Symétrie Recherche est une collection à vocation scientifique accueillant des o
Symétrie Recherche est une collection à vocation scientifique accueillant des ouvrages de fond sur la musique. Dirigée par un comité scientifique présidé par Patrick Taïeb, elle se décline en plusieurs séries thématiques. La série 20-21, dédiée aux musiques contemporaines, des années 1920 à nos jours, est dirigée par Nicolas Donin (IRCAM, Paris). Symétrie 30 rue Jean-Baptiste Say 69001 Lyon, France contact@symetrie.com www.symetrie.com ISBN 978-2-914373-62-3 dépôt légal : octobre 2013 © Symétrie, 2013 Les deux volumes : ISBN 978-2-914373-60-9 Crédits illustration de couverture : détail d’un diagramme de Salvatore Sciarrino des mesures 165 à 180 de Kontra-Punkte de Karlheinz Stockhausen, cliché © Torquato Perissi – Archives Salvatore Sciarrino conception et réalisation : Symétrie impression et façonnage : Présence Graphique, 2 rue de la Pinsonnière, 37260 Monts numéro d’imprimeur 091345888 collection Symétrie Recherche, série « 20-21 », 2013 Théories de la composition musicale au xxe siècle volume 2 SYMÉTRIE ISBN 978-2-914373-62-3 préface de Pierre-Laurent Aimard Jésus Aguila – Philippe Albèra – Jacques Amblard – Moreno Andreatta Jérôme Baillet – Marc Battier – Michael Beckerman – Alain Bioteau Konrad Boehmer – Jean-Yves Bosseur – Roman Brotbeck – Rémy Campos Pascale Criton – François Decarsin – Pascal Decroupet – Nicolas Donin Stefan Drees – Michel Duchesneau – Emmanuel Ducreux – Laurent Feneyrou Giordano Ferrari – Jean-Charles François – Dorothea Gail – Grazia Giacco Robert Hasegawa – Gareth Healey – Heribert Henrich – Theo Hirsbrunner Ludwig Holtmeier – Martin Kaltenecker – Martin Laliberté – Philippe Lalitte Helga de La Motte-Haber – Iwona Lindstedt – Marina Lobanova – Joachim Lucchesi Olivier Lussac – Alain Mabit – Geneviève Mathon – François de Médicis Flo Menezes – Wataru Miyakawa – Rainer Nonnenmann – Max Noubel Angelo Orcalli – Carmen Pardo Salgado – Robert Piencikowski – Alain Poirier Keith Potter – Herman Sabbe – Stéphan Schaub – Giselher Schubert Makis Solomos – Georges Starobinski – Vincent Tiffon – Richard Toop Jean-François Trubert – Elena Ungeheuer – Alvise Vidolin Ouvrage publié avec le concours de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (O.I.C.R.M.) – Université de Montréal et avec le soutien du Centre national du livre et de la Fondation Francis et Mica Salabert Nicolas Donin Laurent Feneyrou direction scientifique 1511 La pensée spectrale Angelo Orcalli1 à Luciana La musique spectrale est le fruit d’une pensée musicale collective qui a mûri dans un contexte de transformations sociales et culturelles signant le passage, en Europe, de la société industrielle à la société de l’information. Au cours des années 1960, le développement des systèmes audiovisuels a modifié les formes et les proportions de la communication : avec la technologie du transistor, de nouveaux moyens d’accès au son ont favorisé la naissance d’expérimentations musicales inédites ; il en a résulté des formes de production bouleversant l’ordre des compétences, mesurées jusqu’alors à leur capacité à s’adapter aux normes de l’écriture musicale. On a assisté à une expansion hori- zontale de la culture musicale, qui a exposé à la logique du marché des territoires de pertinence de la transmission verticale propre aux écoles et aux institutions académiques. D’où une réaction au credo « moderniste » des avant-gardes européennes, qui est inexplicable si l’on fait abstraction de la situation médiatique créée par les nouvelles possibilités d’accès au son. Les années 1960 ont aussi apporté des changements profonds dans nombre de disciplines : le passage aux paradigmes organiques dans la seconde cybernétique, la théorie des systèmes, l’approche « écologique » dans la psychologie de la perception, la physique des systèmes dissipatifs et de la complexité, la transition de la technologie analogique à la technologie digitale, autant de facteurs qui ont produit une trans- formation des catégories et des méthodes de la recherche. Un cadre cognitif s’est ainsi constitué, et les nouvelles formes de communication se sont nouées avec les mutations de l’industrie cultu- relle, avec un impact peut-être sans précédent sur la musique. Examiner les fondements théoriques de la musique spectrale, c’est d’abord affronter un nœud épistémique unissant plusieurs secteurs du savoir. Cet essai, reconstruisant les bases théoriques et technologiques sur lesquelles s’est constituée la musique spectrale, se propose de mettre en lumière comment l’analyse harmonique et spectrale, avec les possibilités de traitement audio qui en dérive, par des signes sensibles et un contenu spirituel, a été élevée au rang de forme symbo- lique. Le point de départ sera donc la notion de spectre, dont l’évolution historique est révélatrice d’une tendance gnoséologique qui considère comme insuffisante et limitative l’image lisible du monde obtenue par la description textuelle des phénomènes et leur formalisation symbolique, qui l’intègre ou qui lui substitue l’approche par d’autres formes de représentation des phéno- mènes – formes rendues possibles par des moyens d’observation aptes à en fixer les traces visibles. Dans le domaine audio, des technologies sont désormais en mesure de produire une représenta- tion visuelle du son. Sonagraphes et Vocoder , avant même leur implémentation digitale, ont été 1. Traduction de l’italien par Laurent Feneyrou. théories de la composition musicale au xxe siècle 1512 des instruments de visualisation de l’analyse harmonique et spectrale, produisant un changement d’échelle dans l’observation du son, qui a acquis avec la musique spectrale une valeur expressive et symbolique. Les concepts d’énergie et d’information sont présents dans le langage des spectraux, mais selon des sens différents. Il est alors nécessaire de comprendre comment ces entités ont été conceptualisées par la pensée musicale. L’existence de différentes formes de génération du son (mécanique, électrique, électromagnétique) a suscité, comme dans les sciences, l’usage en musique d’une catégorie plus abstraite : l’énergie. Mais les paradigmes de l’énergétisme du xixe siècle ne suffi- sent pas à expliquer les mutations du monde musical dans la seconde moitié du xxe siècle. Dans l’immédiat après-guerre, l’ingénierie des contrôles et des communications se double d’une théorie générale des messages : ainsi est née la cybernétique. À la fin des années 1950, l’invention du tran- sistor ouvrait la voie à la planification modulaire et à la miniaturisation des appareils audio ; les influences de cette révolution sur la musique des années 1960 sont évidentes dans la tension entre déterminisme et indéterminisme, entre live electronics et synthèse sonore en temps différé – pola- rités qui ont alors caractérisé l’avant-garde musicale. La musique spectrale succède à cette phase, et se situe entre les formes de communication de la première cybernétique, dont la base scientifique réside dans la théorie de l’information, et celles de la seconde cybernétique, où le monde du sujet et celui de l’expression prennent la place des techniques de la représentation objective, et où l’organisme (le modèle organique) supplante le machinisme du modèle cartésien. La musique spectrale naît de la révolution des sons complexes, qui a mis en évidence un nouvel univers sonore. De nouveaux moyens d’analyse et de traitement du son, écrit Tristan Murail, « nous permettent, dans le même temps, de porter un regard différent sur les sons, de voyager à l’intérieur du son, et d’observer sa structure interne2 ». La musique spectrale découle donc d’une découverte rendue possible par un changement d’échelle dans l’observation des phénomènes sonores. La pola- rité découverte-invention exprimait, dans les années 1960, un problème non résolu du langage musical d’alors : la syntaxe pouvait-elle faire abstraction du matériau ou devait-elle en être nécessairement déduite ? La musique spectrale a contribué à composer cette scission en reconnaissant, dans la découverte des propriétés du son, les éléments pour inventer une nouvelle écriture en mesure d’uni- fier le domaine sonore. Le transfert, à l’écriture orchestrale, de techno-formes et de modèles issus de la pratique électronique est un trait de cette recherche : l’écriture spectrale ne se limite ni au rapprochement de la dimension acoustique et de la dimension électronique, ni à leur interaction technologique, mais simule, avec des moyens orchestraux, la pratique du laboratoire électro-acous- tique et de la live electronics ; l’écriture devient un acte d’interprétation de l’information figurant, à divers degrés, dans les matériaux sonores et dans les techniques de modulation audio et de synthèse sonore. Cette écriture, inspirée des modèles de la technologie audio, qui ne concerne pas seulement l’expérience spectrale, se fonde sur trois présupposés : a) l’émancipation du son des instruments acoustiques, obtenue grâce à l’enregistrement magnétique ; b) la séparation entre signaux de contrôle et de génération audio, selon les modalités d’opération rendues possibles par les systèmes de contrôle en tension (voltage control) ; c) l’analyse-synthèse des sons orchestraux et leur représentation dans un espace de timbre virtuel. De ces présupposés, le spectralisme opère une synthèse. Par la représentation sonographique, un lien se crée entre les propriétés ultrapro- fondes du son, fixées sur la piste audio, et la textualité de l’écriture orchestrale traditionnelle. 2. Tristan Murail, Modèles & Artifices, textes réunis par Pierre Michel, Strasbourg : Presses universitaires de Strasbourg, 2004, p. 12 (« La révolution des sons complexes » [1980]). la pensée spectrale 1513 De cette manière, le spectralisme inverse la direction prise par la musique électronique : auras esthétiques, indices et icônes sonores nées de l’audiographie électro-acoustique sont reconduits aux formes de l’expression symbolique par une écriture orchestrale adaptée aux nouveaux degrés de connaissance du uploads/s3/ la-pens-e-spectrale-symetrie 1 .pdf
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- Publié le Jui 08, 2021
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