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22.10.11 15.01.12 2 3 Dans le lieu qu’il a créé à Berlin en 2009, le me Collectors Room (me étant l’acronyme de « moving energies »), Olbricht présente donc en permanence un Kunst und Wunderkammer (« cabinet d’art et de curiosités »), au milieu d’expositions thématiques d’art contemporain réalisées à partir de ses collections. À l’ins- tar de la maison rouge, le me Collectors Room a également initié des présentations de collections particulières, donnant la pri- meur à Antoine de Galbert, qui expose une partie de sa collection à Berlin jusqu’au 8 janvier 2012. Le titre de l’exposition Mémoires du futur est inspiré de l’œuvre de Laurent Grasso, présentée dans l’exposition. L’idée d’une im- brication du passé et du futur nous a paru d’une part faire écho à l’attitude du collectionneur dont les inclinations se sont dé- veloppées à revers de la chronologie : l’art ancien après l’art contemporain. Les œuvres anciennes de Thomas Olbricht sem- blent par ailleurs résonner avec notre présent et éclairer les œuvres contemporaines depuis une époque reculée. C’est pré- cisément ce principe du « passé comme réserve de l’avenir » (selon la formule de Damien Sausset dans le catalogue) qui fait l’originalité de la collection Olbricht. Quand certains collection- neurs circonscrivent un territoire d’action, lui ne place aucune limite temporelle, géographique ou stylistique à ses achats. D’une certaine manière, chaque nouvelle œuvre qui entre dans sa collection ouvre potentiellement de nouvelles opportunités d’associations et creuse le sillon des suivantes. Ce schéma rhizo- mique fait émerger des thématiques ou des motifs récurrents : corps, religion, mort, violence… qui structurent le parcours de cette exposition. Compte tenu du grand nombre d’œuvres présentées, toutes ne sont pas commentées dans ce livret. La majorité des objets d’art ancien fait l’objet de notices individuelles dans le catalogue de l’exposition. Médecin endocrinologue (né en 1948 à Essen), Thomas Olbricht collectionne l’art depuis plus de vingt-cinq ans. Initié par son grand-oncle, Kärl Stroher, grand amateur de Pop Art et collec- tionneur de Beuys, et accompagné de son ami de longue date, Wolfgang Schoppmann, commissaire de la présente exposi- tion, Thomas Olbricht a construit une collection de plus de deux mille cinq cents pièces dont l’originalité principale est de couvrir un spectre temporel s’étendant du XVIe siècle aux plus récentes créations. Mémoires du futur, la collection Olbricht Commissaire de l’exposition : Wolfgang Schoppmann Commissaire de la Wunderkammer : Georg Laue Mémoires du futur est la huitième exposition d’un cycle consacré aux collec- tions privées, commencé par La maison rouge en 2004. 4 5 mêmes attributs, auxquels s’ajoutent des références chrétien- nes : le serpent et la pomme croquée aux pieds du putto rappe- lant la Chute d’Adam, à l’origine de la mortalité de l’homme. Ces pièces rares et d’une facture exceptionnelle (comme d’autres exposées plus loin dans l’exposition) sont dignes des plus grands musées. Elles font face à une vanité moderne, en trente-cinq clichés. La magistrale série de photographies, The Brown Sisters de Nicholas Nixon montre à la fois la vie (que le médium photographique sait si bien capter) et la mort en mar- che. Depuis plus de trente ans, Nixon prend chaque année une photo de sa femme et de ses trois sœurs. Image après image, se dévoilent la complicité et la tendresse qui unissent ces femmes, tout au long des étapes de leur vie. La physionomie et le visage des sœurs sont progressivement transformés par le passage du temps et l’irrévocable cheminement de chacune vers la vieilles- se et la mort. La série porte en creux la dernière image et les insupportables questions qu’elle soulève : qui sera la dernière ? À ses débuts de collectionneur au milieu des années 80, Thomas Olbricht s’intéresse avant tout aux artistes allemands d’après-guerre, parmi lesquels Gerhard Richter et Sigmar Polke, qui ont tous deux étudié à l’école des Beaux-Arts de Düsseldorf. Ils sont représentés ici par des œuvres en décalage par rapport au reste de l’exposition, et plus généralement, de la collection Olbricht. La curiosité du collectionneur pour des œuvres ex- plorant l’humain dans toutes ses dimensions laisse en effet peu de place à l’art abstrait. Dans ces toiles datant de la deuxiè- me moitié des années 60, Richter, comme Polke, adoptent une attitude distanciée par rapport au modernisme abstrait. Polke parodie la « grille moderniste » en substituant à la toile blan- che une toile de flanelle de coton duveteuse, tissu utilitaire dont les bandes délimitent l’intervention de la main de l’artiste : Une œuvre de l’artiste américain Ryan McGinness ouvre l’ex- position. Combinaison et remixage d’éléments prélevés dans des œuvres existantes (de la sculpture africaine à Jérôme Bosch en passant par des volutes décoratives rococo et des symboles aborigènes) et transformés en pictogrammes colorés, sa pein- ture est emblématique d’une attitude « postmoderne », dont l’une des caractéristiques en art est l’usage de la citation des références du passé, sur le mode de l’ironie, de la distanciation, du pastiche, ou du grotesque. Une approche particulièrement bien représentée dans cette exposition. La mort est un sujet très présent dans la collection Olbricht, ou plutôt les interprétations, allégories ou symboles de la mort. Son caractère irreprésentable est sans doute ce qui a contribué à en faire un sujet de recherche permanent pour les artistes jusqu’à nos jours. Il semblait donc pertinent d’ouvrir l’exposi- tion avec Albrecht Dürer, qui en a donné une image devenue emblématique dans Le Chevalier, La Mort et le Diable (1513), représentant un chevalier chrétien indifférent aux pièges de ce monde et aux tourments intérieurs, symbolisés par la mort et le diable. Tout près, d’autres œuvres montrent d’emblée l’ambition de la collection Olbricht, et son niveau d’excellence. Dans la première vitrine, l’étonnante figure de la Mort en archer, chairs en lambeaux, prête à tirer sa prochaine flèche, faisait partie de la collection Yves Saint Laurent. À ses côtés, une très rare pendule automate de la Renaissance, probablement issue d’un cabinet de curiosités princier, aborde d’une manière inha- bituelle le thème de la vanité : munie de tous les symboles du passage du temps (escargot, flambeau, urne, crâne, sablier), elle dispose d’un mécanisme insolite qui fait sortir un serpent de l’orbite du crâne (allusion au péché originel) quand sonne le quart d’heure. On retrouve dans le tableau de Frans Pourbus les 6 7 corps de tatouages biomorphiques dessinés à même un poster de l’œuvre, Moerman redonne un corps réel à la femme légen- daire et la restitue dans la chaîne du vivant. Comme Wathen, l’allemand Jonas Burgert part souvent d’auto- portraits, multipliés dans des mises en scènes complexes et énigmatiques : l’artiste impassible, sous différents costumes et à différentes échelles, est figé dans des postures théâtrales. Époques, références et cultures diverses se combinent pour évoquer un rituel obscur, dont la peinture est l’arène. La facture et le style des tableaux de Laurent Grasso de la série Studies into the Past s’inspirent directement des primitifs fla- mands et italiens. Mais l’artiste y a inséré les éléments emblé- matiques de ses propres vidéos (pierres en apesanteur, nuage au sol ou comme ici, éclipse), créant ainsi une « mémoire his- torique fictive de [son] travail ». La filiation logique (un artiste contemporain s’inspirant d’un artiste ancien) semble ici inver- sée pour brouiller la perception du visiteur. Sous le nom de naturalia, les curiosités naturelles occupaient une place de choix dans les Wunderkammern, les « chambres des merveilles » dans lesquelles les nobles et savants de la Renaissance rassemblaient leurs collections d’objets précieux. Les animaux exotiques, qu’ils soient naturalisés, réduits à des trophées, ou reproduits y étaient nombreux. Ainsi du rhino- céros, dont les cornes étaient par ailleurs recherchées pour leurs prétendues vertus curatives et antipoison. L’animal est reproduit dans l’ouvrage du naturaliste suisse Conrad Gesner, recensant dans le Thierbuch (le livre des animaux) toutes les espèces connues à l’époque de sa publication en 1563. Mais la gravure du rhinocéros qui y figure est en fait copiée d’une gravure de Dürer, antérieure de cinquante ans et totalement fantaisiste, ni Dürer, ni Gesner n’ayant jamais vu l’animal en des carrés noirs renvoyant à la toile de Malevitch, référence absolue de la peinture abstraite occidentale. Il aborde en même temps des questions qui seront au cœur de la pensée postmo- derne, comme celles de l’auteur ou de l’originalité, également pertinentes pour approcher les œuvres de Richter. À partir des années 60, ce dernier réalise des peintures ayant comme sour- ce des photographies en noir et blanc, clichés amateurs, ou publiés dans la presse, qu’il reproduit scrupuleusement, avant de floutter les contours des figures en passant un pinceau sur la peinture encore fraîche. Il peint à la même époque des mo- nochromes gris, passant indifféremment de l’abstraction à la figuration, et révélant ainsi la dimension conceptuelle de sa démarche artistique. La peinture est très présente dans la collection Olbricht : une peinture figurative essentiellement, privilégiant un certain savoir-faire, et une iconographie souvent intrigante. Les grands noms y côtoient de très jeunes artistes, dont la majorité n’a ja- mais été montrée en France. Introduits par la Reine Blanche de Pierre uploads/s3/ 21-mr-journal-olbricht-ok-0-1.pdf

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