TC 22 JANVIER 1921 BAC D'ELOKA : COMMENTAIRE Introduction « L'état est une coop

TC 22 JANVIER 1921 BAC D'ELOKA : COMMENTAIRE Introduction « L'état est une coopération de services publics organisés et contrôlés par les gouvernants ». Pour Léon Duguit, le service public est donc le fondement et la limite des pouvoirs des gouvernants. Il peut être défini comme une activité d'intérêt général gérée par une personne publique ou sous son contrôle, selon un régime exorbitant du droit commun. Nous savons que cette notion de service public consacré par l'arrêt Blanco du 8 février 1873, a dominé la doctrine pendant de nombreuses années. ', 'Elle fondait la répartition des compétences entre les deux ordres - administratif et judiciaire - établis par la loi des 16 et 24 août 1790. L'arrêt Bac d'Eloka, rendu par le tribunal des conflits le 22 janvier 1921, que nous devons ici commenter, participe à la complexification de la notion de service public comme fondement de la répartition des compétences en distinguant, implicitement, un service public industriel et commercial - un service public fonctionnant dans les même conditions qu'un service privé -, notion que le conseil d'état consacrera quelques mois après, lors de l'arrêt société générale d'armement du 23 décembre 1921. En l'espèce, le colonisateur français de la côte d'Ivoire, pour remédier, en partie, aux difficultés de circulation engendrées par un littoral parsemé de lagunes, eu l'idée d'établir sur la lagune Ebrier un bac, le fameux bac d'Eloka. Or, en septembre 1920, alors qu'il était chargé de 18 personnes et de quatre automobiles, celui-ci coula entraînant la mort d'une personne et endommageant gravement les automobiles qui purent être retirées. La société propriétaire des véhicules assigna donc la colonie devant le président des référés du tribunal du grand-bassam. Dès lors s'engagea une lutte de compétence. Le lieutenant-gouverneur de la colonie éleva le conflit considérant « qu'il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des actions nées à l'occasion du fonctionnement de ce service public ». Il fut débouté de sa demande par le tribunal des conflits qui décida que le litige relevait de la compétence des tribunaux judiciaires eu égard au fait « qu'en effectuant, moyennant rémunération, les opérations de passage des piétons et des voitures d'une rive à l'autre de la lagune, la colonie de la cote d'ivoire, exploite un service de transport dans les mêmes conditions qu'un industriel ordinaire ; que, par suite, en l'absence d'un texte spécial, il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire de connaître des conséquences dommageables de l'accident invoqué ». En effet, il est nécessaire, selon le commissaire du gouvernement de distinguer les services qui sont « de la nature, de l'essence même de l'état ou de l'administration publique » qui relève de la compétence du juge administratif et ceux qui « sont de nature privée », qui ne sont entrepris par l'état « qu'occasionnellement, accidentellement, parce que nul particulier ne s'en est chargé et qu'il importe de les assurer dans l'intérêt général », relevant « naturellement de la juridiction de droit commun ». Cet arrêt permet donc d'introduire, dans le cadre de la notion de service public, un autre critère, celui de la distinction entre gestion publique et gestion privée. Le régime administratif ne s'applique donc qu'aux activités de services publics s'exerçant sous la forme de la gestion publique. Il apparaît donc nécessaire de s'intéresser à la distinction qu'inaugure l'arrêt bac d'Eloka (I) laquelle ouvre la voie à une complexification de la répartition des compétences entre l'ordre administratif et l'ordre judiciaire (II). I. L'arrêt Bac d'Eloka, la distinction entre deux catégories de service public Cet arrêt élabore une distinction entre les services publics. En effet, certains sont soumis à l'autorité de l'ordre judiciaire, d'autres à celle de l'ordre administratif. Il faudra donc nous pencher sur la notion de service public (A) afin de comprendre le cadre général de la distinction. Puis, il sera nécessaire de nous intéresser à la notion de services publics industriels et commerciaux que consacre l'arrêt bac d'Eloka (B). En effet, même s'il n'invente pas le terme, il crée la notion. Celle-ci verra le jour en décembre 1921 dans un arrêt du conseil d'état qui les définira de la même manière que l'avait fait implicitement l'arrêt du 22 janvier 1921. A. La notion de service public La théorie du service public remplace celle de la puissance publique comme critère fondamental de la répartition des compétences entre l'ordre administratif et l'ordre judiciaire. Ainsi, les finalités vont remplacer les moyens. Le doyen Léon Duguit, inventeur de la notion, la définit ainsi, il s'agit de toute activité « dont l'accomplissement doit être assuré, réglé et contrôlé par les gouvernants, parce que l'accomplissement de cette activité est indispensable à la réalisation et au développement de l'interdépendance sociale, et qu'elle est de telle nature qu'elle ne peut être réalisée complètement que par l'intervention de la force gouvernante ». Nous voyons donc apparaître les deux critères fondamentaux pour qu'une activité soit une de service public. Il faut qu'il y ait un rattachement organique à une personne publique (1) et il est nécessaire que cette activité ait pour finalité l'intérêt général (2). Ces deux conditions sont évidemment complémentaires et en aucune façon une activité ne remplissant qu'une seule de celles-ci ne peut être qualifiée de service public. 1. Le rattachement organique à une personne publique. Ce rattachement peut revêtir deux modalités : soit il existe un rattachement direct à la personne publique, soit indirect. 1. Dans le premier cas, la personne publique assure directement, c'est à dire par elle-même, avec ses propres moyens, l'activité. Bien évidemment, il s'agit du cas le plus fréquent. Dès lors toute personne publique peut avoir des activités de service public. 2. Dans le second cas, celui du rattachement indirect à la personne publique. C'est à dire que la personne publique a délégué à une institution de droit privé une activité de service public. Il s'agit dans une première hypothèse d'une société dont le capital est majoritairement public. C'est aussi le cas des institutions privées qui ont conclu un contrat avec une personne publique pour pouvoir exercer cette activité. Dans les autres cas, il sera nécessaire de relever les éléments permettant de trouver une relation avec une personne publique. 2. Une activité ayant pour finalité l'intérêt général. Le doyen Duguit exprime cette idée en précisant que les gouvernants ne peuvent faire une chose qui « serait une entrave quelconque à la satisfaction des besoins communs à tous les hommes ». De plus, elle est ce qui différencie la notion de service public et celle de puissance publique. En effet, il apparaît nettement une notion de finalité pour qualifier une action laquelle remplace la seule condition des moyens utilisés. Le professeur Chapus distingue les activités de plus grand service et les activités de plus grand profit. Les premières satisfont les exigences actuellement considérées comme nécessaire à la société (éducation, santé, défense…). Les secondes peuvent, ou non, financer des activités de plus grand service. Les impôts sont ainsi des services publics. De même en est il pour la gestion du domaine privé des personnes publiques même si la jurisprudence ne les compte pas comme tels. Les entreprises détenues par l'état et qui sont gérées comme des entreprises privées sont aussi des services publics. On comprend dès lors la position du lieutenant gouverneur. En effet, le bac est un service public au sens où nous l'avons défini. Aussi, la distinction entre services publics administratifs et services publics industriels et commerciaux devrait, théoriquement, ne pas être et le litige aurait du être de la compétence du juge administratif. Le tribunal des conflits, le 22 janvier 1921 n'en a pas décidé ainsi et a fait naître le concept, encore embryonnaire, de services publics industriels et commerciaux, même si cette dénomination ne sera créée qu'en décembre de la même année par le conseil d'état. B. La consécration de l'existence de services publics industriels et commerciaux Comme nous l'avons déjà affirmé, le tribunal des conflits n'utilise pas cette dénomination. Néanmoins, il considère qu'en l'espèce, la gestion du service public était de type privé et que, par voie de conséquence, les litiges le touchant devaient échoir à la juridiction judiciaire. On s'aperçoit dès lors que ce règlement eqt fortement influencé par les deux théories du droit administratif - service public et puissance publique -. En un sens, il s'agit d'une fusion des deux. La finalité était le service public mais les moyens utilisés et la gestion étaient de type privés. Il faudra donc nous intéresser à la notion de services publics industriels et commerciaux (1) et à leur caractéristique principale qui est la soumission à l'ordre judiciaire (2). 1. La notion de services publics industriels et commerciaux. L'arrêt bac d'Eloka est net : les activités de service fonctionnant dans des conditions analogues à celles des entreprises privées sont soumises au droit privé et donc à l'ordre judiciaire. 1. Il semble que deux conditions soient nécessaires pour qu'une activité obtienne cette qualification. Tout d'abord, comme son nom l'indique, il faut que l'activité ait un caractère industriel et commercial. En l'espèce il s'agit d'opérations « d'une rive à l'autre de la colonie » « moyennant uploads/s1/ex-internet-comm-bac-d-x27-eloka.pdf

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  • Publié le Dec 04, 2021
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