus de la moitié de cet écart. En revanche, dans la fonction publique d’État (FPE) ou territoriale (FPT), la ségrégation professionnelle, c’est-à-dire le fait que les femmes et les hommes occupent des emplois différents, en termes de métiers, de professions et de secteurs, et de niveau hiérarchique représente la principale source de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, contribuant à plus de la moitié de cet écart. En outre, dans ces deux versants, une part non négligeable de cette ségrégation est verticale au sens où elle provient de l’accès inégal des hommes et des femmes à certaines catégories, certains corps et grades. Citer ce document / Cite this document : Narcy Mathieu, Lanfranchi Joseph, Duvivier Chloé. Les sources de l’écart de rémunération entre femmes et hommes dans la fonction publique. In: Economie et statistique, n°488-489, 2016. Les sans-domicile - Les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes dans la fonction publique. pp. 123-150; doi : https://doi.org/10.3406/estat.2016.10715 https://www.persee.fr/doc/estat_0336-1454_2016_num_488_1_10715 Fichier pdf généré le 13/09/2018 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 488-489, 2016 123 Les sources de l’écart de rémunération entre femmes et hommes dans la fonction publique Chloé Duvivier *, Joseph Lanfranchi ** et Mathieu Narcy *** Malgré un ensemble d’actions visant à favoriser l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les inégalités de salaire selon le sexe persistent. Cet article identifie et quan‑ tifie avec précision les principales sources de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes titulaires au sein des trois versants de la fonction publique. Nous mettons en œuvre une méthode de décomposition non paramétrique (la méthode de Ñopo) qui permet de surmonter les problèmes méthodologiques inhérents aux méthodes classiques de décomposition paramétriques. Cette méthode permet également d’obtenir une évaluation très précise lorsqu’elle est mise en œuvre sur une population exhaustive. C’est le cas avec les données mobilisées, issues du Système d’information sur les agents des services publics (SIASP) qui couvre de manière exhaustive les agents de la fonction publique. Les configurations inégalitaires apparaissent très différentes entre les trois versants de la fonc‑ tion publique. Même si les différences en termes de nombre d’heures de travail constituent systématiquement l’une des deux principales sources de l’écart de rémunération quel que soit le versant de la fonction publique, c’est dans la fonction publique hospitalière (FPH), hors personnel médical, que ce facteur joue le rôle le plus important puisqu’il contribue à plus de la moitié de cet écart. En revanche, dans la fonction publique d’État (FPE) ou territoriale (FPT), la ségrégation professionnelle, c’est‑à‑dire le fait que les femmes et les hommes occupent des emplois différents, en termes de métiers, de professions et de secteurs, et de niveau hié‑ rarchique représente la principale source de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, contribuant à plus de la moitié de cet écart. En outre, dans ces deux versants, une part non négligeable de cette ségrégation est verticale au sens où elle provient de l’accès inégal des hommes et des femmes à certaines catégories, certains corps et grades. Codes JEL : C14, J16, J31, J45. Mots clés : écarts de rémunération femmes/hommes, décomposition non paramétrique, secteur public. * Irstea, UMR Métafort et Centre d’études de l’emploi. ** LEMMA, Université Panthéon‑Assas et Centre d’études de l’emploi. *** Centre d’études de l’emploi, ERUDITE, Université Paris‑Est et TEPP (CNRS n°3435). Les auteurs remercient la DGAFP et le défenseur des droits pour leur soutien financier à cette recherche. Ce travail a bénéficié d’une aide de l’État gérée par l’Agence nationale de la recherche au titre du programme investissements d’avenir portant la référence ANR‑10‑EQPX‑17 (Centre d'accès sécurisé aux données du Genes – CASD). Rappel : Les jugements et opinions exprimés par les auteurs n’engagent qu’eux mêmes, et non les institutions auxquelles ils appartiennent, ni a fortiori l’Insee. ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 488-489, 2016 124 D epuis la signature du traité de Lisbonne, le principe d’égalité entre les femmes et les hommes est inscrit dans les valeurs et objectifs de l’Union européenne qui, pour toutes ses actions, doit chercher à promouvoir cette égalité. En France, cette question a eu une importance grandissante au cours des deux dernières décennies, et les années 2000 ont été marquées par un ensemble de mesures visant à favoriser l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, non seulement au sein du secteur privé mais également au sein de la fonction publique, considération d’autant plus importante que cette dernière se caractérise par un taux de féminisation très élevé1. En 2002, de nouvelles règles de nomination de jurys et de comités de sélection ont été fixées afin de faire respecter une proportion minimale de chaque sexe ; en 2006, le protocole d’accord relatif à la promotion professionnelle et à l’ac‑ tion sociale a défini un ensemble de mesures à prendre visant à améliorer le déroulement des carrières des femmes et à permettre un meilleur équilibre entre vie familiale et vie profession‑ nelle ; en 2008, la Charte pour la promotion de l’égalité dans la fonction publique a porté sur l’ensemble des discriminations dans la fonc‑ tion publique. Enfin, plus récemment, l’égalité professionnelle a été choisie comme thème premier des négo‑ ciations au sein de la fonction publique dans le prolongement de la « Grande Conférence Sociale » de juillet 2012. Grâce au protocole d’accord du 8 mars 2013, quinze mesures ont été adoptées pour favoriser l’égalité profession‑ nelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique : parmi elles, la quatrième consiste à « mener une politique volontariste de suppression des inégalités salariales entre les femmes et les hommes ». Effectivement, malgré les premières mesures des années 2000, les inégalités de salaire entre hommes et femmes persistent dans la fonction publique. Alors que le statut général des fonc‑ tionnaires impose le principe d’égalité entre les femmes et les hommes2 et que le salaire des fonctionnaires est défini sur la base d’une grille indiciaire, l’écart de rémunération men‑ suelle nette moyenne entre les hommes et les femmes titulaires est, en 2010, de 22,7 % au sein de la fonction publique d’État, de 17,5 % dans la fonction publique territoriale et de 6,6 % dans la fonction publique hospitalière (hors per‑ sonnel médical). Pour informer au mieux les pouvoirs publics dans leur volonté d’améliorer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, il convient non seulement d’iden‑ tifier les sources de ces inégalités, mais aussi de quantifier avec précision leur importance relative dans l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes. Cet article propose une décomposition de l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes titulaires des trois versants de la fonction publique en 2010. Nous adoptons la méthode de décomposition non paramétrique de Ñopo (2008), qui présente un double inté‑ rêt : d’une part, elle permet de s’affranchir des hypothèses restrictives sur lesquelles se fondent les méthodes de décomposition paramétriques « classiques » de type Oaxaca (1973) et Blinder (1973) ; d’autre part, lorsqu’elle est mise en œuvre en considérant une population exhaus‑ tive, elle permet d’obtenir une évaluation très précise des sources de l’écart de rémunération. En mobilisant les données issues du Système d’information sur les agents des services publics (SIASP), qui couvre de manière exhaus‑ tive (à l’exception du personnel militaire) les agents titulaires et non titulaires de la fonction publique d’État (FPE), de la fonction publique hospitalière (FPH) et de la fonction publique ter‑ ritoriale (FPT), nous mesurons très précisément le poids relatif de trois sources potentiellement importantes de l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes : durée de travail, ségré‑ gation professionnelle (horizontale et verticale) et attribution inégale de primes et d’indemnités. Notons que ces différents facteurs d’écart des salaires peuvent, au moins en partie, refléter des pratiques discriminatoires dont les femmes uploads/s1/ estat-0336-1454-2016-num-488-1-10715.pdf
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- Publié le Mai 05, 2021
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