XXIV - 1èxte et discours 1 029 . 3. L'ANAPHORE 3.1. Déf" mition La cohésion du
XXIV - 1èxte et discours 1 029 . 3. L'ANAPHORE 3.1. Déf" mition La cohésion du texte repose en partie sur la répétition. Divers éléments linguistiques y contribuent ; les groupes nominaux, en particulier, assurent, par leur articulation et leurs relations au fil du texte, la reprise de l'information. La notion d'anaphore permet de décrire cet aspect de l'orga nisation du texte. L'anaphore se définit traditionnellement comme toute reprise d'un élément antérieur dans un texte. Remarque. - La relation anaphorique peut évidemment exister à l'intérieur d'une phrase, le plus souvent complexe : Si l'on ne voit pas pleurer les poissons / Qy1 sont dans l'eau profonde / C'est que jamais quand ils sont polissons / Leur maman ne les gronde (Boby Lapointe). Un pronom réfléchi qui renvoie au sujet du verbe est aussi anaphorique : La chatte se lave. Plus précisément, une expression est anaphorique si son inter prétation référentielle dépend nécessairement d'une autre expression qui figure dans le texte : Depuis trois jours la seul .e distmction de Mme de Rénal avait été de tailler et de faire faire en toute hâte par Élisa une robe d'été, d'une jolie petite éto ff e fort à la mode. À peine cette robe put-elle être terminée quelques instants après l'mTIvée de .Julien ; Mme de Rênal la mit aussitôt. Dans cet extrait de Stendhal, deux termes sont anaphoriques : le référent du groupe nominal cette robe et du pronom personnel la s'identifient à partir d'une robe d'été. Remarques. - 1 . Le terme anaphore vient de la rhétorique, où il désigne un pro cédé stylistique, à savoir toute répétition du même mot (ou groupe de mots) en tête de phrase ou en début de vers, pour créer un effet de parallélisme ou de symétrie : " pleure dans mon cœur/Comme il pleut sur la ville ; (. . .) " pleure sans raison/Dans ce cœur qui s'écœure (Verlaine). (Pour un autre exemple, voir, dans Horace de Corneille, la répétition de Rome dans la tirade de Camille) 2. Conformément à son étymologie (ana- signifie « en arrière », « en remontant »), le terme anaphore implique le renvoi à un élément antérieur du texte. Il s'oppose à cataphore, qui désigne le renvoi à un élément postérieur dans le texte (cata = « en bas » , « en descendant ») . Dans Je t'annonce ceci : Tristan est de retour, le pronom démonstratif ceci, qui annonce la phrase qui suit, a un rôle cataphorique. Il peut en aller de même pour un groupe nominal comportant un déterminant démonstratif : 1030 Grammaire et communication Suis bien ce conseil : ne bois que de l'eau. Le pronom il peut aussi annoncer un groupe nominal figurant dans la proposition qui suit : Dès qu'il fut dehors, Pierre se dirigea vers la rue de Paris (Maupassant). Mais les deux procédés ne sont pas symé triques ; l'anaphore constitue un phénomène plus fréquent et plus complexe que la cataphore. 3. Suivant la local isation du référent d'une expression l inguistique, on oppose tradi tionnellement les expressions anaphoriques, dont l'identification du référent dépend du contexte linguistique, aux expressions déictiques, dont le référent est localisé dans la situation d'énonciation (XXIII : 2.1 .). Mais une même expression peut être anapho rique ou déictique selon que son interprétation s'appuie sur le contexte textuel ou sur la situation (VII : 5.1.2). Dans Ce cheval souffre d'une boiterie intermittente, le groupe nominal ce cheval comportant un démonstratif peut reprendre un terme antérieur du texte (valeur anaphorique) ou désigner un référent présent dans la situation d'énon- ' ciation (valeur déictique). Une m'ême expression peut d'ailleurs cumuler les deux valeurs : dans la phrase prononcée en situation De toutes ces robes, je préfère celle-ci, le pronom démonstratif désigne un objet présent et renvoie en même temps au groupe nominal antérieur ces robes qui lui l ivre la catégorie nominale robe. 3.2. Diversité des procédés anaphoriques Dans le cas prototypique, on observe une relation de coréfé rence (au moins partielle) entre une expression anaphorique et un segment antérieur (son antécédent) : ils désignent le même référent. Dans l'exemple du texte de Stendhal, une robe d'été, cette robe et la renvoient au même ob jet. Dans les cas proto typiques, cette relation de coréférence garantit la continuité thématique : l'expression anaphorique reprend un thème précédent ou un élément du propos précédent qui devient le thème de la phrase, comme cette robe. Remarques. - 1. Une expression linguistique qui entretient une relation de coréfé rence avec une expression antérieure n'est pas nécessairement anaphorique, dans la mesure où son interprétation référentielle n'en découle pas. Par exemple, un nom propre ne peut être anaphorique, mais il peut être coréférentiel d'une expression antérieure : Le président des Etats-Unis va venir en France, 8arak Obama participera au sommet de l'OT AN à Strasbourg les 3 et 4 avril prochains (les journaux de mars 2009). L'expression définie employée dans la première phrase est un processus de dénomination indirecte qui permet au récepteur d'identifier le porteur du nom propre, ici B. Obama, par sa fonction (président des USA). 2. La relation de co référence n'implique par nécessairement la stabilité du référent, qui peut subir des changements d'état : Tuez un poulet bien vif et bien gras. Préparez-le pour le four, coupez-le en quatre et rôtissez le pendant une heure (exemple de G. Brown et G. Yule traduit par G. Kleiber 1 994: 3 1 ). Dans le cas d'un référent évolutif, le pronom personnel assure la continuité référentielle. XXIV - T exte et discours 1 03 1 Cependant, une anaphore n'est pas nécessairement coréfé rentielle, et le référent d'une expression anaphorique n'est pas tou jours dénoté explicitement par un terme antérieur. Dans le cas de l'anaphore lexicale, l'e:>fPression anaphorique, généralement un pronom, reprend le contenu notionnel d'un terme antérieur, pour désigner un référent différent : Elle jeta sa cigarette dans le jardin, en alluma une autre (Colette) : le pronom en reprend seulement la matière notionnelle du nom cigarette, mais construit avec une autre un référent différent de celui du groupe nominal antérieur. Le lien établi par en est seule ment lexical, et non pas référentiel. La voiture de Georges est rouge, celle de Martin est grise : le pronom démonstratif celle reprend le contenu notionnel de la voiture et, complété par de Martin, il désigne une autre voiture. Dans le cas de l'anaphore indirecte ou in absentia, l'expression anaphorique ne s'appuie pas directement sur une mention anté rieure du référent, mais sur le contexte qui précède ; elle entre tient une relation référentielle avec une expression linguistique antérieure sans être coréférentielle à celle-ci. C'est le cas de l'ana phore associative, évoquée plus loin (3.5.2) . De même, l'anaphore collective ne reprend pas littéralement un terme antérieur : dans À Paris, ils roulent comme des f ous, le pronom ils a un référent col lectif et anonyme inféré à partir de la ville indiquée (Paris) . Dans l'anaPhore générique (Georges a acheté une Peugeot ; ces voitures / elles sont robustes) , l'expression anaphorique a un référent générique, extrait du GN de la phrase précédente à référent spécifique. 3.3. Deux conceptions de l'anaphore Pour expliquer les processus anaphoriques, deux approches sont possibles : L'approche textuelle, suivie jusqu'ici, traite l'anaphore comme un phénomène textuel : l'interprétation de l'expression anapho- 1 032 Grammaire et communication rique doit s'appuyer sur une autre expression mentionnée dans le texte, qu'il y ait ou non coréférence. Limitée Ǐ Ime approche strictement linguistique, cette approche ne décrit guère les pro cédures d'interprétation qui sont à l'œuvre dans les différentes sortes de relations anaphoriques. L'approche mémorielle traite l'anaphore d'un point de vue cognitif : l'anaphore constitue un phénomène mémoriel. Le récepteur identifie grâce à elle un référent qu'il connait déjà, qui figure dans sa mémoire immédiate, qui est saillant (voir 3.4. ) . Cette définition mémorielle, en se détachant des contraintes du texte, favorise une analyse unitaire de l'anaphore, englobant les références au contexte et à la situation ; mais elle rend difficile ment compte de certains phénomènes anaphoriques et a des effets indésirables comme le traitement des déictiques je et tu employés dans un dialogue comme des anaphoriques qui reprennent une occurrence précédente. En outre, dans les cas d'anaphore indirecte (anaphores associative et générique) , la saillance n'est pas indispensable pour accéder au référent de l'expression anaphorique : le récepteur doit le trouver par calcul inférentiel à partir des éléments du texte ou des savoirs partagés avec le locuteur. Bref, il reste indispensable de s'appuyer sur un antécédent textuel pour expliquer les mécanismes anaphoriques. 3.4. L'identification du référent d'une expression anaphorique La question de l'identification du référent concerne le plus souvent l'anaphore pronominale. Quand l'expression anapho rique reprend un terme antérieur, l'identification de celui-ci, nécessaire à l'interprétation référentielle de cette expression, s'effectue sans difficultés lorsqu'un seul antécédent possible figure dans le contexte antérieur. Lorsqu'il se trouve un seul groupe nominal antérieur de même nombre et de même genre, l'identification de l'antécédent d'un pronom anaphorique est assurée uploads/s3/ anaphore.pdf
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- Publié le Sep 22, 2021
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