CHAPITRE 1 – LE SERVICE PUBLIC TC, 8 février 1873, Blanco La décision rendue pa
CHAPITRE 1 – LE SERVICE PUBLIC TC, 8 février 1873, Blanco La décision rendue par le Tribunal des Conflits le 8 février 1873 est l’une des plus importantes de l’histoire du droit administratif. L’accident dont a été victime la petite Agnès Blanco va être l’occasion d’une grande avancée de la jurisprudence. Toutefois, la décision Blanco n’est pas la première en ce sens ; l’arrêt du Conseil d’Etat Rothschild (6 décembre 1855) avait déjà exposé pour l’essentiel la même idée. Cet arrêt Blanco intéresse à la fois la notion même de droit administratif, la détermination de la compétence du juge administratif, et le régime juridique de la responsabilité administrative. Sur la notion de droit administratif Le Tribunal des Conflits écarte l’application des règles du Code Civil à l’action administrative parce que cette dernière est caractérisée par des rapports de droit inégalitaires. Au contraire, le Code Civil repose sur le principe d’égalité entre les citoyens. La raison de cette différenciation réside dans l’intérêt général que les personnes publiques ont pour mission de satisfaire. Pour ce motif, elles doivent se voir reconnaitre les moyens de l’emporter sur les personnes privées : l’intérêt général prime les intérêts particuliers. Ainsi, le droit public, spécialement le droit administratif, est à base de rapports inégalitaires. Par suite, le Code Civil ne saurait, sauf exception, recevoir application dans les situations où une personne publique est présente. Ainsi est posée, avec une particulière netteté, l’autonomie du droit administratif. Egalement, la théorie du service public allait prendre son plein essor avec cette décision : désormais, le service public est à la fois l’activité et l’instrument de la satisfaction de l’intérêt général par les personnes publiques. Sur la compétence juridictionnelle En donnant, ainsi qu’on l’a indiqué, les raisons théoriques de l’inapplicabilité du droit civil à l’action menée par des personnes publiques, le Tribunal des Conflits établissait le fondement de la compétence du juge administratif. Celui-ci doit être déclaré compétent toutes les fois qu’existent des rapports de droit inégalitaires fondés sur la satisfaction de l’intérêt général. C'est le critère dit de la « liaison de la compétence et du fond ». Pour déterminer l’ordre de juridiction compétent (judiciaire ou administratif), il faut déceler quel est le régime de droit applicable (droit privé ou droit public). Sur la responsabilité administrative La décision Blanco est importante en ce qu’elle fixe des règles nouvelles en matière de responsabilité extracontractuelle de l’administration. En premier lieu, c'est une responsabilité de principe : désormais, l’administration doit répondre des dommages qu’elle cause (3 mars 2004, Ministre de l’emploi et de la solidarité, quatre espèces). C'en est fini du système antérieur qui limitait les hypothèses de responsabilité administrative aux seuls cas où une loi en décidait expressément ainsi. En second lieu, on l’a vu, cette responsabilité n’est pas régie, normalement, par les principes et les règles fixés aux articles 1382 et suivants du Code Civil, mais par des règles propres au droit administratif. 1 CE, 13 décembre 1889, Cadot Par cette décision, le Conseil d’État a affirmé qu’il était compétent pour connaître de tout recours en annulation dirigé contre une décision administrative, sauf si un texte en dispose autrement de façon expresse. Jusqu’alors le Conseil d’État n’était compétent pour connaître d’un recours en annulation que dans la mesure où un texte l’avait expressément prévu. A défaut, c’étaient les ministres qui disposaient de la compétence générale pour se prononcer sur les recours dirigés contre les décisions administratives. M. Cadot était directeur de la voirie et des eaux de la ville de Marseille, lorsque cet emploi fut supprimé. Il réclama des dommages-intérêts et demanda au Conseil d’État d’annuler le refus que la ville lui opposa. Alors qu’aucun texte n’attribuait expressément au Conseil d’État la compétence pour connaître d’un tel recours, il se reconnut néanmoins compétent pour juger la requête de M. Cadot. Sans que l’arrêt ne précise sur quel raisonnement le Conseil d’État fondait sa compétence, il est clair qu’il fut sensible au souci d’assurer que toute décision administrative puisse être contestée devant un juge. A défaut d’un texte précisant quel est le juge compétent pour connaître d’un litige, il estima que la compétence lui revenait, les conseils de préfecture, ancêtres des actuels tribunaux administratifs, n’ayant alors qu’une compétence réduite. Cette décision marquait l’aboutissement d’un processus historique de renforcement constant de la juridiction administrative. Les lois des 16-24 août 1790 et 16 fructidor an III avaient prévu que les contestations dirigées contre les décisions administratives devaient être adressées au ministre compétent, à charge pour lui et ses services de se prononcer sur ces contestations : c’était la théorie du « ministre-juge ». Le Conseil d’État fut institué quelques années plus tard, par la Constitution de l’an VIII ; il se vit attribuer une compétence pour se prononcer, dans certains domaines, sur les recours en annulation formés par les requérants contre les décisions administratives. Cette compétence restait limitée mais son champ s’étendit progressivement tout au long du XIXème siècle. Par ailleurs, jusqu’en 1870, le Conseil d’État fonctionnait selon le principe de la « justice retenue » : ses décisions n’étaient pas exécutoires tant qu’elles n’avaient pas été signées par le chef de l’État. Il est vrai que cette signature fut presque toujours donnée. La loi du 24 mai 1872 permit au Conseil d’État de passer de la justice retenue à la justice déléguée, c’est-à-dire que ses décisions devenaient exécutoires dès leur lecture, le chef de l’État, ni aucune autre personne extérieure à la juridiction, n’étant plus appelé à les signer. L’arrêt Cadot parachève cette évolution en reconnaissant au juge administratif la compétence générale pour connaître des recours dirigés contre les décisions administratives. Le principe qu’il pose suivant lequel, toute décision d’une autorité administrative doit pouvoir être contestée devant, un juge demeure à la base du droit administratif. Toutefois, depuis 1889, l’organisation au sein de la juridiction administrative a connu d’importants aménagements. Depuis 1953, la compétence de premier ressort de droit commun a été transférée du Conseil d’État vers les tribunaux administratifs, qui ont remplacé les anciens conseils de préfecture, le Conseil d’État ne conservant qu’une compétence de premier ressort limité à certaines matières. A partir de 1987, la compétence d’appel de droit commun a été progressivement transférée du Conseil d’État vers les Cours administratives d’appel, le Conseil d’État ne gardant, outre sa compétence de premier ressort, qu’une compétence d’appel très restreinte, devenant le juge de cassation de l’ensemble de la juridiction administrative. 2 TC, 9 décembre 1899, Association syndicale du canal de Gignac Des difficultés s'étant élevées entre un créancier et l'association requérante, se posait la question de la détermination de la juridiction compétente pour connaître de ce litige, ce qui revenait à s'interroger sur la nature juridique de cette « association syndicale ». Le Tribunal des Conflits y a vu un établissement public en raison de la réunion de plusieurs prérogatives de puissance publique. Cette conception d'origine a évolué et connaît aujourd'hui une grande confusion. La conception originaire de l’établissement public Traditionnellement, et la décision Association syndicale du canal de Gignac en est une bonne illustration, le juge recourait à quatre critères, utilisés séparément ou de façon combinée pour déceler la présence d'un établissement public : effet obligatoire des décisions de l'organisme sur certaines personnes, détention de prérogatives de puissance publique (Canal de Gignac, précité), mission de service public, création par une personne publique (22 mai 1903, Caisse des écoles du VIe arrondissement). Ainsi, dans la décision commentée, le Tribunal des Conflits a retenu les éléments suivants : adhésion obligatoire à l'association syndicale, assimilation de taxes syndicales aux impôts directs, pouvoir d'action d'office du préfet sur le budget syndical. Cette technique d'identification de l'établissement public va connaître diverses sortes de perturbations. L'établissement public ne se caractérise plus par la seule possession de prérogatives de puissance publique. L’obscurcissement progressif de la notion d’établissement public Tout d'abord, vont se multiplier les organismes privés dotés des caractéristiques ordinaires de l'établissement public (13 mai 1938, Caisse primaire « Aide et Protection » ; 13 janvier 1961, Magnier). L'identification des éléments fournis par l'arrêt du Canal de Gignac ne suffit plus pour déterminer si l'on est en présence d'un établissement public ou d'une personne privée. Ensuite, sont apparues de nouvelles catégories de personnes publiques (groupements d'intérêt public [GIP] : TC, 14 février 2000, GIP Habitat ; Banque de France : TC, 16 juin 1997, Société La Fontaine de Mars). Enfin, pour qualifier d'établissements publics certains organismes, la jurisprudence ne s'arrête pas à l'un ou plusieurs des critères rappelés ci-dessus mais exige la réunion d'un « faisceau d'indices » permettant de déceler un « climat de droit public ». Ce n'est pas d'une très grande clarté. Ainsi, l'Institut national des appellations d'origine (INAO) (13 novembre 1959, Navizet) ou l'Institut de France (12 décembre 2003, USPAC-CGT et autres) sont des établissements publics. En revanche, les centres de lutte contre le cancer, à la suite d'une jurisprudence cahotante, ne sont point des établissements publics malgré certaines caractéristiques évidentes de droit public (TC, 20 nov. 1961, Centre régional de lutte contre le cancer « Eugène Marquis »), tout comme les bourses uploads/s1/ jurisprudence-administrative.pdf
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- Publié le Jui 10, 2021
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