l INOUBLIABLE DIABLE Il me fascinait tellement qu'à la fin, je regrettais pres-
l INOUBLIABLE DIABLE Il me fascinait tellement qu'à la fin, je regrettais pres- que de voir Anne lui préférer Gilles. Qui donc?.. Lui ... le Diable : Jules Berry L.. J'avais seize ans. C'était en décembre 1942. Chaque génération, chaque âge a ses idoles. Mon c idole » d'adolescent des années 40 (nous disions alors, plus simplement: c mon artiste préféré:.) c'était lui. Certains de mes camarades admiraient davantage Louis Jouvet ou Michel Simon, Jean Gabin ou Fernandel, Clark Gable ou Gary Cooper. D'autres grands comédiens ont rejoint plus tard Jules Berry dans mon petit firmament. Mais c'est à lui que je dois la découverte du Septième Art. Jusqu'en décembre 1942, je n'allais au cinéma que pour le voir, lui. Peu m'importait le film. J'ai soudain reçu le choc hallucinant des Visiteurs du Soir et retenu le nom de Jacques Prévert: une c r6v61ation _ qui justifie bien l'hommage enfin rendu ici à l'inoubliable acteur. 1 JULES BERRY Les personnages diaboliques sont souvent les plus atti- rants, les plus spectaculaires. Les vieux cinéphiles et autres enragés de cinémathèque se souviennent du petit démon jovial qui, au début de ces années 40, années noires de l'oc- cupation nazie, persécutait Pierre Fresnay dans La Main du Diable. Ce petit bonhomme au ton sarcastique se nom- mait Pierre Palau et ne manquait pas de vigueur. Puis ce furent Gérard, P~lipe et Michel Sim~n qui se partagè;ent le r.ôle de Mephisto, dans La Beaute du Diable de René ClaIr et Armand Salacrou. Yves Montand l'incarna ensuite au~rès de Michèle Morgan: dans le film Marguerite de la Nuit, de Claude Autant-Lara, d'après le roman de Pierre Mac Orlan, situé à ... Pigalle. Mais le plus grandiose, le plus tru~~lent, fut certes féblouissant, inquiétant Jules Berry. Lw .... c L~ :., cela avait d'abord été, treize ans auparavant, le r61e-~tre d'une comédie d'Alfred Savoir, précurseur des plus bnllants auteurs d'aujourd'hui. Et déjà, c'était Jules B~rry. Non dans le rôle du diable... mais dans celui de DIeu .. ; ou d'un malade mental qui se prenait pour « lui ». Peu d acteurs ont ainsi joué Dieu et diable. manO:Jrétendait q~'il n'apprenait pas ses rôles ... ou qu'il q t de mémOIre, parce que le jeu, sur les champs :: ~s: et ?ans les casino~, d~v~ra,it tous ses loisirs, toutes ,'. tirait qu il ne co~sacr~t ru a 1 écran ni à la scène. Il daDB POurtant bIen : il mettait tous ses personnages --le" ~he, comme il savait se mettre dans leur peau. - momdre e1fort. ..,.;.'";," Oui, me rappelait-il, en décembre 1950 quelques - avant sa dis " , ,... "nj.urs tea.up: tion (de l~ scène s~on de nos écrans), ...... ht.ei . . mêmes roles... mllls de façon parfois .... 1\..0. _lISte, parfOIS plus cruelle - ts 6J.égan; ... Ir Il • : hanc~t, : ~ute taill~, sans oesse en mou- Oltes, au VIsage énergique (nez JULES BERRY 11 . ant narines sensuelles, yeux clairs, lèvres minces) au pUlSS , f" 1 rire tour à tour tendre et eroce, remontaIt pour a sou , P . d 'dO dernière fois sur les planches, a a~ls, ans une come, le 'tico-démoniaque de Pascal Bastia : Ce Monde n est poe , d '1 . . 1 as fait pour les Anges, ou, e nouveau, 1 IncarnaIt e 6iable. Un diable moins virulent que celui des Visiteurs ... A une époque où la photogénie, la beauté classique étaient jugées indispensables pour certains emplois, Jules Berry ne semblait guère plus beau que les « idoles » actuel- les du public: Jean-Paul Belmondo ou Gérard Depardieu. Il a pourtant joué d'innombrables séducteurs. Puis, entre Dieu et Diable, il a tenu le rôle d'Arsène Lupin et les cinéastes l'ont, peu à peu, spécialisé dans les canailles magnifiques ou dérisisoires, d'abord sympathiques, puis de plus en plus féroces, impitoyables. Persécuteur et victime de René Lefèvre dans Le Crime de Monsieur Lange, en 1935, il doit à Jacques Prévert son premier personnage diabolique : Lange, au nom transparent, étant évidemment son adversaire dans cette réalisation de Jean Renoir, que l'on peut regarder comme le brouillon optimiste du film de Marcel Carné : Le Jour se lève, écrit aussi par Jacques Prévert, en 1939. La guerre était proche, les personnages avaient perdu tout espoir. Jules Berry et Jean Gabin en ~ouraient (sur l'écran). Jules Berry manifestait davantage d.arrogance et de force. Il était prêt, en 1942, pour « deve- nIr » vraiment un démon d'une vigueur et d'une âpre gaîté, peu communes . .li a continué jusqu'à son décès, à jouer les aventuriers déSInvoltes et magiques . .Ce personnage de séducteur cynique il eut même la plaIsante 0 . ' Gan' ccaSlOn de le chanter, dans une comédie de Félix N dera, filmée par Robert Siodmak en 1932 : Quick. otre homme' '. . s annonçait alosl, de sa voix railleuse et 12 JLLE BERRY rauque, sur des paroles de Bernard Zimmer et une mu,ique de W.-R. Heymann : Ouvre les yt!Ux, cher public, Vois: je chante et je ris. Mesdames et messieurs, je suis III! enfant de Paris, Sous {ail méfiant des flics, Fai grondi st!UI, sans fric. Mon nom : c'est Quick ... . . . . . . ~ . .. don ? n qui VtllS-Je ner mon cœur .... Joli cadeau, pour une enfant. Approchez, voyons, n'ayez pas pt!Ur : (Jtuœul on n'en veut plus, on le rend. POfUVU que vous soyez jolie, Nous QVons fâge de déraison, Filbons des folies, & toutes saisons ... . . . . . . Btre Mureux pendont quelques heures, l!tN lleweux. cf est déjà très beau, Ü leJrtp6 ~ se fanent les fleurs ., lM c:m,um, ... IUCCtrseDl'S '1 Iean~Paul Belmondo, Jean- Jean-Pierre Cassel. entre autres, ont sou- -* eu deux m.odNes : Jules Berry et Pierre ..... d ua joueur. Aux sens les plus _ c~ J. , .. au cartes, jouer aux courses. .... Jouer, pter. Ne riea preadre au .. - ... lia .I.A IULES BERRY .' peU cimp1e Mais les 'fin' . paraltr31t un ". , Une telle de lU~n. b" . Paul Géraldy (son amt . 1 onnalssalent len. . de auteurs qUI e cd' . 1) Alfred Savoir, Yves Miran ,ne d'enfance et con lSCIP e , éd" u'tulées L'HommL IÙ d 'des corn les ID lui ont-ils pas onne , des pièces où il entrait cota:me Joie, Banco, Bluff, Baccara, chez lui. " Essayons d'en savoir davantage. 2 L'AUDACIEUX VIOLONISTE Poitiers, en 1883, peut encore être considérée comme une capitale. Grâce au prestige historique hérité de Charles Martel, depuis plus de mille ans. Et parce qu'elle com~te une quarantaine de milliers d'habitants. Mais cette glolre provinciale ne suffira plus à M. Louis Paufichet, l'actif quincaillier du Plan de l'Etoile. Son ambition (comme celle de Rastignac et Rubempré, les bouillants Charentais, soixante ans auparavant) l'appelle à Paris. Le couple et ses trois fils habitent pourtant un quartier admirable : le Plan de l'Etoile. Cet emplacement aujour- d'hui disparu, ou plutôt métamorphosé, se situe au carre- four de trois artères, derrière l'église Notre-Dame-La- Grande, ancienne collégiale dont la façade romane du XIII" .siècle emplit Poitiers d'orgueil. Le nom de cette place provlent de la maison du numéro deux : son fronton comporte une étoile sculptée. Le petit Jules Paufichet vient de naître en face au numéro un, le 9 février. Il affirmera plus tard avoir ..:u là 18 JULES BERRY depuis toujours, partout, aimé la musiqu encore les facilités du phonographe et de la ;·.8.;t ~n ignore beaucoup plus tard dans l'ère des trans' t . n entrera settes enregistrées. lS ors et des Cas_ Les enfants bien élevés apprennent 1 . pas du tout original. Ce meuble ({ commeel pIano. Ce n'est le salon de chaque appartement Q es autres '> Orne . J I ' ue va-t-on ense' petIt u es ? Pourquoi pas le Violon? Il ,. , Igner au n ' . . n alille guer h '1 n ~n Joue pas mal, mais n'a qu'un désir . Ae, e~. pense. TI va devoir trouver une . en etre dIS- a imaginé chez l'épicier. ruse. Comme celle qu'il n se présente, un matin devan 1 municipale qui donne cha' d' t e chef de l'Harmonie le kiosque réservé à c' tt que rn:anche, un concert dans _ Je . . e e sympathique tradition. d'un ton t~~~p~~tOIOn, lui annonce le jeune ~ virtuose '>, - Heureuse initiative l' , . autant qu'intrigué par son'~ 1 Ul replique le chef: amusé Notre « prodige p omb. Nous allons t'ecouter ... est venu «armé »ù pour prouver qu'il n'exagère pas, contraint de lui ac~~ d ouvre so~ étui. Le chef se voit _ Bon d' r er une audIence immédiate: suite. .. accord. Joue nous quelque chose tout de Iules se débrouille fort b' facile, pour débutant et l' b' len. Il. a choisi un morceau et décide : ' a len appns. Le chef en convient - Pour te récomp ,. reviens à uploads/s3/ jules-b.pdf
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- Publié le Jui 08, 2022
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