Justine DEBRET 1 sur 5 Le Conseil d’Etat est-il un juge impartial de l’administ

Justine DEBRET 1 sur 5 Le Conseil d’Etat est-il un juge impartial de l’administration ? L’adage « Nemo judex in re sua »1 est destiné à garantir l'impartialité des décisions de justice. Il semble d’ailleurs évident que la justice ne puisse guère être rendue légitimement si elle se fonde sur un jugement partial. Néanmoins, cet adage révèle les incompatibilités et les incapacités dont sont frappés les magistrats de l’ordre administratif. En effet, de par sa relation privilégiée avec l’administration, il semble que le Conseil d’Etat se doit d’adopter un comportement dont l’objectivité ne puisse être remis en cause en tant que juge suprême de celle-ci. Néanmoins, il parait difficile d’appliquer ce principe d’impartialité compte tenu des relations qui existent entre cette institution et l’administration. La position de ce juge suprême de l’administration semble d’ailleurs paradoxale puisqu’il devrait être juge objectif d’une entité avec laquelle il entretient des liens très étroits. Le Conseil d’Etat est en effet la plus haute juridiction administrative en France. Créée en 1799 par Napoléon Bonaparte, cette institution publique trouve sa source au sein de l’article 52 de la Constitution du 22 frimaire an VIII qui lui confie une mission administrative (dite « consultative ») au même titre qu’une mission contentieuse. C’est d’ailleurs en sa qualité de juge suprême l’administration que se pose la question de son impartialité. Il se doit en effet de juger les litiges liés à l’ensemble des services chargés d’assurer le fonctionnement d’un Etat, d’une collectivité territoriale ou d’un service public. L'impartialité serait l'attitude qui lui permettrait d'éliminer toute subjectivité dans son jugement de l’administration. Fondement moral de la justice elle-même l’impartialité s’illustre par exemple à travers l’image de la déesse Themis qui, pour rendre le justice, tient le glaive et la balance, mais surtout a les yeux bandés, signe de complète objectivité. Toutefois, la relation de proximité que le Conseil d’Etat entretient avec l’administration semble remettre en question l’existence d’un quelconque jugement impartial de la part du juge administratif. Il parait donc intéressant d’étudier l’effectivité de ce fondement de moralité sur lequel repose toute la jurisprudence administrative, et in fine le droit administratif lui-même. Il est effectivement nécessaire d’étudier ce principe sur lequel repose toute la crédibilité du Conseil d’Etat, et par conséquent celle du droit prétorien qu’il produit. Dans quelle mesure le Conseil d’Etat peut-il être qualifié de juge impartial envers l’administration ? Les développements s'ordonneront autour de deux idées, d'une part la théorie de l’impartialité du CE2 (I), et d'autre part la question de la mise en pratique de son impartialité (II) envers l’administration. 1 « Nul n'est juge en sa propre cause » 2 Conseil d’Etat Justine DEBRET 2 sur 5 I) La théorie de l’impartialité du Conseil d’Etat : un fondement vérifié du DA3 ? Cette impartialité théorique parait tout d’abord ancrée dans des textes qui semblent institutionnaliser ce principe moral (1). Néanmoins, il recouvre diverses dimensions (2) qu’il est nécessaire d’étudier. 1) Une base textuelle institutionnalisant l’impartialité du CE Nous verrons qu’il semble que l’impartialité du CE face à l’administration soit garantie de manière évolutive (b), après avoir dans un premier temps étudié les règles fondatrices de cette impartialité (a). a) Des règles d’impartialité fondatrices Tout d’abord, il existe des garanties textuelles de l’impartialité dont doit faire preuve le Conseil d’Etat lorsqu’il juge l’administration. C’est par exemple le cas de l’article 20 de la loi du 24 mai 1872, qui instaurait le Conseil d’Etat républicain et consacrait en particulier le passage de la « justice retenue » par le chef de l’Etat à la « justice déléguée » au Conseil d’Etat, mais qui fut abrogée en 1940. La création du CE devait permettre à un organe extérieur à l’Etat de juger ce dernier de manière objective. Par ailleurs, l’article 6-1 de la CESDH4 entré en vigueur en 1953 définit le droit à un procès équitable et dispose que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi ». De même, la règle du déport instituée dans ce texte semble garantir, en droit, l’impartialité de la formation du jugement. Cette dernière implique qu'un membre du Conseil d'État ne peut participer à une formation de jugement examinant la légalité d'une décision s'il a contribué à un avis concernant cette décision. Ainsi, à travers cet article fondateur de l’impartialité du Conseil d’Etat, il semble que soit instituée cette condition de jugement objectif à tout litige concernant l’administration. b) Une garantie évolutive de l’impartialité du CE ? De même, le décret du 6 mars 2008, relatif à l’organisation et au fonctionnement du CE réforme les conditions d’exercice des fonctions consultatives de celui-ci et consacre en droit la séparation de ses fonctions consultatives et juridictionnelles. Ainsi, il semble qu’il a fallu récemment améliorer le dualisme fonctionnel du Conseil d’Etat afin de limiter les risques de conflits entre les deux fonctions dont il a la charge. La nécessité de ce décret soulève donc la question de d’impartialité du CE vis-à-vis de l’administration. Effectivement, il semble que ce texte soit un rappel à l’impartialité du juge administratif en soulignant que « les membres du Conseil d’Etat ne peuvent participer au jugement des recours dirigés contre les actes pris après avis du Conseil d’Etat, s’ils ont pris part à la délibération de cet avis ». Ainsi, les justiciables pourront contrôler cette impartialité en obtenant la liste des membres des formations consultatives qui ont pris part à l’avis rendus sur l’acte qu’ils attaquent. Par conséquent, nous avons étudié la base textuelle qui se doit de garantir l’impartialité du CE lorsqu’il juge l’administration. Néanmoins, l’impartialité est en droit une notion complexe qu’il est nécessaire d’étudier afin de juger de l’impartialité théorique du CE. 3 Droit administratif 4 Convention Européenne des Droits de l’Homme Justine DEBRET 3 sur 5 2) Les dimensions de l’impartialité du CE Il est nécessaire d’étudier les diverses formes d’impartialité en droit (a), ainsi que de vérifier l’application jurisprudentielle fondamentale de celles-ci (b). a) Impartialité objective et subjective : une dualité spécifique En droit, il existe une distinction entre impartialité objective et impartialité subjective. Celle-ci fut instaurée par la Cour Européenne des droits de l’Homme, notamment à travers la reprise de son arrêt de 1982, Piersack contre Belgique. L’impartialité objective consiste à se demander si, indépendamment de la conduite personnelle du juge, certains faits vérifiables autorisent à suspecter l'impartialité de ce dernier. Quant à l’impartialité subjective, elle se base sur une conception plus classique renvoyant à la conception personnelle du juge. Ainsi, aucun des membres de la juridiction ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel. In fine, en droit, on peut considérer que l’impartialité du CE suppose que les magistrats n’aient aucun lien avec les parties et qu’ils ne peuvent être leur propre juge. Une fois de plus, nous pouvons considérer que l’impartialité du juge administratif doit vérifier les adages « Nul n’est juge en sa propre cause » et « Nul ne saurait être juge et partie ». b) Une jurisprudence fondatrice garante de l’impartialité ? C’est au coeur de la jurisprudence considérée comme fondatrice du droit administratif que l’on peut étudier l’application du principe d’impartialité du CE. En effet, l’arrêt du CE de 1873 Blanco est fondamental dans le sens où il s’agit de la mise en cause de la responsabilité de l’Etat. Auparavant le juge administratif tranchait en faveur de l’administration étatique, ce qui pouvait soulever des doutes quant à l’impartialité du CE. Néanmoins, dans cette affaire c’est l’Etat qui est jugé responsable et la juridiction administrative qui est considérée comme compétente. Le CE est alors considéré comme un juge autonome et indépendant capable de juger de manière objective l’administration. Par conséquent, il semble qu’en théorie le juge administratif que représente le CE doit juger de manière impartiale l’administration lorsque celle-ci est impliquée dans un litige. Il semble que divers textes se portent garant de cette objectivité nécessaire dans le traitement d’affaires de justice. Néanmoins, dans la pratique et par divers éléments, il semble que cette impartialité nécessaire ne soit que relative. Il semble ainsi pertinent d’étudier ce principe moral et juridique censé être appliqué par le CE à l’égard de l’administration d’un point de vue pratique (II). II) Une impartialité relative en pratique Il est nécessaire d’étudier la relation qu’entretient le CE avec l’administration (1) afin de juger de son impartialité dans les jugements qu’il rend à son égard. Par ailleurs, il semble nécessaire de questionner l’indépendance des fonctions contentieuses et consultatives du CE (2). 1) Le CE et l’administration: une relation objective ? Il semble que malgré la condition d’objectivité par laquelle peut être rendue la justice, le juge administratif suprême et l’administration entretiennent une relation privilégiée (a) ainsi qu’un passé commun (b). a) Une relation privilégiée Justine DEBRET 4 sur 5 La présidence du Conseil d'État est assurée par son vice-président (Jean-Marc Sauvé depuis 2006) qui donne des avis au gouvernement lorsqu’il préside l’Assemblée générale. Cette dernière peut aussi être, dans certains cas, présidée des uploads/s1/ exemple-de-dissertation-juridique-2 1 .pdf

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  • Publié le Fev 09, 2021
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