Encyclopédie berbère 15 | Daphnitae – Djado Devinettes E.B., D. Azdoud et M. Pe

Encyclopédie berbère 15 | Daphnitae – Djado Devinettes E.B., D. Azdoud et M. Peyron Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/encyclopedieberbere/2247 ISSN : 2262-7197 Éditeur Peeters Publishers Édition imprimée Date de publication : 1 avril 1995 Pagination : 2283-2289 ISBN : 2-85744-808-2 ISSN : 1015-7344 Référence électronique E.B., D. Azdoud et M. Peyron, « Devinettes », in Gabriel Camps (dir.), 15 | Daphnitae – Djado, Aix-en- Provence, Edisud (« Volumes », no 15) , 1995 [En ligne], mis en ligne le 01 juin 2011, consulté le 19 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/encyclopedieberbere/2247 Ce document a été généré automatiquement le 19 avril 2019. © Tous droits réservés Devinettes E.B., D. Azdoud et M. Peyron 1 Comme tous les peuples de littérature orale, les Berbères ont souvent recours, dans la conversation familière, à l’énigme ou la devinette dont la naïveté apparente cache parfois un enseignement non négligeable. Les folkloristes d’abord, puis ethnologues et linguistes ont porté un intérêt certain à ces dictons, sentences et devinettes. Dès 1887, Belkacem ben Sedira, relevait 115 devinettes kabyles dans le chapitre X de son Cours de langue Kabyle et les comparaît aux devinettes arabes. Quelques années plus tard, Calassanti-Motylinski recueillait sept énigmes touarègues qui seront publiées sous son nom et celui du P. de Foucauld par R. Basset en 1922 dans les Textes touaregs en prose. R. Basset trouvait suffisamment d’importance à ces expressions remarquables par leur brièveté pour établir, dès 1917, une bibliographie des énigmes arabes de l’Afrique du Nord. 2 Si, à notre connaissance, on n’a guère relevé de devinettes dans les rares îlots berbérophones de la Tunisie, ce pays possède, en revanche, une très riche bibliographie relative à ces dictons en arabe dialectal. Les données linguistiques sont plus équilibrées en Algérie où à côté de très nombreux recueils arabes, nous possédons des recueils en berbère, principalement du domaine kabyle, mais aussi mzabite et touareg. Incontestablement, c’est le Maroc qui présente la plus grande richesse en recueils en langue berbère, aussi, après l’étude générale de D. Azdud, trouvera-t-on un texte de M. Peyron consacré aux devinettes du domaine berbère marocain. DEVINETTES berbères, généralités (D. Azdoud) 3 Lorsqu’on aborde la question des devinettes en berbère, on se trouve assurément confronté au problème terminologique qui consiste à statuer sur l’appellation à retenir. Doit-on parler de devinettes ou d’énigmes ? 4 En réalité, il s’agit ici plus d’un problème de traduction que d’un problème de désignation de ce genre littéraire. Dans l’esprit des berbérophones, ceux du moins qui connaissent les deux styles, tout semble être clairement défini. L’énigme, bien que cousine de la devinette, s’en différencie par la forme et par la fonction. Pour les berbérophones qui ne Devinettes Encyclopédie berbère, 15 1 connaissent pas les deux styles, la confusion n’a pas lieu d’être. Un seul genre est connu et son apparentement avec ce qu’il est convenu d’appeler la devinette ne laisse place à aucune hésitation. 5 Dans les régions du monde berbère où coexistent énigmes et devinettes, la désignation de l’un ou l’autre style vient renforcer la différence de forme et de fonction que nous avons évoquée quelques lignes plus haut. J. Drouin (1986, p. 258) rappelle au sujet des énigmes (- iggitān, sing. -iggi en touareg) qu’elles sont faites d’images ou de figures dont il faut trouver le sens second. Ce sont des textes oraux dits en public pour leur beauté stylistique ou pour leur pertinence dans l’allusion. Leur impact réside en fait dans la manifestation de l’admiration de chacun. 6 Si l’usage des énigmes semble être limité dans l’espace puisqu’elles ne sont connues que dans certaines régions, celui des devinettes semble couvrir toute l’aire du berbère. Ce genre littéraire dont la structure et les fonctions sont globalement identiques un peu partout, est nommé différemment selon les régions et plus encore selon les différents parlers dans une même région. C’est ainsi que l’on nomme les devinettes – umiyn, pl. sans sing. (terme désignant également les contes) chez les Chleuhs ; – tihuža n twafitin de – ḥaži « raconter » chez les Rifains ; lmenzṛiwat, pl. de – lmenzṛiwt de – nzeṛ« poser la devinette » chez les Imazighen ; -timseεraq, pl. de -ṯamseεṛeqt de – eεṛeq « s’égarer » ou – timsefra, pl. de -- tamsefruţ de -fru « résoudre » ou encore – timkersa, pl. de – tamkersuţ de – ekres « nouer » chez les Kabyles ; – amḥaža, nom verbal de – mḥaža « se raconter mutuellement des devinettes » chez les Mozabites ; – taggoren, pl. de – taggort de – āger « lancer » ou - timzuren, pl. de – tanzurt de ānzur « poser une devinette » ou encore – meslotān, pl. de – meslo de – āslu « entendre » chez les Touaregs du Niger et du Mali. 7 Il est bien entendu que cet inventaire n’est pas exhaustif dans la mesure où l’investigation n’a porté que sur quelques corpus publiés. Formes, conditions et fonctions des devinettes 8 Loin d’être un simple passe-temps, la devinette berbère est considérée comme un genre littéraire à part entière. C’est une forme de poésie où la rime, le rythme, la musicalité et le caractère énigmatique aboutissent dans une sorte d’osmose à un discours littéraire spécifique. Il se différencie des autres genres par la structure qui le caractérise, par les conditions dans lesquelles il naît et s’épanouit et par la fonction qu’il occupe dans la littérature et que les usagers lui ont assignée. Par ces aspects généraux, la devinette berbère s’apparente à la devinette tel qu’elle est pratiquée dans beaucoup d’autres sociétés à travers le monde. 9 Dans le monde berbère, la devinette repose sur une charpente qui est partout et toujours la même et qui est constituée d’une question-réponse. La question, qui dans les faits n’en est pas une, est considérée dans tous les cas comme un coffre dont le contenu n’est accessible que si on possède la clé – tasarutt. Le rôle de la clé est d’élucider la problématique posée dans le corps même de la devinette. 10 En dehors de la question-réponse, deux types d’énoncés bordent la devinette de part et d’autre. Un énoncé introductif, toujours le même, permet de prendre la parole et de mettre l’auditoire en situation d’éveil et un énoncé qui clôt la devinette et qui est émis par le protagoniste qui a la parole lorsque personne dans l’assistance n’a pu solutionner l’énigme. Devinettes Encyclopédie berbère, 15 2 11 La formule d’introduction change d’un parler à l’autre et d’une région à une autre. Elle est fonction du nom donné par les usagers à la devinette dans leur idiome. C’est ainsi qu’on dira – ḥažiγ-awn-tt-enn. – nzeṛγ-awn-tts-enn. – enzurāγ-kāwān-in. – bbalḥ-ak-tt-inn. « Je vous la pose à deviner. Je vous la pose, devinez-la. » 12 La formule qui clôt la devinette et qui change également d’une région à l’autre, n’a, en fait, lieu que si le ou les participants donnent leur langue au chat – qqneγ. « J’ai fermé, je donne ma langue au chat ». Le contenu de cette formule est fonction de la gentillesse, de la délicatesse ou de l’agressivité de celui qui pose la devinette. Cela donne souvent lieu à un délire discursif où l’adversaire est désigné par tous les qualificatifs avilissants qu’on peut imaginer. 13 La structure du corps même de la devinette (de la question) peut être en tous points semblables à celle d’une assertion dans le langage courant. Ce qui les différencie n’est autre que le contexte général que nous avons évoqué quelques lignes plus haut. Elle peut aussi consister en une description pure et simple de l’objet à deviner. La description pouvant être dans ce cas une simple définition. Elle peut également être un assemblage de propositions qui, en apparence, n’ont rien à voir l’une avec l’autre. Elles peuvent en effet être contradictoires comme elles peuvent aller à l’encontre de toute logique habituelle. 14 Dans tous les cas de figures, la devinette peut être constituée d’une phrase simple ou d’une phrase complexe, elle peut être une phrase nominale ou une phrase verbale, une phrase négative, affirmative ou interrogative. En somme, toutes les tournures syntaxiques peuvent être mises à contribution. Le choix de telle ou telle tournure est étroitement lié au choix de l’image que l’on veut exprimer. Toutes deux participent activement au caractère énigmatique de la devinette. Il est possible de voir en la syntaxe une sorte d’adjuvant à la stylistique dont la nécessité et le rôle sont primordiaux. La devinette ne vaut, somme toute, que par son habillage stylistique. Le recours à la figure de style, qui peut être une métaphore, une métonymie, pour ne citer que ces principales figures, permet à l’émetteur de faire valoir ses connaissances, sa maîtrise de la langue et par là son intelligence. Plus l’image est complexe, tout en étant belle, plus elle est opaque pour l’auditoire. Dans tous les cas, même lorsqu’il n’y a pas recours à une figure de style, le langage de la devinette nécessite un décodage spécifique qui n’est pas celui que l’on opère dans des situations de communication ordinaire. Une lecture uploads/s3/ encyclopedie-berbere.pdf

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