ARISTOTELA POÉTIQUE (1) (Lycée Henri IV, classe de Lettres Supérieures, 1996) C
ARISTOTELA POÉTIQUE (1) (Lycée Henri IV, classe de Lettres Supérieures, 1996) Ce cours est un long commentaire du Peri Poiêtikês d'Aristote. Sur cette première page, ne figurent que la bibliographie et l'introduction. Pour lire la suite, il faudra cliquer dans la marge de gauche sur les titres successifs : "Imitation" ; puis "Imitation d'un acte" ; puis "Catharsis" ; et enfin "Appendice : le pardon". BIBLIOGRAPHIE Les éditions de La Poétique : Trad. Hardy (Belles Lettres) : index des noms et notions ; grec et français. Trad. et notes par R. Dupont-Roc et J. Lallot (Le Seuil) ; grec et français. Trad. et notes de Michel Magnien (Le Livre de Poche) : index des noms et des notions ; français seulement. Autres textes d’Aristote : La Rhétorique, trois volumes en Belles Lettres, trad. M. Dufour et A. Wartelle. Éd. en Livre de Poche, par B. Timmermans. Les Politiques, GF, trad. et notes par Pierre Pellegrin. Éthique à Nicomaque et Éthique à Eudème (tous deux chez Vrin). Sur Aristote : Martin Heidegger, Questions II, “Ce qu’est et comment se détermine la fusiV”, TEL, Gallimard. Pierre Aubenque, Le problème de l‘Etre chez Aristote (PUF, “Quadrige”) et La Prudence chez Aristote (PUF) Rémi Brague, Aristote et la question du monde, PUF 1988. Sur La Poétique : Pierre Somville, Essai sur La Poétique d’Aristote, Vrin 1975. Victor Goldschmidt, Temps physique et temps tragique chez Aristote, Vrin 1982. Sur la tragédie : Delcourt (Marie), Œdipe ou la légende du conquérant, Paris, Droz, 1944 ; Paris, Les Belles Lettres, Paris 1981. Delcourt (Marie), Héphaïstos, ou la légende du magicien. Kott (Jan), Manger les dieux : essais sur la tragédie grecque et la modernité, Payot 1975. Nietzsche (Friedrich), Querelle autour de la “Naissance de la tragédie”, écrits et lettres, Paris, Vrin, 1995. Romilly (Jacqueline de), La Tragédie grecque, PUF, "Quadrige" Romilly (Jacqueline de), Le Temps dans la tragédie grecque, Paris, Vrin, 1971. Rohde, Erwin, Psyché ; Le Culte de l’âme chez les Grecs et leur croyance à l’immortalité, Claude Tchou, pour la Bibliothèque « Les Introuvables », Paris, 1999. Saïd (Suzanne), La faute tragique, Paris, Maspero, 1978. Vernant (Jean-Pierre) et Vidal Naquet (Pierre), Mythe et Tragédie en Grèce ancienne, Maspéro La Découverte. Vidal Naquet (Pierre), préface aux Tragédies de Sophocle, en “Folio”. Introduction Nous ne possédons d’Aristote que deux ouvrages directement consacrés à la philosophie esthétique : La Rhétorique, où sont définies et répertoriées les différentes figures — ou tropes — de l’éloquence persuasive, et la Poétique (Peri Poiêtikês), c'est-à-dire : De l’art de créer, de produire une œuvre. Malgré ce titre prometteur — dont Aristote lui-même n’est nullement responsable, « Peri poiêtikês » n’étant que les premiers mots de l’ouvrage — il s’agit en réalité d’une réflexion portant non sur l’art en général, mais sur la tragédie et, plus accessoirement et en rapport avec la tragédie, sur l’épopée. A l’inverse des dialogues de Platon, très rédigés (ce qui est paradoxal de la part d’un philosophe qui a toujours marqué le primat de la parole sur l’écriture), le texte d’Aristote est exempt de toute recherche de style : on pense qu’il s’agit de notes pour un cours professé au Lycée sur la poésie. Aussi l’exposé est-il discontinu, et comporte-t-il des digressions, et sans doute des reprises ou des additions. Pierre Pellegrin remarquait, à propos de La Politique, combien les textes d’Aristote nous sont parvenus déformés par les siècles, et bourrés d’incidentes dont l’authenticité est discutée. En fait, nous connaissons le texte de La Poétique par un manuscrit du Xe ou XIe siècle, donc postérieur de près de 1500 ans à l’enseignement d’Aristote! Les dialogues de Platon sont des chefs d’œuvre élaborés et subtils, qu’il faut apprécier dans leurs moindres détails ; les textes d’Aristote sont plutôt des notes pour une réflexion collective, un instrument (organon) de travail pour la recherche et pour la discussion, “a work in progress” plutôt qu’un chef-d’œuvre élaboré. Le texte aristotélicien ne vise nullement à la perfection formelle, il vise plutôt à alimenter un débat, et doit être considéré comme un instrument didactique et non comme un œuvre achevée. Il n’aurait sans doute pas suscité tant de commentaires, et peut-être de corrections et de scolies, s’il n’appelait lui-même son lecteur à participer à la recherche, à intervenir dans le travail de la pensée. De composition difficile, La Poétique d’Aristote est en outre une œuvre inachevée. Le préambule annonce qu’il sera question de « l’art poétique en lui-même [c'est-à-dire à la fois de la poésie et de la création en général] et de ses espèces (eidos), de l’effet (dunamis) propre à chacune d’elles, de la façon dont il faut composer les histoires (muthos) si l’on veut que la poésie soit réussie (kalôs), puis du nombre et de la nature des parties, et également de toutes les autres questions qui se rattachent à la même recherche ». En vérité, il ne sera guère traité que de la tragédie. Au début du chapitre 6, Aristote annonce : « Nous parlerons plus tard de l’art de représenter (mimêtikê) en hexamètres, et de la comédie » (49 b 21). Il n’en sera en fait jamais question. Dans La Rhétorique (1372 a 1), Aristote écrit : « Les choses risibles (peri geloiôn) ont été définies à part dans notre Peri Poiêtikês » ; et en 1419 b 6 : « Nous avons dit, dans notre traité Peri Poiêtikês, combien il y a d’espèces de plaisanteries (eidê geloiôn), dont une partie s’accorde avec le caractère de l’homme libre, l’autre non ». C’est ainsi, continue Aristote, que l’ironie (eirôneia) est libre, la bouffonnerie (bômolokhia) servile. On ne saura rien de plus du traité d’Aristote sur la comédie. Il n’est pas interdit d’échafauder sur cette lacune diverses hypothèses (les moines copistes n’auraient-ils pas délibérément supprimé la partie concernant les “geloia”, les choses risibles ? L’œuvre immense d’Épicure n’a-t-elle pas été victime d’une censure du même genre?), et même les plus romanesques : lisez Le Nom de la rose, par Umberto Eco. Malgré ces incertitudes, La Poétique est un texte essentiel : c’est d’abord un témoignage sur la tragédie des anciens grecs, une méditation, par un très grand penseur, sur un art rare, et qui a brillé d’un éclat exceptionnel près de soixante-dix ans avant qu’Aristote ne rédige son cours. On suppose que La Poétique a été composée lors du second séjour qu’Aristote fit à Athènes de 335-334 jusqu’à la mort d’Alexandre, en 323 . C’est pendant ce séjour, dès son arrivée à Athènes en 335, qu’il fonde, près d’un temple dédié à Apollon lycien, le Lycée, école rivale de l’Académie fondée par Platon. Sophocle et Euripide meurent tous deux en 405. A l’époque où médite Aristote, l’âge d’or de la tragédie, comme celui de la cité, est révolu. Faisant surtout référence à Sophocle — c’est Œdipe tyran qui est aux yeux d’Aristote la tragédie la mieux exemplaire — Aristote réfléchit un phénomène esthétique (la représentation tragique) dont ses contemporains ont perdu le secret, de même que dans La Politique, il pense la perfection d’une cité autarcique que l’histoire, et tout particulièrement la domination macédonienne dont il a pourtant épousé le parti, a anéanti à jamais. Avec La Poétique, nous tenons la méditation la plus ancienne, et sans doute la plus profonde, sur cet art tragique qui manifeste, aux yeux de Nietzsche, l’essence même de l’art et la vérité de toute création. Mais La Poétique soulève notre intérêt pour d’autres raisons encore : si ce seul fragment nous est parvenu, c’est en premier lieu à cause du caractère exemplaire de la représentation tragique, à la fois pour la philosophie éthique et pour la philosophie de l’art en général. Le héros tragique est en effet un modèle pour l’action morale — il ose librement un acte audacieux et transgresse une limite — et pour l’invention artistique — tout créateur doit ainsi rompre avec le passé et enfanter du neuf. La tragédie est la représentation d’un acte fondateur qui ouvre une ère nouvelle, elle met en scène une rupture féconde, qui réinvente l’avenir. Mais il est une autre raison pour laquelle La Poétique nous a été transmise par delà les siècles, et doit retenir encore notre attention : l’Église chrétienne, qui prétend renouveler radicalement l’interprétation du sacrifice, portait sans doute un intérêt tout particulier à la tragédie, en laquelle elle croyait reconnaître, précisément, la représentation du sacrifice païen, c'est-à-dire du sacrifice non encore éclairé par la lumière de la Révélation. Pour cette tradition, qui pèse encore lourdement sur la lecture que nous faisons de ce texte, la mort du héros tragique n’est qu’un avatar parmi d’autres du rituel sanglant du bouc émissaire, auquel seule la révélation chrétienne a su mettre fin. En en dénonçant la cruauté inutile et inhumaine, le christianisme aurait mis fin à la tragédie païenne, et le Christ aurait vaincu Dionysos. La Poétique d’Aristote nous fournit l’occasion de repenser cette alternative que Nietzsche, il n’y a pas si longtemps, posait avec force, se prononçant pour le second, et contre le premier. Le texte est peu connu dans l’Antiquité : on n’en connaît uploads/s3/ la-poe-tique-d-x27-aristote-cours-h4.pdf
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- Publié le Jan 02, 2022
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