Accidentologie des installations de stockage et de dépotage d'ammoniac (2006) S
Accidentologie des installations de stockage et de dépotage d'ammoniac (2006) Si souvent, l'analyse des risques liés à une activité consiste à imaginer les pires des scénarii pour en prévenir l'occurrence et en limiter les éventuelles conséquences, en ce qui concerne les installations de stockage d'ammoniac, le pire des scénarii s'est déjà produit : - en mars 1989 à Jonova en Lituanie. La rupture d'un réservoir cryogénique de 10 000 t a engendré un nuage toxique de 400 km² et l'évacuation de 32 000 personnes. Le bilan humain, sans doute sous-évalué, fait état de 7 morts et 60 blessés. - En octobre 1984 à Geismar aux Etats Unis. Un réservoir cryogénique de 15 000 t se déchire à la jonction entre la jupe et le toit du stockage mettant en contact 9 200 t de NH3 avec l'atmosphère. En France, la fuite d'ammoniac la plus importante (27 t) a lieu à Mazingarbe en 1994 lors du dépotage d'un wagon. Les conséquences d'accidents sur ces installations peuvent donc être particulièrement graves (Potchefstroom, Dakar, Liévin...), c'est l'un des points évoqués dans cette synthèse établie en fonction des informations rassemblées à partir de 101 incidents ou accidents français et étrangers (respectivement 40 et 61 cas) recensés dans la base de données ARIA, survenus avant le 1er janvier 2006. Le présent document s'intéresse d'abord aux installations de stockage et de dépotage mettant en oeuvre de grandes quantités d'ammoniac industriel. Néanmoins d'autres cas impliquant des installations plus modestes seront mentionnés dans la mesure où ils sont porteurs d'enseignements transposables aux installations plus importantes. Sur les 101 accidents pris en compte, 52 sont liés uniquement au stockage de l'ammoniac et 49 concernent les installations ou opérations de dépotage. Les différents types d'accident Le tableau ci-après indique la typologie des 101 accidents étudiés. Typologie Nbre de cas % Rejet dangereux 97 96 Explosion 17 17 Incendie 8 8 Effet domino 5 5 Presque accident 3 3 Autre 1 1 Les rejets dangereux concernent la presque totalité des cas recensés, qu'il s'agisse de rejets directs (fuites, ruptures de capacité...) ou d'émissions accidentelles entraînées par d'autres phénomènes (explosion, incendie...) Les 17 cas d' « explosion » recensés concernent soit : - le « BLEVE » (chaud ou froid) de réservoirs. Ce phénomène résulte d'une suppression du stockage de gaz liquéfié due à un incendie (n° 5379, 5390, 5412), à un surremplissage (n° 3485 ' rupture d'une citerne routière à Dakar, n° 6959 ' rupture d'une bouteille de NH3 surremplie) ou à l'endommagement du réservoir par un projectile, un choc ou la corrosion (n° 4988 ' rupture d'une citerne de transport à cause de corrosion sous tension). - l'allumage de vapeurs d'ammoniac au contact d'un point chaud (installation électrique, chaudière, torche...(n° 5210, 5351...)) du fait de la présence d'hydrogène, ou du caractère inflammable et explosible d'une atmosphère confinée d'ammoniac, ce caractère étant renforcé en présence de certaines substances comme l'huile (abaissement de la LIE). - le contact de produits incompatibles (n° 54 ' mélan ge acide nitrique / ammoniac). Souvent, les « BLEVE » provoquent ou résultent d'effet domino (n° 5379, 5390, 5412). Ce type d'effet r egroupe par ailleurs les cas d'endommagement de la capacité d'ammoniac par des projectiles (n° 6268 ' un missile é jecté d'une explosion perce une brèche de 15 cm sur le stockage d'ammoniac sans provoquer de BLEVE) et les accidents sur des stockages d'ammoniac ayant entraînés des dommages sur d'autres installations (n° 717 ' les vapeurs d'ammoniac émises par la rupture du stockage s'enflamment sur la torche, l'incendie se propage aux stockages d'engrais de l'usine). Les "presque-accidents" recensés concernent la déformation, le déplacement ou l'endommagement des installations de stockage ou de dépotage d'ammoniac sans qu'aucune fuite n'en ait découlée (n° 2025 ' déplacement du réservoir de NH3 sous l'effet d'une contrainte, n° 24126 ' découverte de zones de corro sion sur un stockage lors d'un contrôle, n° 28851 ' mélange de produits sans conséquence sur les installations ou l'environnement, lors du dépotage). Enfin, l'implosion d'un réservoir (n° 16078) est ré pertoriée sous la catégorie "Autre". Les conséquences Les principales conséquences engendrées par les accidents français et étrangers recensés impliquant les installations de stockage et de dépotage d'ammoniac sont indiquées dans le tableau suivant. De nombreux accidents impliquant le stockage et de dépotage d'ammoniac ont des conséquences importantes : Alors que les accidents mortels représentent 7 % des 30 860 accidents survenus avant 2006 et recensés dans ARIA, ils concernent 19 % des accidents liés aux installations de stockage et de dépotage d'ammoniac. Ainsi, 19 accidents mortels (8 liés au stockage et 11 au dépotage) sont responsables de plus de 200 décès (n° 34 85 ' 129 morts à Dakar au Sénégal, n° 5348 ' 18 morts à Potc hefstroom en Afrique du Sud), essentiellement par brûlure ou intoxication. En France, 3 accidents mortels (n° 49 88 ' à Liévin, n° 5001 ' à Labastide d'Armagnac, n° 14861 - France) ont provoqué 7 décès, tous parmi les employés. Les accidents impliquant l'ammoniac peuvent conduire à prendre des mesures d'évacuation ou de confinement des populations riveraines, parfois de très grande ampleur du fait de la formation de nuages toxiques importants (n° 717 ' 32 000 évacués à Jonova en Lituanie, n° 54 50 ' 20 000 évacués à Incheon en Corée du Sud, n° 62 68 ' 2 500 évacués à Port Neal aux Etats-Unis). Aussi, les conséquences environnementales les plus fréquentes sont relatives à la pollution atmosphérique (56 % des cas). Toutefois, les pollutions des eaux engendrées par le déversement d'ammoniac ou le lessivage d'ammoniac émis à l'atmosphère, si elles sont plus rares, sont généralement plus graves. En effet, l'ammoniac sous forme non-ionisée (NH3 libre et non NH4+) est très toxique pour les organismes aquatiques (n° 221 90 ' le déversement de 29 m3 de NH3 pollue 30 km de rivière et tue plus de 100 000 poissons). Les circonstances et les causes des accidents L'analyse des causes des accidents qui est l'un des principaux objectifs du retour d'expérience, est aussi l'un des paramètres les plus difficiles à appréhender en l'absence d'expertise détaillée. Par ailleurs, les limites entre les divers critères habituellement retenus pour classifier les causes d'un accident restent par essence fluctuantes d'un analyste à l'autre notamment concernant la distinction entre "défaillance matérielle" et "facteur humain et organisationnel". Aussi, avons-nous choisi de lister les incidents survenus sur chaque élément ou organe de sécurité des installations de stockage et de dépotage d'ammoniac sous l'apparence de "défaillance matérielle" en ayant conscience que très souvent un élément humain ou organisationnel en est à l'origine ou y a contribué. les stockages d'ammoniac 3 types de stockage d'ammoniac peuvent être distingués : stockage cryogénique (- 33° C, pression atmosp hérique), stockage réfrigéré (~ 0° C, ~ 4 bar) et stockage sou s pression (~ 20° C, ~ 9 bar). Certaines défaillance s peuvent être communes aux différents types de stockage et d'autres sont spécifiques. Par ailleurs, les sources d'information ne mentionnent pas toujours le type de stockage concerné, aussi traiterons-nous l'ensemble de ces stockages dans un seul et même chapitre en précisant lorsqu'elles sont connues les caractéristiques des réservoirs et les défaillances survenues. Le tableau ci-après indique les circonstances de fonctionnement de l'unité lors de la survenue des accidents. Circonstances Nbre de cas % (*) Fonctionnement normal 23 62 Maintenance / test / mise en service / opération exceptionnelle 14 38 * : sur 37 cas dont les circonstances sont connues Sur les 14 événements survenus lors de circonstances particulières : - 2 sont consécutifs à la mise en service d'équipement (n° 2025 – presque-accident lors du test de fonctionnement d'un nouveau réservoir, n° 5384 - ru pture du réservoir de NH3, lors du démarrage d'une unité de production d'engrais), - 7 se sont déroulés lors de travaux (n° 976 – une fu ite lors de travaux intoxique une centaine de personnes, n° 9904 – ouverture involontaire d'une vanne, n° 295 17 – un réservoir cryogénique se rompt lors de sa remise en service après travaux, n° 29687 – déchiru re d'un fût sous pression utilisé comme stockage temporaire lors de travaux, n° 31015 – 300 kg de NH3 sont rejetés à l'atmosphère du fait de la non- fermeture d'une vanne après une maintenance sur le poste de déchargement) ou de petites réparations (n° 5455, 25699), - 5 sont survenus lors d'inspection ou lors d'épreuve de capacités (n° 16078 – implosion du réservoir su ite à une dépression pendant les travaux d'inspection, n° 19529 – ouverture anormale d'une vanne de mise à l'atmosphère des inertes lors de la vidange d'une sphère, n° 28142 – émanations de NH3 issues de l'eau de dégazage d'une sphère incorrectement évacuée, n°28848 – rejet de NH3 à l'atmosphère lors de la vidange à l'eau d'une sphère suite à son non-désaccouplement avec une autre sphère en service, n° 28849 – une erreur de branchement lors de l'épreuve d'une sphère conduit au rejet de 300 kg de NH3). Dans la plupart de ces cas, une anomalie d'organisation ou une défaillance humaine est à l'origine de l'accident, comme uploads/s3/ 5.pdf
Documents similaires
-
18
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Nov 30, 2022
- Catégorie Creative Arts / Ar...
- Langue French
- Taille du fichier 0.0437MB