Le dossier 13 Juin 2013 Le 13 juillet prochain, il y aura 30 ans qu’a été votée
Le dossier 13 Juin 2013 Le 13 juillet prochain, il y aura 30 ans qu’a été votée la loi portant statut général des fonctionnaires. L’occasion de revenir sur le contexte et les conditions de cette avancée sociale bien entendu. Mais aussi de se poser les questions du présent et de l’avenir du statut. Loin de tout esprit d’une commémoration formelle, c’est à un échange, prenant appui sur les enseignements du passé et en prise avec les besoins de la Fonction publique d’aujourd’hui et de demain, de ses personnels, du service public et de ses usagers, que nous avons convié nos invités. Anicet Le Pors, Ministre de la Fonction Publique et des Réformes administratives de juin 1981 à Juillet 1984. Bernadette Groison, Secrétaire générale de la FSU. Baptiste Talbot, Secrétaire général de la Fédération des services publics CGT Jean Marc Canon, Secrétaire général de l’UGFF-CGT Animation Patrick Hallinger « Fonction Publique » : Le statut général des fonction- naires est une des grandes conquêtes démocratiques de la libération. Dans le contexte de 1981-1983, il y a eu une nouvel- le avancée démocratique avec la loi du 13 juillet 1983 et un statut qui désormais intègre dans son champ la Fonction publique d’Etat, la Fonction publique Territoriale et la Fonc- tion publique Hospitalière. C’est une situation inédite en Europe, peut-être une référen- ce, et nous fêtons cette année le 30ème anniversaire du sta- tut. Pourtant les attaques n’ont pas manqué ! Comment analysez-vous cette construction, ses fondements, la force qui s’y attache ? Anicet Le Pors : Avant d’ar- river au gouvernement, avec mon ami René Bidouze – prédéces- seur de Thérèse Hirzsberg à la tête de l’UGFF et qui sera direc- teur de mon cabinet – nous avions travaillé sur les ajuste- ments du statut général des fonc- tionnaires qui nous apparais- saient nécessaires pour le moderniser. La démarche géné- rale était d’intégrer dans le statut ce qui avait été écarté par l’or- donnance de 1959 qui avait opéré un partage différent de la situation antérieure entre la loi et le décret : le statut de 1946 comptait 145 articles, l’ordonnan- ce de 1959, 57. Nous souhaitions également mettre dans la loi ce qui était cantonné jusque-là dans la jurisprudence en améliorant et rationalisant l’ensemble. Le ren- forcement de la base législative du statut général nous semblait une meilleure garantie pour l’ave- nir et la condition d’une cohéren- ce satisfaisante. Arrivés au gouvernement, il a fallu répondre à la priorité donnée à la loi de décentralisation déci- dée par le Président de la Répu- blique François Mitterrand. Des garanties statutaires étaient pro- mises par le ministre de l’Intérieur Gaston Defferre en charge du dossier. Ce projet ne pouvait manquer d’avoir des implications sur les fonctionnaires de l’État, les seuls fonctionnaires existant à l’époque, les agents des collecti- vités territoriales étant régis par le Livre IV du code des com- munes. Nous avons eu rapide- ment le sentiment que Gaston Defferre entendait essentielle- ment améliorer ce texte qui caractérisait une Fonction publique d’emploi, plus précaire que le régime de la carrière du statut général. Il y avait là, outre que l’amélioration de la situation statutaire des agents des collecti- vités territoriales aurait été limi- tée, un risque de dénaturation du statut général existant. Nous avons alors décidé de défendre l’idée du système de la carrière pour tous. Des tensions avec le ministère de l’Intérieur se sont développées et j’ai demandé et Statut général Déjà 30 ans, et un bel avenir devant lui. Le dossier 14 Fonction Publique n° 211 obtenu du Premier ministre Pierre Mauroy, de pouvoir intervenir dès l’ouverture du débat sur la décen- tralisation à l’Assemblée nationa- le aussitôt après le ministre de l’Intérieur le 27 juillet 1981 soit à peine plus d’un mois après notre entrée au gouvernement. Passons sur les péripéties qui ont suivi. Finalement, Pierre Mauroy a arbitré en faveur d’une Fonction publique de carrière pour tous. Restait à mettre en forme un sys- tème qui devait à la fois marquer l’unité de la Fonction publique française et sa diversité. Il n’était pas facile de trouver le bon équi- libre. Finalement il a été décidé de construire un ensemble unifié avec un premier titre consacré aux droits et obligations de tous les fonctionnaires, puis trois titres consacrés respecti- vement à la Fonction publique de l’État, des Collectivités Territo- riales, Hospitalière. Ultérieure- ment, un projet statutaire m’a opposé au ministre chargé de la Recherche, Jean-Pierre Chevè- nement, qui souhaitait un statut autonome pour les agents des établissements publics de recherche ; ils ont finalement été intégrés à la Fonction publique de l’État en position très déroga- toire. C’est ce qu’on a appelé une Fonction publique « à trois ver- sants ». « Fonction Publique » : Pourrait-on avoir quelques pré- cisions sur la manière dont chacun se situait au regard des propositions formulées. Anicet Le Pors : Quel était le contexte ? S’agissant des syndi- cats, s’ils se sont m o n t r é s finalement d’accord avec la solution proposée à l’issue d ’ u n e concer- t a t i o n s a n s précé- d e n t , ils ne m a r - chaient pas du même pas, ce qui explique l’échelonnement dans le temps des différentes lois, de 1983 à 1986. Les élus et leurs associations étaient plutôt réser- vés, craignant de voir leurs préro- gatives réduites par un encadre- ment statutaire plus strict. L’oppo- sition politique nous a successi- vement accusés de vouloir faire un statut communiste, puis socia- liste, avant de réduire ses cri- tiques faute de grain à moudre devant l’affirmation qu’il s’agissait d’un statut républicain. Nous avons bénéficié de deux chances. La première, a été le soutien constant du Premier ministre Pierre Mauroy, lui-même ancien fonctionnaire, syndicaliste, au-quel je veux rendre hommage. La seconde, est le peu d’intérêt porté par le Président de la République à ces questions. Il ne se manifestera guère qu’en 1985 lors du passage en conseil des ministres de la loi sur la Fonction publique hospitalière, regrettant cette architecture selon lui trop lourde et pronostiquant : « Je ne suis pas sûr, en définitive, que ces lois aient longue vie ». Ce trentième anniversaire témoigne de son erreur de jugement. Si le statut a résisté à toutes les attaques dont il a été l’objet durant cette période, c’est sans doute en raison de sa solide architecture juridique. Mais c’est surtout parce qu’il a été fondé sur des valeurs, des principes enraci- nés dans notre histoire. Le princi- pe d’égalité, qui a sa source dans l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui indique que l’on accède aux emplois publics sur la base des « vertus » et des « talents » et dont nous avons déduit que c’est par concours que l’on entre dans la Fonction publique. Le principe d’indépen- dance, issu de la loi sur les offi- ciers de 1834 d’après laquelle « le grade appartient à l’officier et l’emploi au Roi », la séparation du grade et de l’emploi caractéri- sant le système de la carrière et protégeant le fonctionnaire de toutes pressions. Le principe de responsabilité, par référence à l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme imposant à l’agent public de rendre compte de sa mission à la Nation et fon- dant la conception du fonctionnai- re-citoyen opposée à celle du fonctionnaire-sujet. Jean-Marc Canon : Revenir sur la période de 1983-86, ce n’est pas de considérer qu’en fêtant le trentième anniversaire du statut, on est dans la commé- moration d’un vestige. On serait en train de saluer une création du passé qui n’aurait d’intérêt que parce que, justement, ce serait une création du passé. Au contraire, ce qui est en ques- tion, c’est reconnaître que le sta- tut de 1983-86 constitue encore aujourd’hui un dispositif résolu- ment moderne et constitutif d’un socle porteur d’avenir. Car, ce qui a été posé en 1983 est quelque chose qui est non seulement contemporain et contemporain au sens ou cela appelle toujours des choses posi- tives pour le futur. 3 axes extrêmement forts ont été fondateurs du statut de 1983 : La réaffirmation, pas simple- ment principielle, dans la réalité du texte, du fonctionnaire citoyen. Le statut de 1946 en avait déjà porté les jalons. Une des forces du statut de 1983 a été de le transcrire de manière plus forte, c’est à dire en rompant radicale- ment avec l’idée qui avait prévalu pendant des décennies, que cer- tains portaient encore en 1983 et portent encore aujourd’hui, que le fonctionnaire est un sujet et avant tout au service de l’Etat en se taisant. Des thèses ont été réalisée sur le sujet ainsi celle d’Olivier Baruch sur « servir l’Etat français ». Dans les textes de 1983, des choses très fortes sont marquées dans la loi. La citoyenneté de fonctionnaires est inscrite dans le marbre. Et comme, il n’y a pas de citoyenneté sans droit syndical et sans droit de grève, le statut uploads/s1/fonction-publique-211-3.pdf
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- Publié le Aoû 02, 2021
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