La loi n°17-95 relative aux sociétés anonymes telle que modifiée et complétée n
La loi n°17-95 relative aux sociétés anonymes telle que modifiée et complétée notamment par la loi n°20-19 prévoit la nomination d'administrateurs indépendants au sein du conseil d'administration des sociétés faisant appel public à l'épargne. Pour autant cette notion est-elle nouvelle ? Il existait déjà la notion « d'administrateur non exécutif » (préalable indispensable à la qualité d'administrateur indépendant). La nomination d'administrateur non exécutif au sein du Conseil s'impose de par la loi dans toutes les sociétés anonymes qu'elles soient cotées ou non. Ainsi, l'article 67 dernier alinéa de la loi précitée dispose que : « Les administrateurs qui ne sont ni président directeur général, ni directeur général, ni directeur général délégué, ni salarié de la société exerçant des fonctions de direction, sont considérés des administrateurs non exécutifs. Leur nombre doit être supérieur à celui des administrateurs ayant l'une de ces qualités. » Le code marocain de bonnes pratiques de gouvernance d'entreprise (mars 2008) recommande fortement, depuis longtemps déjà, pour garantir l'indépendance de l'organe de gouvernance et de ses membres, d'accorder une place importante aux administrateurs non exécutifs ou même externes. Il précise que : « Les membres non exécutifs ou externes sont des membres à part entière qui doivent porter un regard objectif sur l'entreprise, contribuer à enrichir la réflexion et la prise de décision grâce en particulier à leur assiduité, à leur professionnalisme et à leur indépendance. » De la même manière, le code précité recommande que le Comité d'Audit « soit constitué d'une majorité de membres non exécutifs ou externes disposant de l'objectivité et de la liberté de jugement nécessaires à un exercice sain et serein de leur mission ». Les établissements de crédit étaient déjà soumis à cette obligation d'indépendance, ainsi l'article 35 de la loi n°103-12 relative aux établissements de crédits et organismes assimilés prévoit :« Ils doivent (les établissements de crédits) doivent désigner au sein de leurs conseils d'administration ou conseils de surveillance, des administrateurs ou membres indépendants dans les conditions et suivants les modalités fixées par circulaire du wali de Bank al-Maghrib, après avis du comité des établissements de crédits. » La circulaire du gouverneur, datant de juin 2016, donne une définition précise à l'article 1er de ce qu'il faut entendre par « administrateur indépendant ». « Est qualifié d'indépendant tout administrateur qui n'entretient aucune relation de quelque nature que ce soit avec l'établissement, son groupe en amont et en aval ou un membre de son organe de direction, qui puisse compromettre ou altérer son objectivité dans le cadre de l'exercice de ses missions. » Puis cette circulaire fixe ensuite les critères et conditions d'éligibilité au statut d'administrateur indépendant. 1-Définition et conditions La loi n°20-19 en son article 41 bis (nouveau) n'a fait que reprendre en grande partie les critères de BAM, qui sont eux-mêmes prônés au niveau international par l'ensemble des codes de gouvernance promulgués par des organismes officiels tel que l'OCDE, UE, Autorités de marché…. Ainsi pour être considéré comme un administrateur « indépendant », ce dernier doit satisfaire aux conditions suivantes : Ø ne pas avoir été, au cours des 3 années précédant sa nomination, salarié ou membre des organes d'administration, de surveillance ou de direction de la société ; Ø - ne pas avoir été, au cours des 3 dernières années, représentant permanent, salarié ou membre de l'organe d'administration, de surveillance ou de direction d'un actionnaire ou d'une société que ce dernier consolide ; Ø ne pas avoir été, au cours des 3 dernières années, membre de l'organe d'administration ou de surveillance ou de direction, d'une société dans laquelle la société détient une participation quel que soit son pourcentage ; Ø - ne pas être, membre de l'organe d'administration, de surveillance ou de direction d'une société dans laquelle la société dispose d'un mandat au sein de l'organe d'administration ou de surveillance, ou dans laquelle un membre des organes d'administration ou de surveillance ou de direction de la société, en exercice ou l'ayant été depuis moins de 3 ans, détient un mandat au sein de son organe d'administration, de surveillance ou de direction ; Ø - ne pas avoir été ou avoir représenté, durant les 3 dernières années, un partenaire commercial ou financier ou exerçant une mission de conseil auprès a de la société ; Ø ne pas avoir un lien de parenté jusqu'au deuxième degré avec un actionnaire ou un membre du conseil d'administration de la société ou son conjoint ; Ø ne pas avoir été commissaire aux comptes de la société au cours des 6 années précédant sa nomination. Le nombre d'administrateurs indépendants ne doit pas dépasser le 1/3 du nombre total des administrateurs. Ainsi, alors que pour les administrateurs non exécutifs, leur nombre doit être supérieur au nombre d'administrateurs « exécutifs » et ce, sans limitation, pour les administrateurs indépendants, un maximum a été fixé. La loi bancaire précitée, quant à elle, n'a pas donné d'indication sur le nombre mais la circulaire de BAM est venue préciser ce point en indiquant qu'ils doivent être un au minimum et le 1/3 au maximum. Il est important de noter que par dérogation aux dispositions de l‘article 44 de la loi précitée, l'administrateur indépendant ne doit détenir aucune action de la société. Toutefois, il a le droit d'assister aux assemblées générales. En revanche, ledit administrateur indépendant est nommé, rémunéré et révoqué dans les mêmes conditions et modalités que celles appliquées aux administrateurs. Ainsi à compter de fin Avril 2020, les sociétés anonymes faisant appel public à l'épargne seront tenues de nommer dans leurs organes d'administration (conseil d'administration ou conseil de surveillance) des administrateurs indépendants. Pour les autres sociétés, la nomination d'administrateurs indépendants reste facultative mais si elle intervient, elle devra répondre aux mêmes conditions. Même non contraintes par la loi, certaines sociétés peuvent avoir intérêt à renforcer leur image et leur réputation en affichant un conseil d'administration avec le tiers voir la majorité de ses membres indépendants. 2-Sanctions Pour autant, qui sera chargé de veiller au respect de cette obligation ? Quelles sanctions appliquer à une composition irrégulière du conseil d'administration ainsi qu'aux actes et délibérations qui en découlent ? Cette question pourtant importante, car garante de l'efficacité réelle de cette nouvelle obligation, ne semble pas avoir été traitée en tant que telle par le législateur… En effet, les textes ne prévoient pas de sanction spécifique concernant la composition conforme à l'article 41 bis du Conseil d'administration, ni le sort des actes et délibérations qui auraient été pris par un Conseil d'administration irrégulièrement composé. Faut-il déduire que les dispositions de l'article 338 de la loi susvisée peuvent s'appliquer ? L'article 338 dispose que : « La nullité d'actes ou délibérations autres que ceux prévus à l'article 337 précédent ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative de la présente loi, ou de l'une des causes de nullité des contrats en général ». Rappelons en quoi consiste une disposition impérative. Une disposition légale est dite impérative lorsque les Parties au contrat ne peuvent y déroger contractuellement. Une telle clause contractuelle est alors nulle et la disposition impérative s'applique toujours. Les dispositions statutaires peuvent-elles déroger aux règles de composition du Conseil d'administration ? L'article 41 bis dispose que : « un ou plusieurs administrateurs indépendants doivent être nommés membres du Conseil d'administration des sociétés faisant appel public à l'épargne…. » Les actionnaires, minoritaires notamment, pourraient-ils contester la nomination non conforme des membres du Conseil d'administration et voir même solliciter en justice la nullité d'une délibération de l'assemblée générale prise en ce sens et plus encore, des délibérations du Conseil suivantes ? Faut-il considérer que le verbe « devoir » rend cette disposition légale impérative sans qu'il soit possible d'y déroger alors que la loi n'a pas prévu expressément qu'il ne soit pas possible d'y déroger ni sa nullité, comme c'est le cas pour les conditions de nomination des administrateurs prévues à l'article 40 : « Les administrateurs sont nommés par l'assemblée générale ordinaire. Conformément à l'article 20, les premiers administrateurs sont nommés par les statuts ou dans un acte séparé faisant corps avec lesdits statuts (…) Toute nomination intervenue en violation des dispositions qui précèdent est nulle à l'exception de celles auxquelles il peut être procédé dans les conditions prévues à l'article 49. » Cette question est pourtant importante car elle conditionne grandement l'efficacité d'un tel dispositif visant à améliorer la gouvernance des entreprises. En conclusion, à l'heure où se développe un certain lobbying en matière d'administrateurs indépendants supposés être la clef de voute de la « corporate governance », où d'importantes entreprises à l'international, en particulier en France, visent à développer le recours aux administrateurs indépendants par référence au modèle anglo-saxon, au détriment parfois de postes d'administrateurs salariés, où divers candidats diverses et variés se pressent à ce poste de prestige, (avocats, experts comptables notamment), ne faut-il pas s'interroger sur l'efficacité réelle de cette mesure ? Ces règles censées moraliser la vie des sociétés, venant des pays anglo-saxons doivent-elles être suivies encore une fois par mimétisme même si ce cheminement apparaît porteur sur un plan médiatique, réputationnel ou encore économique uploads/s1/administrateur-independant.pdf
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- Publié le Fev 04, 2022
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