Académie française DIRE, NE PAS DIRE Du bon usage de la langue française Rédact

Académie française DIRE, NE PAS DIRE Du bon usage de la langue française Rédaction par la Commission du Dictionnaire avec la participation du Service du Dictionnaire Préface de Yves Pouliquen Postface de Dominique Fernandez PRÉSENTATION DE JEAN D'ORMESSON Le miroir de la raison Depuis sa fondation en 1635 par le cardinal de Richelieu, l'Académie française a pour mission principale de veiller sur l'état de la langue et de rappeler son bon usage. L'orthographe au début du XVIIe siècle était loin d'être fixée. Sans même parler de Vaugelas, de grands écrivains - Malherbe, Pascal, Corneille, entre autres -, puis l'Académie française ont, peu à peu, établi les règles d'une langue dont la clarté et la précision ont fait l'admiration de l'Europe entière. Les traités de Westphalie, en 1648, sont rédigés en français. Plus tard, Frédéric II de Prusse, l'ami de Voltaire, ou la Grande Catherine de Russie, l'amie de Diderot, utiliseront le français avec la même facilité que l'allemand ou le russe. Le français devient la langue des dirigeants, des diplomates, des savants, des philosophes, des écrivains. Partout en Europe, les précepteurs, les dames de compagnie, les maîtres de musique ou de danse, les bibliothécaires, les religieuses, les abbés, les cuisiniers répandent l'usage de notre langue. Marco Polo avait déjà écrit ses relations de voyage en français. Casanova rédigera en français ses mémoires appelés à un grand succès. Le français est devenu pour plusieurs siècles la langue commune des intellectuels, des voyageurs, des commerçants, des gens de goût et de savoir. À notre époque, chacun peut le constater, la langue française est menacée. De l'extérieur, par la montée en puissance de l'anglo-saxon. De l'intérieur, par un délabrement plus grave encore et aux causes multiples. L'Académie s'efforce de lutter contre ces dérives et de rappeler aux usagers les règles qui régissent notre langue. Son but n'est pas de « faire joli ». Ni même de s'accrocher à une conception formelle du « correct ». Son but est d'éviter qu'une confusion dans les mots n'entraîne une confusion dans les idées. L'Académie ne se préoccupe pas d'élégance : elle se soucie de précision et d'efficacité. Elle cherche à épargner au français et aux Français le destin cruel de Babel. Confucius, en Chine, pensait que la rigueur de la langue était la condition première de toute cohérence politique et sociale. Beaucoup d'expressions ont une signification précise qu'il est important de connaître et de respecter. Les formules « rien moins que. » et « rien de moins que. » ont deux sens diamétralement opposés. « Rien moins que. » signifie « pas du tout ». « Il est rien moins que cultivé » : il n'a pas la moindre culture. « Rien de moins que. » signifie « extrêmement ». Si « cet ouvrage n'est rien de moins qu'un chef-d'œuvre », ne manquez pas de le lire. On rencontre parfois deux autres formules opposées : « Vous n'êtes pas sans savoir. » et « Vous n'êtes pas sans ignorer. ». Mieux vaut déterminer laquelle des deux est correcte. Et faut-il dire qu'un projet « a fait long feu » ou « n'a pas fait long feu » ? On pourrait multiplier les exemples de flou, de vague et d'amphibologie. La grammaire, la syntaxe, les modes des verbes, les figures de style ne sont pas là pour faire le joli cœur ni pour briller en société. Ils sont là pour exprimer avec le plus de précision possible des idées et des sentiments. Les grammairiens recommandent d'employer l'expression « en revanche » plutôt que « par contre ». André Gide faisait pourtant observer que l'emploi de « par contre » peut parfois s'imposer : « Trouveriez- vous décent qu'une femme vous dise : "Oui, mon frère et mon mari sont revenus saufs de la guerre ; en revanche j'y ai perdu mes deux fils" ? » L'utilisation de l'imparfait du subjonctif, la concordance des temps, le refus de l'amphigouri et des clichés à la mode ne sont pas des élégances ni des raffinements inutiles. Ils sont la condition d'une pensée ferme et cohérente. Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement Et les mots pour le dire arrivent aisément. Le langage, naturellement, est le fruit de la pensée. Mais la pensée, à son tour, est le fruit du langage. Un français correct n'est ni une affectation ni un luxe. C'est la garantie d'une pensée sûre d'elle-même. La beauté de la langue n'est que le miroir d'une raison capable de mettre de l'ordre dans le chaos du monde. Jean d'Ormesson de l'Académie française http://www.academie-francaise.fr/dire-ne-pas-dire PRÉFACE Il est presque de tradition de prétendre que notre Académie ne s'occupe que de la rédaction de son dictionnaire et reste indifférente aux atteintes qu'inflige à notre belle langue sa pratique ordinaire. On s'étonne même de la lenteur apparente de ses travaux et du délai qui nous sépare du terme de la publication complète de ce dictionnaire dont chaque mot aura été redéfini avec un zèle inégalé. Sur un espace de vingt années, certes, mais qui est et sera l'exacte traduction de ce que chacun de ces mots exprime en ce temps précis que nous vivons. Comparable en cela à ce qu'ils exprimaient dans les dictionnaires des huit précédentes éditions et retraçant ainsi l'évolution historique et littéraire de notre langue. C'est limiter singulièrement l'attention que les académiciens portent à la conservation de la langue dans ce qu'elle a de plus remarquable : le sens du mot dans son expression la plus diverse, celui que l'origine lui a donné, celui que le temps en a fait et les formulations grammaticales de son emploi au travers d'exemples choisis avec grand soin. Une définition qui résulte en vérité d'un long labeur : celui des membres du Service du Dictionnaire, dont on ne loue pas assez la qualité qu'ils apportent à la définition de ces mots qu'ils soumettent dans un premier temps aux académiciens de la Commission du Dictionnaire, lesquels en feront deux lectures avec de surcroît le concours de l'ensemble de leurs confrères en séance plénière. Un travail fondamental en vérité, teinté d'un ésotérisme qui pourrait laisser croire que l'Académie reste indifférente à l'usage fautif des néologismes infondés tout autant que par des anglicismes eux-mêmes trafiqués. Un fait qui ne cessa pourtant de la préoccuper, consciente de l'intérêt qu'il y aurait à intervenir elle-même en ce domaine afin d'offrir à ceux qui le désirent ses avis. C'est pourquoi, il y a trois ans à peine, elle en retint l'idée et en discuta l'esprit aussi bien que la forme. Avec l'intention d'établir un contact avec tous ceux qui, s'intéressant à notre langue, souffrent qu'on la dénature, tout en donnant réponse à leurs questions. C'est ainsi que naquit Dire, ne pas dire. Une initiative dont le succès fut immédiat ; elle mit en relation des dizaines de milliers d'internautes qui, appréciant les propositions critiques qu'on leur présentait, devinrent rapidement par leurs courriels de très précieux coopérants. Nous soumettant les emplois fautifs glanés dans leur environnement ou nous interrogeant sur les justes pratiques grammaticales d'une expression douteuse. Un riche et surprenant dialogue témoignant de l'intérêt que porte à notre langue une population très diverse en ses origines, ses fonctions, l'âge de ses sujets ; française certes en majorité, mais aussi de plus en plus souvent étrangère. Des milliers de courriels posant ainsi, mois après mois, à « Dire, ne pas dire » de nombreuses questions auxquelles le Service du Dictionnaire répond systématiquement et dont les plus originales alimentent sur la toile le courrier des lecteurs. Un succès et un intérêt qui retint avec bonheur l'attention de l'éditeur Philippe Rey. Amoureux de notre langue, il nous soumit son désir de confier à la mémoire du papier - qui complète si bien celle des « nuages » - les meilleurs moments de ce dialogue qu'entretient l'Académie française avec ses correspondants. Qu'il en soit ici remercié au nom de tous ceux que l'on dit bien imprudemment immortels. Yves Pouliquen A À : « LA VOITURE DE JULIE » OU « LA VOITURE À JULIE » ? La préposition à marque normalement l'appartenance après un verbe (cette maison est, appartient à notre ami). On l'emploie avec la même valeur devant un pronom, seule (un ami à nous) ou pour reprendre un possessif (c'est sa manière à lui). Mais on ne peut plus l'employer entre deux noms, comme on le faisait dans l'ancienne langue, sauf dans des locutions figées (une bête à Bon Dieu), par archaïsme ou dans un usage très familier. On dira : la voiture de Julie, les fleurs de ma mère. À BICYCLETTE, EN VOITURE L'Académie française recommande de réserver la préposition en aux véhicules ou aux moyens de transport dans lesquels on peut s'installer, prendre place : partir en voiture, en train, en bateau. Dans les autres cas, c'est la préposition à qui sera employée : se déplacer à bicyclette, à vélo, à moto ; une randonnée à cheval ; faire une descente à skis. À LA BASE POUR D'ABORD À la base de est une locution prépositive signifiant « à l'origine uploads/s3/ dire-ne-pas-dire-du-bon-usage-de-la-langue-fran-231-aise-pdf.pdf

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