Dossiers pédagogiques Collections du Musée Un mouvement, une période L’ANTIFO
Dossiers pédagogiques Collections du Musée Un mouvement, une période L’ANTIFORME Robert Morris, Wall Hanging, 19691970 © Adagp, Paris 2006 Valoriser la matière Les artistes et leurs œuvres Robert Morris • Wall Hanging, 19691970 • Wall Hanging, 19711973 Eva Hesse • Seven Poles, 1970 • Maquette pour Seven Poles, 1970 Bruce Nauman • Untitled, 1965 • Smoke Rings (Model for Underground Tunnels), 1979 Barry Flanagan • Casb 1'67, 1967 Sarkis • Les trois rouleaux qui ... (jour), 1970 • I love my Lulu, 1984 Textes de référence Chronologie Bibliographie sélective Contacts VALORISER LA MATIÈRE Dans l’histoire de la sculpture contemporaine, une volonté de contester le caractère solide et durable des réalisations apparaît à la fin des années 60, à l’initiative de Robert Morris. Cet artiste a d’abord participé au Minimalisme (1), une tendance née au début des années 60 qui proposait des formes aux volumes essentiellement orthogonaux, aux contours découpés et aux matières rigides. Dans un article publié en 1968 (2) qu’il intitule « Anti Form », Robert Morris s’oppose aux choix du Minimalisme et fait part au public d’un changement d’orientation de son travail en proposant une sculpture littéralement souple, parfois à la limite du périssable. Dans ce texte, après une brève analyse de l’histoire de la sculpture, de la Grèce antique à l’époque contemporaine, il observe un point aveugle qui n’a jamais été pris en compte : on a toujours pratiqué la sculpture sans s’interroger sur le rôle de la matière dans la détermination de la forme finale. Dans le sillage de Georges Bataille qui, au début des années 30, avait défendu la notion d’informe et son pouvoir de rébellion contre la volonté d’imposer un ordre aux choses (3), Robert Morris critique la sculpture occidentale qui, selon lui, a toujours soumis la matière à un ordre qui lui est extérieur, sans jamais la laisser s’organiser ellemême. En somme, on a toujours conçu le travail de la matière comme moulage, ou comme élaboration d’une forme plaquée de l’extérieur. Robert Morris propose, au contraire, de valoriser la matière, de la montrer pour ce qu’elle est, de profiter de ses imperfections, et même de suivre sa tendance à l’entropie, à la dégradation et à l’autodestruction. Son travail, en montrant la matière à un moment donnée de sa chute, réalise l’ambition paradoxale de pérenniser l’éphémère. Il crée ainsi des sculptures molles, inspirées de celles de Claes Oldenburg (4), qui influencent à leur tour d’autres artistes comme Eva Hesse, Bruce Nauman, Barry Flanagan ou encore Sarkis. Chacun d’eux développe à sa manière un aspect de l’Antiforme. Ainsi, Eva Hesse porte à son comble la revalorisation de la matière et de ses qualités, tandis que Bruce Nauman profite d’un travail occasionnel pour se laisser guider par les hasards des contingences. Flanagan joue avec le potentiel autodestructeur de la matière dans un sens ironique, alors que Sarkis s’intéresse à la symbolique de matériaux tels que le goudron ou les bandes magnétiques. Aujourd’hui encore, cette réflexion sur la matière trouve des échos dans des œuvres contemporaines comme celles d’Ernesto Neto, notamment We stopped just here at the time, 2002 (5), une œuvre en tissu et épices qui fait partie des collections du Musée, entièrement gouvernée par le poids, la texture et le parfum de la matière utilisée. (1) Voir le dossier Le Minimalisme (2) Voir les textes de référence (3) Ib. (4) Voir le dossier Le Pop Art (5) Ernesto Neto, We stopped just here at the time, 2002 : voir l’oeuvre LES ARTISTES ET LEURS ŒUVRES ROBERT MORRIS KANSAS CITY (ÉTATS-UNIS), 1931 Robert Morris, Wall Hanging, 19691970 (Tenture), de la série Felt Piece Feutre découpé, 250 x 372 x 30 cm Cette pièce de 19691970 fait partie de la série des Felt Pieces (pièces en feutre) réalisée par Robert Morris à la suite de la publication de son article intitulé « Anti Form ». Elle est constituée de plaques de feutre industriel, lacérées, puis suspendues au mur pour que les formes naissent du poids de la matière. Ainsi, contrairement à toute l’histoire de la sculpture, la matière détermine la forme, ce qui conduit l’artiste à accepter l’imprévu, les courbes plus ou moins régulières, le relâchement du tissu, l’asymétrie. L’artiste accepte de s’effacer derrière la matière, de suivre ses exigences, pour lui permettre de révéler ses richesses. De ce point de vue, Robert Morris poursuit la démarche de Jackson Pollock qui, selon lui, est le premier artiste à s’être donné les moyens de laisser libre cours à la matière picturale. Tout, chez Pollock, privilégie le dégoulinement de la peinture, la toile à plat, les bâtons pour diriger le jet plutôt que les pinceaux. De même Robert Morris attache son feutre et le découpe de manière à favoriser ses retombées, dans une sculpture qui, avec seulement trente centimètres d’épaisseur, rappelle à bien des égards la peinture. Robert Morris, Wall Hanging, 19711973 (Tenture) de la série Felt Piece Feutre découpé, 247 x 355 x 120 cm Cette seconde pièce en feutre, moins large que la première, avec une partie centrale et des bandes de tissu qui retombent sur les côtés, témoigne de l’évolution du travail de Robert Morris. Les plis, plus amples et plus sophistiqués, procurent à l’œuvre une dimension monumentale. Si la pièce précédente conservait un caractère expérimental, celleci produit un effet solennel et devient presque grandiose malgré les retombées du tissu qui renvoient à la chute et à la dégradation. Dans ses œuvres ultérieures, Robert Morris accentue cette ambivalence, entre grandeur et décadence, en utilisant des feutres de couleurs vives associées à des teintes marron, et en recherchant des plissés de plus en plus complexes qui évoquent des formes biologiques. BIOGRAPHIE Après des études aux beauxarts, Robert Morris commence sa carrière artistique dans les années 50 en tant que peintre, pratiquant un style inspiré de Pollock. Il restera toujours fidèle à cet artiste qui a, selon lui, su jouer avec les qualités de la matière et inventer un type de tableau adapté à la fluidité de la peinture. Au début des années 60, il réalise des objets qui interrogent la perception des formes dans l’espace, dans un sens très proche de ce qu’on appellera l’Art minimal. Il participe aussi à des performances, s’intéresse à la musique et à la danse, et reprend des études en histoire de l’art qui le conduisent à la rédaction d’une thèse sur Brancusi en 1966. A cette époque, il réalise, par exemple, ses Trois poutres en L (1965, reconstruite en 69), une œuvre qui révèle les différentes manières de percevoir une forme selon le point de vue que l’on a sur elle. Mais c’est précisément ce type de démarche qu’il dénigre dans son article intitulé « Anti Form » de 1968, voyant dans ces formes créées par luimême les derniers avatars d’une pensée idéaliste et rationnelle, héritière de Platon. A partir de sa théorie, il crée des œuvres molles, faites de grandes pièces de feutre suspendues, qui manifestent le sentiment d’entropie : l’intuition d’une autodestruction imminente. EVA HESSE HAMBOURG (ALLEMAGNE), 1936 – NEW YORK (ÉTATS-UNIS), 1970 Eva Hesse, Seven Poles, 1970 L'œuvre, réalisée entre le début du mois de mars et la mimai, a été présentée pour la première fois à New York au Owens Corning Fiber Glass Center le 14 mai 1970 7 éléments suspendus au plafond et dont la base repose sur le sol Résine, fibre de verre, fils d'aluminium, polyéthylène, 272 x 240 cm Hauteur de chaque élément : de 188 cm à 282 cm Circonférence de chaque élément : de 25,5 cm à 45,5 cm L'espace au sol occupé par l'installation est variable Achat 1986 AM 1986248 Seven Poles est la dernière œuvre d’Eva Hesse. Elle n’a dirigé sa fabrication qu’à distance et n’en a vu le résultat qu’au travers des photographies. La pièce a été terminée par ses assistants d’après ses dessins et maquettes et en fonction de ses indications. Du fait des conditions de réalisation matérielle de l’objet, des questions sont restées sans réponse. La pièce est composée de sept mâts, aujourd’hui indépendants. La matière est travaillée avec un grand soin, couche par couche. Car, contrairement à Robert Morris qui laisse la matière diriger l’œuvre mais à partir d’un matériau industriel (le feutre), Eva Hesse invente ellemême sa matière, qu’elle travaille finement pour tirer au maximum profit de ses qualités. Dans Seven Poles, les éléments sont constitués d’une armature de fil métallique, entourée de feuilles de polyéthylène, ellesmêmes recouvertes de morceaux de fibre de verre et de résine. Une qualité translucide est ainsi obtenue, ni trop ni trop peu transparente, qui ressemble à une sorte de peau, une peau à vif. Ce travail de la matière procure à l’œuvre une vibration qui donne l’illusion d’un être vivant, repoussant par son aspect primitif, mais émouvant par sa fragilité. De la répulsion naît une sorte de beauté. Eva Hesse, Sans titre, 1970 Maquette pour Seven Poles Gaze enduite de plâtre sur fil de fer, fil de cuivre noyé dans de la ficelle 17 x 12 x 13 cm Don de la Georges Pompidou Art and Culture Foundation, uploads/s3/ l-x27-antiforme.pdf
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- Publié le Apv 21, 2022
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