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© Canadian University Music Society / Société de musique des universités canadiennes, 2021 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 8 avr. 2021 17:00 Intersections Canadian Journal of Music Revue canadienne de musique Reflets de la colonialité dans la scène des musiques nouvelles Gabriel Dharmoo Decolonizing Music Pedagogies Volume 39, numéro 1, 2019 URI : https://id.erudit.org/iderudit/1075345ar DOI : https://doi.org/10.7202/1075345ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Canadian University Music Society / Société de musique des universités canadiennes ISSN 1918-512X (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Dharmoo, G. (2019). Reflets de la colonialité dans la scène des musiques nouvelles. Intersections, 39(1), 105–121. https://doi.org/10.7202/1075345ar Résumé de l'article Certains membres de la scène des musiques nouvelles souhaitent en décentrer ses racines eurocentriques et en critiquer ses tendances colonialistes. Avant même de discuter des stratégies qui pourraient constituer un cadre décolonisateur, il est utile d’identifier comment la colonialité se reflète dans cette scène. L’auteur, lui-même membre actif de celle-ci, partage des pistes de réflexion portant sur l’homogénéité culturelle du milieu, les questions d’accès, l’héritage de la musique classique, le concept de l’excellence européenne, la présomption d’universalité, la coexistence de statuts de légitimité et de marginalité, la relation ambigüe avec l’appropriation culturelle et les fondements de l’attribution du mérite. Intersections 39/1 (2019) 105–122 REFLETS DE LA COLONIALITÉ DANS LA SCÈNE DES MUSIQUES NOUVELLES Gabriel Dharmoo La scène de la musique d’art occidentale contemporaine (ci-après appelée « scène des musiques nouvelles ») fait l’objet d’appels de plus en plus nombreux à décentrer ses racines eurocentriques et à critiquer ses origines et tendances colonialistes, impérialistes, capitalistes, institutionnelles, racistes, hétéronor- matives ou patriarcales, entre autres1. En convergence avec les sujets couram- ment discutés depuis plusieurs générations2, on remarque une considération grandissante envers les problématiques reliées à la « décolonisation » du milieu. Bien que ces enjeux soient davantage discutés dans le milieu du théâtre et de la danse, la scène des musiques nouvelles réfléchit de plus en plus à sa relation avec les communautés autochtones et les artistes issus des Premières Nations, la représentation de la diversité culturelle ainsi que la collaboration intercul- turelle. Ces sujets sont abordés lors d’événements organisés pour susciter la discussion3, mais aussi lors de conversations informelles entre collègues. Il faut faire preuve de discernement avant de tous les assimiler à un processus dit de « décolonisation ». Tuck et Yang (2012) dénoncent l’attribution du terme à des modèles de justice sociale antérieurs à la popularisation de ce cadre d’analyse, un cadre qui, soutiennent-ils, doit prioritairement, voire exclusivement, traiter des problématiques reliées au colonialisme réel et persistant à l’égard des Pre- mières Nations. Bien que les enjeux mis en lumières par Tuck et Yang m’aient porté à réfléchir profondément sur les manières d’exercer et d’exprimer ma so- lidarité à cette cause, c’est la définition plus large de Levitz (2017) qui me servira de modèle pour cet article. Dans ses recommandations pour la décolonisation 1 Pour leurs suggestions, références et relectures, je tiens à remercier Sandeep Bhagwati, Noah Drew, Erin Gee, Symon Henry, David Howes, Kama La Mackerel et Catherine Lefrançois, en plus du comité d’édition d’Intersections. 2 Mentionnons la parité des genres dans la programmation de concerts et de festivals, la démocratisation des événements, le renouvèlement des protocoles de concert, la diversification des publics, la pertinence du modèle de commande d’œuvres, la primauté de la partition versus la comprovisation ou l’improvisation, les systèmes de notation alternatifs, les processus de création col- laborative ou interdisciplinaire, ou encore l’impact des arts communautaires. 3 Quelques exemples de conférences qui abordaient ces sujets : « Compositeurs : une espèce en voie de disparition ? » (Montréal/Nouvelles Musique 2019), « Forum Entr’arts » (Réseau canadien des musiques nouvelles 2018), « Horizons musicaux contemporains » (Montréal/Nouvelles Musique 2017), « Démocratisation de la performance » (Ligue canadienne des compositeurs 2015). 106 Intersections 39/1 (2019) de la SAM (Society of American Music), elle décrit un « projet collectif qui consiste à théoriser et à clarifier la colonialité du pouvoir, à prendre en compte ses conséquences spatiales et temporelles, puis à adopter une grande variété de mesures pour y remédier » (Levitz 2017, 2)4. Suivant la logique de cette défini- tion tripartite, il est utile d’identifier comment la colonialité du pouvoir se re- flète dans la scène des musiques nouvelles avant même de discuter des mesures et des stratégies qui pourraient en constituer un cadre décolonisateur. Cet article réflexif s’appuie sur mes propres opinions, observations et ex- périences au sein de la scène des musiques nouvelles, où j’opère profession- nellement depuis plus de quinze ans à titre de compositeur, improvisateur et interprète vocal. Selon différents contextes, j’occupe alternativement d’autres rôles : chercheur, commissaire, administrateur, organisateur, médiateur cultu- rel ou mentor. Dans ces différents rôles et projets, j’interagis avec une grande variété d’individus impliqués de près ou de loin dans cette scène : composi- teurs et compositrices, improvisateurs et improvisatrices, artistes sonores, musiciens et musiciennes au sein d’ensembles de musique nouvelle ou clas- sique, directions artistiques, commissaires de festivals, ainsi que plusieurs individus ayant des rôles pédagogiques, artistiques ou administratifs dans des institutions d’études supérieures (Conservatoires ou départements et facultés de musique universitaires), des institutions artistiques (Groupe Le Vivier et ses organismes membres, Société de musique contemporaine du Québec), des associations (Conseil québécois de la musique, Centre de musique canadienne, Ligue canadienne des compositeurs, SOCAN), des réseaux (Réseau canadien des musiques nouvelles), des subventionnaires (Conseil des arts du Canada, Conseil des arts et des lettres du Québec) et plusieurs autres organismes. Mes réseaux me portent à travailler au Canada comme à l’international. J’ai donc une connaissance particulièrement approfondie du milieu par l’entremise de mes activités professionnelles, mais d’autres facteurs contribuent à ma pers- pective critique du milieu et à mon désir de réfléchir à son avenir décolonial : ma positionalité en tant que personne de couleur et mon identité biculturelle (mon père étant indo-caribéen et ma mère québécoise), mon apprentissage et mes incursions artistiques complémentaires dans d’autres traditions musicales suite à une formation de base en musique classique occidentale, ma prédilec- tion pour la collaboration interculturelle, puis finalement, la diversification graduelle et volontaire de mes publics et de mes partenaires. La majeure partie de cet article se penche sur l’identification et la descrip- tion de différents reflets de la colonialité dans la scène : l’homogénéité culturelle du milieu, les questions d’accès, l’héritage de la musique classique, le concept de l’excellence européenne, la présomption d’universalité, la coexistence de statuts de légitimité et de marginalité, la relation ambigüe avec l’appropria- tion culturelle et les fondements de l’attribution du mérite. J’espère que ces constats, ces idées et ces pistes de réflexion puissent expliquer, contextualiser, inspirer et aider à renforcer l’application de diverses stratégies et politiques 4 « a collective project that involves theorizing about and clarifying coloniality of power, con- sidering its spatial and temporal consequences, and taking a wide range of actions to counter it ». Intersections 39/1 (2019) 107 visant la décolonisation du milieu, ou mener à des recherches académiques supplémentaires. Afin d’identifier certaines pistes de solutions concrètes, j’ouvrirai également sur les stratégies dont le milieu des musiques nouvelles pourrait se doter. Le récent rapport d’enquête L’orchestre retentit (2019), co-écrit par Attariwala et Peerbaye et commandé par Orchestres Canada, analyse de près certains des aspects problématiques des relations entre les orchestres canadiens, les peuples autochtones et les personnes de couleur. Il s’agit d’une base pour réfléchir et remédier à la colonialité en musique, cependant, le milieu orchestral gravite autour d’un répertoire du passé, tandis que la scène des musiques nouvelles s’auto-identifie comme un art de notre temps, tourné vers l’avenir. Les enjeux et les stratégies décoloniales potentielles sont de nature différente. Considérant mon propre profil d’artiste, le court sommaire des stratégies créatives et profes- sionnelles que je propose est relié à l’idée de décolonisation par l’art exprimée par Sioui-Durand (2018). Homogénéité culturelle et assimilation de la différence La scène de la musique nouvelle au Québec est culturellement homogène et majoritairement blanche. Les individus racisés et les autochtones qui s’iden- tifient comme appartenant à la scène ont tendance à employer un discours artistique qui est au service, qui répond aux attentes ou qui est compatible avec la perspective ou les intérêts de la culture dominante. La différence cultu- relle a tendance à être assimilée, adaptée ou reformatée pour mieux appartenir aux définitions ou aux délimitations du genre. Ce processus peut mener à des résultats artistiques de grande valeur et indique si le rapport d’un artiste à une tradition donnée vise la préservation, la reproduction, la transgression, l’expé- rimentation ou une autre stratégie créative. Cependant, les individus issus de la culture dominante œuvrant au sein de la uploads/s3/ eflets-de-la-colonialite-dans-la-sce-ne-des-musiques-nouvelles 1 .pdf

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