Maurice Leblanc et Francis de Croisset ARSÈNE LUPIN Pièce en quatre actes 1908

Maurice Leblanc et Francis de Croisset ARSÈNE LUPIN Pièce en quatre actes 1908 https://TheVirtualLibrary.org PERSONNAGES DUC DE CHARMERACE, 28 ans MM. André Brûlé. GUERCHARD Escoffier. GOURNAY-MARTIN Bullier. LE JUGE D’INSTRUCTION André Lefaur. CHAROLAIS PÈRE Bénédict. BERNARD CHAROLAIS, 17 ans Félix Ander. BOURSIN, agent de la sûreté Clément. LE COMMISSAIRE Narbal. FIRMIN, garde-chasse Térof. DIEUSY agent de la sûreté Bosc. BONAVENT agent de la sûreté Bertic. JEAN, chauffeur Chartrette. L’AGENT DE POLICE, en tenue Ragoneau. DEUXIÈME FILS CHAROLAIS Rousseau. TROISIÈME FILS CHAROLAIS ALFRED, domestique Marseille. LE SERRURIER Marius. LE GREFFIER Tribois. SONIA KRICHNOFF, 22 ans, demoiselle de compagnie Mme Duluc. GERMAINE, fille de Gournay-Martin Jeanne Rosny. VICTOIRE Germaine Éty. MARIE amie de Germaine Cézanne. JEANNE amie de Germaine Maud Gauthier. IRMA, femme de chambre Brizac. Arsène Lupin a été joué la première fois le 28 octobre 1908 sur la scène de l’Athénée. ACTE PREMIER Grand hall de château. Grande baie vitrée dans le fond donnant sur une terrasse et sur un parc. Portraits historiques. La place d’un de ces portraits est occupée par une tapisserie. Porte à droite et à gauche. Piano. Sonia est seule, elle fait des adresses. Dehors, jouant au tennis, Germaine et deux amies. On entend leurs cris : Trente ! Quarante !… Play ?… etc. Scène première SONIA, puis GERMAINE, ALFRED, JEANNE, MARIE. SONIA, seule, lisant. D’un ton pensif. M. Gournay-Martin a l’honneur de vous faire part du mariage de sa fille Germaine avec le duc de Charmerace… Avec le duc de Charmerace ! Voix de Germaine. Sonia ! Sonia ! Sonia ! SONIA Mademoiselle ? GERMAINE Le thé ! Commandez le thé ! SONIA Bien, Mademoiselle. (Elle sonne. Au domestique qui entre :) Le thé. ALFRED Pour combien de personnes, Mademoiselle ? SONIA Pour quatre, à moins que… Est-ce que M. Gournay-Martin est rentré ? ALFRED Oh ! non, Mademoiselle, il est allé déjeuner à Rennes avec l’auto, cinquante kilomètres. Monsieur ne sera pas ici avant une bonne heure. SONIA Et M. le duc ? Il n’est pas rentré de sa promenade à cheval ? ALFRED Non, Mademoiselle. SONIA Tout est emballé ? Vous partez tous aujourd’hui ? ALFRED Oui, Mademoiselle. (Sort Alfred.) SONIA, reprenant lentement. Monsieur Gournay-Martin a l’honneur de vous faire part du mariage de sa fille Germaine avec le duc de Charmerace. GERMAINE, entrant vite, sa raquette à la main. Eh bien, qu’est-ce que vous faites ? Vous n’écrivez pas ? SONIA Si… si… MARIE, entrant presque aussitôt. Ce sont des lettres de faire-part tout ça ? GERMAINE Oui, et nous n’en sommes qu’à la lettre V. JEANNE, lisant. Princesse de Vernan, duchesse de Vauvineuse… Marquis et marquise… Ma chère, vous avez invité tout le faubourg Saint-Germain. MARIE Vous ne connaîtrez pas beaucoup de monde à votre mariage. GERMAINE Je vous demande pardon, mes petites, Mme de Relzières, la cousine de mon fiancé, a donné un thé l’autre jour dans son château. Elle m’a présenté la moitié de Paris, du Paris que je suis appelée à connaître et que vous verrez chez moi. JEANNE Mais nous ne serons plus dignes d’être vos amies, quand vous serez la duchesse de Charmerace. GERMAINE Pourquoi ? (à Sonia) Sonia ! Surtout n’oubliez pas Veauléglise, 33, rue de l’Université (elle répète), 33, rue de l’Université. SONIA Veauléglise… a… u… ? GERMAINE Comment ? SONIA Duchesse de Veauléglise… v. a. u. ? GERMAINE Non, avec un e. JEANNE Comme veau. GERMAINE Ma chère, c’est une plaisanterie bien bourgeoise (à Sonia), attendez, ne fermez pas l’enveloppe (d’un ton réfléchi). Je me demande si Veauléglise mérite une croix, une double croix, ou une triple croix. JEANNE et MARIE Comment ? GERMAINE Oui, la croix simple signifie l’invitation à l’église, double croix invitation au mariage et au lunch, et triple croix, invitation au mariage, au lunch et à la soirée de contrat. Votre avis ? JEANNE Mon Dieu, je n’ai pas l’honneur de connaître cette grande dame. MARIE Moi non plus. GERMAINE Moi non plus, mais j’ai là le carnet de visite de feu la duchesse de Charmerace, la mère de Jacques. Les deux duchesses (accentuant le mot) étaient en relation ; de plus la duchesse de Veauléglise est une personne un peu rosse, mais fort admirée pour sa piété : elle communie trois fois par semaine. JEANNE Alors, mettez-lui trois croix. MARIE À votre place, ma chérie, avant de faire des gaffes, je demanderais conseil à mon fiancé. Il connaît ce monde-là, lui. GERMAINE Ah ! là ! là ! mon fiancé ! ça lui est bien égal. Ce qu’il a changé depuis sept ans ! Il ne prenait rien au sérieux alors. Tenez, il y a sept ans, s’il est parti pour faire une expédition au pôle Sud, c’était uniquement par snobisme… enfin, quoi, un vrai duc ! JEANNE Et aujourd’hui ? GERMAINE Ah ! aujourd’hui, il est pédant, le monde l’agace et il a l’air grave. SONIA Il est gai comme un pinson. GERMAINE Il est gai quand il se moque des gens, mais à part ça il est grave. JEANNE Votre père doit être ravi de ce changement ? GERMAINE Oh ! naturellement ! Papa s’appellera toujours M. Gournay-Martin. Non, quand je pense que papa déjeune aujourd’hui à Rennes avec le ministre, dans le seul but de faire décorer Jacques !… MARIE Eh bien, la Légion d’honneur, c’est beau cela. GERMAINE Ma pauvre petite, c’est bien… rue du Sentier, mais ça ne va pas avec un duc ! (S’arrêtant près du piano.) Tiens, cette statuette, pourquoi est-elle ici ? SONIA, étonnée. En effet, quand nous sommes entrées, elle était là, à sa place habituelle… GERMAINE, au domestique qui entre avec le thé. Alfred, vous êtes venu dans le salon pendant que nous étions dehors ? ALFRED Non, Mademoiselle. GERMAINE Mais quelqu’un est entré ? ALFRED Je n’ai entendu personne, j’étais dans l’office. GERMAINE C’est curieux. (À Alfred qui va pour sortir.) Ah ! Alfred on n’a pas encore téléphoné de Paris ? ALFRED Pas encore, Mademoiselle. (Il sort.) Sonia sert le thé aux jeunes filles. GERMAINE On n’a pas encore téléphoné. C’est très embêtant. Ça prouve qu’on ne m’a pas envoyé de cadeaux aujourd’hui. SONIA C’est dimanche, les magasins ne font pas de livraisons ce jour-là. JEANNE Le beau duc ne vient pas goûter ? GERMAINE Mais si, je l’attends à quatre heures et demie. Il a dû sortir à cheval avec les deux frères du Buit. Les du Buit viennent goûter ici. MARIE Il est sorti à cheval avec les du Buit ? Quand ça ? GERMAINE Mais cet après-midi. MARIE Ah ! non… Mon frère est allé après déjeuner chez les du Buit pour voir André et Georges. Ils étaient sortis depuis ce matin en voiture, et ils ne devaient rentrer que tard dans la soirée. GERMAINE Tiens, mais… qu’est-ce qu’il m’a raconté ? IRMA, entrant. On est là de Paris, Mademoiselle. GERMAINE, vivement. Chic, c’est le concierge ? IRMA C’est Victoire, la femme de charge. GERMAINE, au téléphone. Allô, c’est vous Victoire… Ah ! on a envoyé quelque chose… Eh bien, qu’est-ce que c’est ? Un coupe-papier… encore ! Et l’autre ? Un encrier Louis XVI, encore… Oh ! là ! là ! De qui ? (avec fierté) Comtesse de Rudolphe et baron de Valéry… oui et c’est tout ? Non, c’est vrai ? (à Sonia) Sonia, un collier de perles ! (au téléphone) Il est gros ? les perles sont grosses ? Oh ! mais c’est épatant ! Qui a envoyé ça… (désappointée) Oh ! oui, un ami de papa. Enfin, c’est un collier de perles… Fermez les portes, n’est-ce pas ? et serrez-le dans l’armoire secrète… Oui, merci ma bonne Victoire, à demain (à Jeanne et Marie). C’est inouï, les relations de papa me font des cadeaux merveilleux et tous les gens chics m’envoient des coupe-papier. Il est vrai que Jacques est au-dessous de tout. C’est à peine si dans le faubourg on sait que nous sommes fiancés. JEANNE Il ne fait aucune réclame ? GERMAINE Vous plaisantez, mais c’est que c’est vrai. Sa cousine, Mme de Relzières me le disait encore l’autre jour au thé qu’elle a donné en mon honneur, n’est-ce pas Sonia ? JEANNE, bas à Marie. Elle en a plein la bouche de son thé. MARIE À propos de Mme de Relzières, vous savez qu’elle est aux cent coups. Son fils se bat aujourd’hui. SONIA Avec qui ? MARIE On ne sait pas, elle a surpris une lettre des témoins… GERMAINE Je suis tranquille pour Relzières. Il est de première force à l’épée, il est imbattable. JEANNE Il était intime avec votre fiancé, autrefois ? GERMAINE Intime. C’est même par Relzières que nous avons connu Jacques. MARIE Où ça ? GERMAINE Dans ce château. MARIE Chez lui, alors ? GERMAINE Oui. Est-ce drôle, la vie ! Si quelques mois après la mort de son père, Jacques ne s’était pas trouvé dans la dèche et obligé, pour les frais de son expédition au pôle Sud, de bazarder ce château ; si papa et moi, nous n’avions pas eu envie uploads/s3/ arse-ne-lupin-maurice-lupin-pdf-23428.pdf

  • 43
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager