Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA 11 | 2007 Varia Musiq

Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA 11 | 2007 Varia Musique et Architecture : théories, composition, théologie (XIIIe-XVIIe siècles) Vasco Zara Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/cem/1178 DOI : 10.4000/cem.1178 ISSN : 1954-3093 Éditeur Centre d'études médiévales Saint-Germain d'Auxerre Édition imprimée Date de publication : 15 août 2007 ISSN : 1623-5770 Référence électronique Vasco Zara, « Musique et Architecture : théories, composition, théologie (XIIIe-XVIIe siècles) », Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA [En ligne], 11 | 2007, mis en ligne le 30 août 2007, consulté le 10 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/cem/1178 ; DOI : https://doi.org/ 10.4000/cem.1178 Ce document a été généré automatiquement le 10 décembre 2020. Les contenus du Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre (BUCEMA) sont mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International. Musique et Architecture : théories, composition, théologie (XIIIe-XVIIe siècles) Vasco Zara 1 C’est sous l’égide du Nombre que les architectes d’abord, les musiciens ensuite et les historiens en dernier, ont essayé de concilier les lois de composition architecturale avec les préceptes de la théorie musicale. Nombre sonore, ou mieux : la proportio découverte par Pythagore à l’écoute d’un forgeron. 1 : 2, 2 : 3, 3 : 4 – diapason, diapente, diatesseron : par la ratio mathématique qui établit correctement les rapports des parties, on entend résonner l’harmonia d’Apollon et ses Muses ainsi que la structure architecturale du cosmos, humano et mundano. Tel que saint Augustin semble l’avoir affirmé, musique et architecture sont donc perçues comme sciences sœurs : les seules au Moyen Âge à illustrer consubstantiellement la scission entre théorie et pratique. Mais si la science de l’espace s’y voit bientôt contrainte par les entraves du travail humain, au contraire la scientia du temps retrouve son assise légitime dans les curricula philosophiques et libérales. Ancienne déférence littéraire ou authentique héritage légué par le Quadrivium ? Si la référence musicale est explicite dans les traités d’architecture de la Renaissance (qu’il s’agisse de la concinnitas d’Alberti d’ascendance stoïcienne et cicéronienne, ou de l’organicisme des projets de Palladio), le poids se révèle autrement aléatoire : que retrouve-t-on effectivement au passage du papier à la fabrica ? Encore plus pressant apparaît le doute quant aux chantiers médiévaux, surchargés par une interprétation symbolique souvent outre mesure (du compas comme de la gamme). Les réponses – non univoques – données jusque là, esquissent néanmoins deux différentes modalités d’approche épistémologique : 1. musicologique et médiévale, parfois satisfaite d’une mystifiante traduction sonore des mesures architecturales ; 2. spécifique à l’architecture et à la Renaissance, soucieuse avant tout d’en évaluer la dette savante et intellectuelle. Les questionnements persistent1. Musique et Architecture : théories, composition, théologie (XIIIe-XVIIe siècles) Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA, 11 | 2007 1 2 Ma contribution à ces débats sur la musique et l’architecture s’est articulée sur deux axes principaux de recherche. D’une part, l’étude d’un édifice du XIIIe siècle, Castel del Monte, au sud de l’Italie, près de Bari, objet de ma tesi di laurea. D’autre part, la question de la théorie des arts en France au XVIIe siècle, notamment à partir des écrits de René Ouvrard, dans le cadre de la dissertation doctorale2. Ces recherches s’ouvrent actuellement vers de nouvelles enquêtes qui s’attachent aussi bien aux processus de composition, musicaux et architecturaux, au XVe siècle, qu’aux fondements théologiques du cantus firmus. 3 Édifice dont l’appellation commune, château, détourne et ne confirme pas l’identité. Octogonal dans toutes ses parties : plan, élévation, cour intérieure, tours extérieures ; symbole impérial moins périssable que le papier, pensé et commandé par Frédéric II Hohenstaufen, empereur excommunié au retour d’une croisade où il s’était autoproclamé Roi du Monde à Jérusalem. Il n’y habita jamais et le légua en héritage à son fils qui ne sut qu’en faire sinon que le transformer en prison. Palais dépourvu de tout critère de système de défense médiéval, tentorium dessiné au sol par le soleil, l’octogone est la trame d’une mathématique céleste – géométrique, arithmétique et astronomique – capable de lier le ciel à la terre. Alors où se trouve la musique (et la question contient les prodromes de la recherche), étant donné qu’elle aussi fait partie du Quadrivium ? Dans les proportions des petits nombres entiers pythagoriciens et platoniciens, engendrés par la répétition ad quadratum de l’octogone. Mais surtout dans l’architecture nue et crue de la cour intérieure, miroir des murs extérieurs, apparat iconographique exotérique et non ésotérique, où portes et fenêtres ne sont rien d’autres qu’une représentation de l’Harmonie des Sphères, où les planètes et les anges chantent, par les vestiges non d’une gamme musicale amorphe et indistincte, mais d’une véritable mélodie, avec ses pauses et ses soupirs, le Nom de Celui qui les a générés, par le biais des nombres que la cabala assigne au tétragramme YHWH. Tout cela, en gardant bien à l’esprit la leçon de Marius Schneider, capable de transformer un cloître catalan en une magnifique et imagée rota musicale, où les mouvements sont à retracer dans une improbable influence de la théorie musicale indienne, inconnue en Europe au moins jusqu’au XIXe siècle3. La recherche sur Castel del Monte ne sort pas de la cour du roi qui l’a voulu et de l’enseignement des savants qui l’ont entouré tout au long de sa vie. Ainsi, le Doctor Perplexorum de Maimonide là traduit en latin, le Liber Introductorius de Michel Scot, le De Institution Musica de Boèce, le Liber Quadratorum de Fibonnaci personnellement dédié à l’empereur, forgent le tissu connectif d’une interprétation symbolique et musicale capable alors d’offrir renfort et réconfort aux études littéraires les plus récentes quant à l’origine, mathématique, d’une forme poétique fixe apparemment surgie de nulle part : le sonetto4. Et de confirmer aussi ce qu’Émile Mâle prêchait il y a déjà un siècle : 4 « À vrai dire, je ne crois pas qu’on puisse citer une seule représentation de la Théologie dans le portail de nos cathédrales. Ce serait en effet une sorte de contresens. Les Sciences humaines, le trivium et le quadrivium, peuvent bien figurer au-dessus de la porte de l’église, parce qu’en effet elles y donnent accès, parce qu’elles sont indispensables […] ; mais la Théologie n’y a nullement sa place marquée. C’est la cathédrale toute entière, avec sa géométrie mystique, ses légendes et ses dogmes sculptés et peints, qui symbolise la Théologie5. » 5 À Castel del Monte, c’est par son lien privilégié avec la musique que l’architecture parvient à illustrer ce programme. Architecture Harmoniquee Musique et Architecture : théories, composition, théologie (XIIIe-XVIIe siècles) Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA, 11 | 2007 2 6 Une nouveauté absolue, une étape fondamentale dans l’étude des rapports entre musique et architecture : dans le bien comme dans le mal, puisqu’à partir de l’interprétation poussée faite par des contemporains complaisants (et pas des mineurs : François Blondel, le premier directeur de l’Académie Royale d’Architecture), en découlera le principe, faux, qui explique les dimensions architecturales comme un son musical transposable dans une partition. C’est la première fois qu’un musicien, théoricien de la musique, pédagogue – non un poids lourd (inutile d’en chercher le nom dans les histoires de la musique : on ne le trouvera pas), mais non plus un inculte, maître de musique dans la plus importante institution musicale parisienne du Seicento, la Sainte-Chapelle – écrira un traité sur l’ Application de la Doctrine des Proportions de la Musique à l’Architecture6. Il s’agit par là d’un changement radical de perspective : après la tutelle séculaire exercée par les architectes et les théoriciens de l’architecture, c’est bien la première fois que la parole passe de l’autre côté. Le but d’Ouvrard est pratique : intervenir dans les débats sur le langage architectural national naissant, en quête d’indépendance vis-à-vis du patronage italien, mais dangereusement à la dérive par le refus des architectes de s’aligner sur la vétuste tradition des proportions et hâtifs au contraire d’embrasser les règles de l’accoutumance et de la fantaisie. La solution : démontrer que toutes les indications des proportions présentes dans le De Architectura de Vitruve peuvent être ramenées au rapport harmonique, donc musical. Dans la tentative extrême de concilier la physique moderne et empiriste et la prisca sapientia, le maître janséniste 7 transforme ses architectures en énormes mégaphones, machines phonurgiche jadis théorisées par le père jésuite Athanasius Kircher. Mais entre les pages on voit alors se dévoiler le profil d’un débat qui, selon l’assomption ou le refus de la filiation musicale dans la conception architecturale, anticipe d’au moins une vingtaine d’années la Querelle des Anciens et des Modernes, qui en réalité trouve là-bas ses racines et ses protagonistes 8. Depuis une telle perspective d’étude, la translatio imperii et studii ad Francos qui s’avère dans le domaine architectural ouvre le rideau sur le rôle majeur joué par le paradigme musical, et sur les fonctions, migrations et transformations de ce modèle épistémologique dans les débats sur la théorie des arts en France tout au long du XVIIe siècle. On rappellera alors l’œuvre de Nicolas uploads/s3/ 6-8-vasco-zara-theorie-compo-theo 1 .pdf

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