Gradhiva 9 (2009) Arts de l'enfance, enfances de l'art ........................
Gradhiva 9 (2009) Arts de l'enfance, enfances de l'art ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ René Baldy et Daniel Fabre Des enfants dessinateurs au Moyen Âge ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique René Baldy et Daniel Fabre, « Des enfants dessinateurs au Moyen Âge », Gradhiva [En ligne], 9 | 2009, mis en ligne le 02 septembre 2012, consulté le 15 janvier 2013. URL : http://gradhiva.revues.org/1440 Éditeur : Musée du quai Branly http://gradhiva.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://gradhiva.revues.org/1440 Ce document est le fac-similé de l'édition papier. © musée du quai Branly 152 Depuis la publication des graffi ti relevés sur les murs de Pompéi (Garucci 1856 ; Zangemeister 1875), la curiosité épigraphique et archéologique n’a cessé de décou- vrir des signes sur les parois, dont plusieurs ont été attribués à des enfants à par- tir d’un critère discutable : la maladresse dans l’exécution, c’est-à-dire l’ignorance du réalisme visuel. En fait, les cas où l’attribution enfantine ancienne est assurée sont très peu nombreux. Les plus riches se situent en Europe aux XIIe et XIIIe siè- cles, et ce sont eux que nous avons choisi de présenter ici. Daniel Fabre a repéré et défi ni deux ensembles graphiques exceptionnels et proposé à René Baldy de les commenter du point de vue de la psychologie du dessin d’enfant appliquée à la fi gure humaine, esquissant, pour fi nir, les étapes de leur métamorphose en œuvres d’art dans les années récentes. Novgorod 1230 : les dessins d’Onfi m Ancienne capitale de la Russie médiévale, Novgorod, au nord-ouest de Moscou, a fait l’objet, à la suite des dévastations de la Seconde Guerre mondiale, d’une fouille archéologique systématique dont un des résultats les plus frappants a été la découverte de centaines de textes rédigés sur des écorces de bouleau (Thomp- son 1967). Écrits exceptionnels ou ordinaires (contrats, lettres familières, lettres d’amour, comptabilités…), ces documents ont permis de reconstituer un univers graphique très dense dans une cité riche en monastères et en églises (Franklin 2002). Ces textes utilisent l’alphabet majuscule cyrillique et tendent à aligner les lettres non sur leur base, comme aujourd’hui, mais sur leur sommet. Au quin- zième niveau de profondeur, datable des années 1224-1238, sont apparues des « pages d’écorce » consacrées à des exercices d’écriture et à des dessins. Sur cer- taines, par exemple à droite du cavalier du dessin 3, un nom est inscrit : Onfi m. Nous avons de la main de ce garçon une douzaine de pages qui, le plus souvent, associent image et textes. Ces derniers légendent ou commentent les dessins ou bien énumèrent l’alphabet, comme c’est le cas pour la fi gure du cavalier à peine citée qui comporte dans son angle supérieur droit la suite incomplète des lettres, de A à K. Le débat est ouvert sur le sens de ces alphabets : s’agit-il d’un simple René Baldy Daniel Fabre DOSSIER Note documentaire Gradhiva, 2009, n° 9 n.s. Des enfants dessinateurs au Moyen Âge Des enfants dessinateurs au Moyen Âge 153 RENÉ BALDY - DANIEL FABRE exercice d’apprentissage, ou bien, comme le suggère la dispersion de cette forme de texte dans l’espace graphique de la ville, ont-ils un usage symbolique qui les apparenterait à des formules de protection ou de conjuration, l’alphabet étant la suite complète et maîtrisée du dicible, entre l’alpha et l’oméga (Franklin 2002 : 203, note 65) ? La fi gure humaine, associée à des silhouettes animales et à quel- ques objets prolongeant l’action du corps, est au centre de la production dessinée d’Onfi m. Il est donc possible, d’une part, de déduire le moment du développe- ment graphomoteur dont témoignent ces dessins et, d’autre part, de caractériser le style de ce jeune dessinateur dans ces tracés libres où il s’exprime à côté de la plus contrainte des écritures. Les dessins d’Onfi m présentent ce qu’avec Luquet (1927) on peut appeler une « nar- ration graphique », c’est-à-dire le récit d’événements successifs, la description, séquentielle ou non, d’actions dramatiques. Tous les personnages dessinés sortent du même moule. Dans la généalogie que l’un de nous a décrite (Baldy 2008), il s’agit de bonshommes pseudo-têtards intermédiaires entre le bonhomme têtard et le bonhomme conventionnel fi liforme. Deux éléments principaux nous condui- sent à le caractériser ainsi. D’abord, on note que les bras du bonhomme ne sont pas rattachés à la tête, mais à la jonction de la tête et des deux traits verticaux ou à diverses hauteurs de ces traits, lesquels présentent dans leur partie supérieure un arrondi qui semble vouloir fi gurer le contour du tronc et qui se prolonge par deux segments rectilignes fi gurant les jambes. Bien qu’il manque un trait horizontal au niveau de la ceinture, l’ensemble ne donne pas l’impression d’un bonhomme sans tronc. L’arrondi du tronc et la longueur des traits verticaux fi gurant les jambes varient d’un dessin à l’autre, souvent en sens inverse : l’arrondi est absent dans les dessins 4 et 8 et sa courbure s’accentue dans les dessins 6 ou 10, alors que les jam- bes sont exagérément longues dans le dessin 6 et exagérément courtes dans le Dessins 1 à 11 Les dessins d’Onfi m, site archéologique de Novgorod, Russie, vers 1220 Dessin 1 Dessin 2 154 arts de l’enfance, enfances de l’art DOSSIER ’ II. Œuvre de l’art et objet de science : le dessin d’enfant dessin 10. Les traits verticaux des jambes se terminent dans leur partie inférieure par un angle droit dont le côté horizontal mesure moins d’un centimètre et qui est lui-même délimité parfois par un tiret vertical de quelques millimètres, cet ensemble fi gurant les pieds du bonhomme. Les bras sont deux traits rectilignes tracés dans une orientation variable, depuis les bras levés en signe de victoire du dessin 4 aux bras ballants du dessin 10, en passant par la position en croix de certains bonshommes du dessin 5 et du bonhomme 6. Ces orientations des bras semblent déterminées par plusieurs facteurs : réponse à la nécessité de l’action du cavalier qui tient les rênes du cheval et qui soulève sa lance (dessin 3), expression d’une émotion telle que la joie de la victoire (4) ou la tristesse (10), souci d’éviter les superposi- tions de traits (5). Tous les bras se prolongent par des mains ou plus exactement, en l’absence de paume, par des doigts « en râteau » (Baldy 2008 : 65). Selon le dessin, le nombre de doigts varie de trois (dessin 7) à sept ou huit dans le dessin 4, où Onfi m se représente à côté de son père, précise sa légende, attribuant à celui-ci plus du double de ses doigts. Tous les bonshommes sont dessinés de face, même les cavaliers, dans une position verticale ou horizontale. Les visages sont relati- vement soignés. Les yeux surmontés de sourcils, le nez et la bouche sont généralement indiqués par de simples traits, mais parfois de façon plus sophistiquée, ainsi les yeux cerclés du bonhomme 10. Le bonhomme 6 semble posséder deux oreilles et peut-être quelques cheveux. Dessin 4 Dessin 5 Dessin 3 Des enfants dessinateurs au Moyen Âge 155 RENÉ BALDY - DANIEL FABRE D’une façon générale, les signifi ants graphiques qui composent les dessins, et notamment les bonshommes, semblent avoir été puisés dans un répertoire fi ni, de même que les signes de l’écriture qui les accompagne. À côté des bonshommes, Onfi m aime à représenter des scènes de bataille avec personnages à cheval. On en compte cinq – 2, 3, 7, 8 et 9 –, les scènes 3, 7 et 8 étant les plus explicites ; le no 3 peut être lu comme un cavalier sur son animal, tenant les rênes d’une main et de l’autre tuant d’un coup de lance un adversaire allongé sur le sol. Ces dessins présentent toutes les caractéristiques de la phase du réa- lisme intellectuel : – mélange de points de vue : cavalier de face et animal de profi l ; – superposition du cavalier debout et de sa monture ; – déplacement latéral des pattes situées du côté opposé à l’observateur pour les rendre visibles ; notons cependant que la forme angulaire des pattes arrière confère un certain dynamisme à l’animal, qui semble se préparer à bondir ; – non-respect des proportions : allongement du cheval du dessin 7 pour qu’il supporte deux cavaliers, allongement de la lance du dessin 3 uploads/s3/ des-enfants-dessinateurs-au-moyen-age 1 .pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jul 13, 2021
- Catégorie Creative Arts / Ar...
- Langue French
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