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Tous droits réservés © Société québécoise de recherche en musique, 2013 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 10 mars 2022 12:15 Les Cahiers de la Société québécoise de recherche en musique De quelques fausses idées du contrepoint d’école et de leurs conséquences Some Misconceptions of School Counterpoint and Their Consequences Patrice Nicolas La passion de la recherche (à la mémoire de Maryvonne Kendergian) Volume 14, numéro 2, automne 2013 URI : https://id.erudit.org/iderudit/1023737ar DOI : https://doi.org/10.7202/1023737ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Société québécoise de recherche en musique ISSN 1480-1132 (imprimé) 1929-7394 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Nicolas, P. (2013). De quelques fausses idées du contrepoint d’école et de leurs conséquences. Les Cahiers de la Société québécoise de recherche en musique, 14(2), 11–24. https://doi.org/10.7202/1023737ar Résumé de l'article Désirant renouer avec une tradition contrapuntique dont les principes étaient depuis longtemps oubliés, les théoriciens de l’école française des xixe et xxe siècles, désormais dominés par les notions harmoniques, donnèrent les chimères de leur imagination pour des vérités ayant de tout temps existé. Il est donc malheureux que leurs ouvrages servent encore de base à l’enseignement du contrepoint dans la plupart des institutions québécoises d’éducation musicale, en ce qu’ils condamnent l’esprit de tout apprenti contrapuntiste à se perdre dans le dédale inextricable d’une science imaginaire. Il en résulte d’ailleurs un fait fort inquiétant sur lequel on ne peut plus élever le moindre doute : c’est que le contrepoint d’école ne mène aucunement l’étudiant vers les grands polyphonistes. Dès lors, incapable d’analyser correctement les oeuvres du Moyen Âge et de la Renaissance – et donc incapable d’en saisir les mécanismes et de s’en faire une idée complète –, l’apprenti compositeur s’en détourne, passant à côté de bien des techniques d’écritures fort intéressantes, lesquelles, surtout en ces temps postmodernes, ne pourraient donner que plus d’élan à son originalité. Après un bref exposé de la théorie contrapuntique originelle, quelques-unes des fictions romantiques sont passées en revue. Il est ainsi démontré que rien ne vaut l’emploi des traités du Moyen Âge et de la Renaissance pour l’enseignement du contrepoint et de l’analyse de la musique ancienne. De courts extraits tirés d’oeuvres de différentes époques sont analysés afin de montrer que la théorie contrapuntique originelle conduit à une parfaite compréhension des oeuvres contemporaines, une chose à laquelle ne peut prétendre le pseudo-contrepoint romantique. Les Cahiers de la Société québécoise de recherche en musique, vol. 14, n° 2 11 De quelques fausses idées du contrepoint d’école et de leurs conséquences Patrice Nicolas (Université de Moncton) S S ’il est permis à quelqu’un de se conformer à l’esprit de son temps, c’est assurément au musicien. Demander à un compositeur, qui n’est ni un moraliste ni un philosophe, et qui doit, avant tout, s’intéresser à sa réputation, de se mettre en contradiction ouverte avec son siècle, […] c’est pousser trop loin l’exigence. Le génie le plus hardi n’oserait s’y risquer (d’Ortigue 1833, 37). Ces mots du critique musical Joseph d’Ortigue expliquent assez bien la différence profonde qui existe entre le contrapunctus médiéval et le contrepoint d’école romantique. Car si le premier est en effet la science qui mène à la parfaite compréhension des œuvres du passé, le second n’en est que l’image dénaturée, parodiée et reproduite en caricature. Et la raison en est fort simple : désirant renouer avec une tradition contrapuntique dont les principes étaient depuis longtemps oubliés, les musiciens du xixe siècle, désormais dominés par les notions harmoniques, donnèrent les chimères de leur imagination pour des vérités ayant de tout temps existé1. À ces fausses idées, leurs successeurs du xxe siècle en ajoutèrent d’autres dont la rigueur et la difficulté d’application allèrent toujours croissant, au point qu’elles eurent le plus souvent besoin, comme comble du non-sens, d’être atténuées par une foule de licences et d’exceptions2. Depuis, l’esprit de tout apprenti contrapuntiste renvoyé à ces ouvrages est condamné à se perdre dans le dédale inextricable d’une science imaginaire. Avant de voir ces fausses idées et leurs conséquences, il est nécessaire, cependant, de rappeler les règles primitives de l’art du contrepoint tel qu’il fut pratiqué par les musiciens mêmes qui l’ont imaginé. Que c’est que contrepoinct3 C’est dans les premières décennies du xive siècle que les premiers traités de contrepoint (contrapunctus) firent leur apparition4. Cette science nouvelle, qui découlait naturellement de l’ancien déchant5 (discantus), mais dont la théorie en différait sur des points si essentiels qu’il eût été impossible de les confondre l’une avec l’autre6, vit son autorité grandir peu à peu à un point tel qu’elle devint la seule méthode pédagogique employée pour l’enseignement de la 1 Je pense ici tout particulièrement aux professeurs du Conservatoire de Paris, qu’un arrêté de l’an 1800 obligeait à rédiger des ouvrages didactiques sur les diverses matières enseignées. Les classes de contrepoint n’ayant été créées qu’en 1818, ce n’est que dans les années 1820 que parurent les premiers textes officiels pour l’enseignement de cet art, à savoir : celui d’Antoine Reicha (1824), qui donna lieu à beaucoup de controverses, et celui de François-Joseph Fétis (1824), qui devait remédier à la traduction imparfaite du livre de Johann Joseph Fux (1725) par Pierre Denis (1773) ; de ces premiers ouvrages, seul celui de Fétis adoptait d’ailleurs les espèces fuxiennes, pour lesquelles Reicha professait la plus basse estime. Vinrent ensuite les traités de Luigi Cherubini (1835) – lequel fut en réalité « écrit par une main étrangère avec beaucoup de négligence » (Fétis 1846, iii) –, d’Antoine Elwart (1840), de Pierre-Joseph Zimmerman (v. 1843) et de François Bazin (1881), notamment. Sur l’enseignement du contrepoint et de la fugue en France aux xixe et xxe siècles, voir Fayolle 1999 et Bergerault 2011. 2 Les traités modernes les plus dignes de mention sont ceux de Théodore Dubois (1901), de Charles Koechlin (1926) et de Marcel Bitsch et Noël Gallon (1964), auteurs dont les modes d’enseignement sont malheureusement toujours usités sous une forme ou sous une autre dans la plupart des institutions québécoises d’éducation musicale. Si, donc, le contrepoint au Québec est encore le plus souvent réduit aux vaines subtilités d’une scolastique désuète, l’Université McGill innove toutefois en offrant depuis plusieurs années des cours de contrepoint « Renaissance » et « Baroque », comme le font notamment l’Université McMaster, l’Université de Toronto, le New England Conservatory et l’Université Harvard. Chez nos voisins européens, le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris propose depuis de nombreuses années déjà des classes de « Polyphonie improvisée », de « Contrepoint médiéval », de « Polyphonie xve-xviie siècles » et d’« Analyse Renaissance »; et le Centre d’Études Supérieures de la Renaissance (Université de Tours – Centre national de la recherche scientifique) organise, en plus de ses cours de contrepoint historique, des ateliers de restitutions d’œuvres polyphoniques lacunaires. Il n’en va pas autrement dans plusieurs institutions musicales belges, dont le Conservatoire royal de Mons. Ce ne sont là que quelques exemples. 3 C’est ainsi qu’Adrian Le Roy, compositeur, luthiste virtuose et célèbre imprimeur de musique, intitulait l’un des chapitres de son Traicté de musique (1583, 10vo). 4 Le plus ancien dont la date soit certaine s’intitule Compendium de discantu mensurabili et fut compilé en 1336 par un moine cistercien nommé Petrus. Voir Wolf 1913-1914, 505-534. 5 Le déchant du xiiie siècle se caractérise par une écriture presque note contre note, privilégiant le mouvement contraire entre les parties qui, de plus, sont mesurées selon les six modes rythmiques de la notation modale. La quarte juste y est aussi considérée comme une consonance, au même titre que l’unisson, la quinte et l’octave. 6 Les différences les plus remarquables sont que le contrepoint n’est pas mesuré et que la quarte juste y est reléguée au rang des dissonances. 12 De quelques fausses idées du contrepoint d’école et de leurs conséquences composition7. Il en fut ainsi jusqu’au xviie siècle, époque où ses divers préceptes furent progressivement modifiés et adaptés au goût du jour jusqu’à la codification définitive par Jean-Philippe Rameau, en 1722, des notions harmoniques nouvellement acquises8. Dès lors, et comme conséquence de ce fait, le contrepoint dut partager sa tâche avec l’harmonie9 (harmonia). Les traités de contrepoint des xive, xve et xvie siècles se ressemblent tous, tant par leur formulation que par leur contenu. Adressés aux jeunes étudiants de l’art musical, ils supposent une connaissance préalable du plain-chant et de ses divers éléments10. Deux types de contrepoint y sont présentés, qui furent enseignés d’une manière assez constante jusqu’à la fin de la Renaissance : le contrepoint simple (contrapunctus simplex) et le contrepoint diminué (contrapunctus diminutus). Le contrepoint simple se pratique note contre note ; il n’admet que les intervalles ou, comme on uploads/s3/ de-quelques-fausses-idees-du-contrepoint-d-x27-ecole-et-de-leurs-consequences-some-misconceptions-of-school-counterpoint-and-their-consequences.pdf

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