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L a Vie OMME DÉ AL PAR ]. KRISHN.4MURT1 1928 PUBLICATIONS DE L’ÉTOILE PARIS L a V ie C omme I déal PAR J. KRISH NAM URTI 1928 PUBLICATIONS DE L’ÉTOILE PARIS OUVRAGES DU MÊME AUTEUR LA SOURCE DE SAGESSE DE QUELLE AUTORITÉ LE ROYAUME DU BONHEUR QUI APPORTE LA VÉRITÉ? ■ m La Vie comme idéal PAR J. KRISHNAMURTI Semblable aux nuages poussés par les vents, les homimes s’agitent dans le monde. L’homme est sans but défini, sans compré hension de la vie, il est, comme les nuages chassés de vallées en vallées, sans lieu de .repos, sans quiétude, sans tranquillité et sans joie. L’homme sans but, aveugle, est la proie du chaos et de la désintégration qui ré gnent en lui, et par suite dans le monde. Mais à quoi tend la vie? La vie tend à se libérer de toute chose, à la libération qui naît de toutes les épreuves quand elles ont été connues et dépassées. Je voudrais vous montrer que pour parachever en vous la Vie dans sa plénitude, comme je l’ai fait moi-même, vous devez accueillir toutes les expériences, si désagréables, si délicieuses soient-elles, afin de remplir votre vie, comme est pleine une goutte de pluie. La douleur vous paraît une chose terrible, une chose dont vous avez honte : c’est cependant l’expérience de la douleur qui vous donnera la force de lutter, et la lutte aussi est une expérience nécessaire. Invi tez la douleur, lorsque votre cœur déborde dans sa plénitude, ne la rejetez pas, car elle distille le parfum de la connaissance, elle crée l’affection et vous met en im mense sympathie avec la vie. Douleur et plaisir, mal et bien, ne peuvent avoir de sens pour vous, que si vous avez établi votre but, car ce but vous dirige constam ment vers la compréhension. Atteindre la vérité, c’est faire épanouir la vie, en lui donnant toute sa possibilité d’expression. Pour moi, le but unique, le seul but au monde qui soit réel, absolu, absolu comme infini, est celui de la vérité. L’homme qui en a eu la vision, même dans ses moments de plus grande lutte, a, par ce fait, créé pour lui-même ce but éternel. Quoiqu’il puisse encore errer dans le — 6 monde transitoire, quoiqu’il puisse encore se perdre dans le monde des ombres, il a trouvé son guide, qui est l'affranchissement de tous les désirs, de toutes les épreuves, des douleurs et des luttes. Pour celui qui désire trouver l’éternel, porter ce but en soi, voilà ce qui importe. Non pas le but d’un autre, non pas la vision d’un autre, mais son propre but, résultant de ses pro pres épreuves, de sa propre expérience. Je voudrais que cette idée soit pour vous, ce qu’elle est pour moi, la base même de toutes vos pensées et de tous vos senti ments. Celui qui a compris ce but, qu’il soit artiste, économiste, éducateur, crée dans la lumière de l’éternel et non dans l’ombre du présent. Presque tous les hommes sont la proie du présent. Le présent est devenu pour eux une ombre immense dans laquelle ils créent, sans comprendre la vérité. Pour comprendre l’éternel, il faut qu’ils sachent que la vérité est une, que la vie est une, quoique ses expressions soient multiples. Mais on cherche habituellement l’unité 7 — dans les expressions de la vie, plutôt que dans la vie elle-même. La vie n’a pas de tempérament particulier, pas de couleur, v elle n’a ni limitations, ni barrières. Ces choses n’existent que pour celui qui veut considérer la vie comme la trame sur la quelle À\ inscrit son propre dessin, tandis qu’en réalité, c’est l’homme qui est la trame sur laquelle la vie doit projeter son œuvre. Pour moi, le chaos actuel, l’inquiétude, les luttes sont dus au fait que la vie a été emprisonnée et mutilée. Dans le monde en tier, les hommes ont imposé des limita tions à la vérité. Ils ont voulu l’abaisser, comme un transformateur abaisse la ten sion d’un courant électrique. La vérité ne s’abaisse pas. Vouloir la limiter, c’est la trahir. Ils ont remplacé la compréhen sion de la vie par des croyances en une multitude de doctrines, par des dieux et des religions innombrables, mais il est plus important de comprendre la vie que de l’enfermer dans des croyances. Vous avez cru à différents dogmes, vous avez dédié votre vie et votre pensée à des — S -----------------------------------------------:------- credos et à l’esclavage des religions, et en tout cela vous n’avez pas trouvé le bon heur durable. Vous avez passé d’une limi tation à une autre, d’une cage étroite, à une cage peut-être un peu plus large, mais vous n’avez pas éprouvé le désir de briser toutes les cages, leurs barreaux qui empri sonnent, qui détruisent, qui inlligent la douleur. Parce que pour vous les croyances, les credos, les dogmes, les reli gions, priment la vie, il y a stagnation. Pouvez-vous lier les eaux de la mer ou con tenir les vents dans votre main fermée? Les religions ne sont à mes yeux que les pensées congelées des hommes. Avec elles ils ont construit leurs temples et leurs églises. Dès que vous attribuez à une auto rité extérieure une loi et un ordre divins et spirituels, vous limitez, vous étranglez cette vie même que vous désiriez parache ver et que vous voudriez délivrer. Quand il y a limitations, il y a servage, donc souf france. Le monde actuel est l’expression de la vie asservie. Ainsi, les croyances, les religions, les dogmes, les credos, n’ont selon moi, aucun rapport avec la vérité. Le tissu de la vie est fait des événements quotidiens que vous pouvez dominer. Vous pouvez les douer d’originalité, faire sur gir leur grandeur, ou vous pouvez les dé truire, par manque d’entendement. Le tissu de la Vie et sa compréhension vous appar tiennent et n’appartiennent pas à d’autres. Mais quand vous abandonnez la direction de votre vie entre les mains d’un autre, il ne peut en résulter que malheur, soumis sion à une autorité qui pourra être coupée comme un arbre et dont les réconfortants ombrages pourront disparaître. De cette limitation de la vérité, de cette trahison, surgit la crainte dans l’esprit et dans le cœur des hommes, la crainte du bien et du mal, la crainte de la moralité étroite, la crainte de l’enfer. Et toutes ces craintes ont été maquillées en croyances, parce que l’homme veut être réconforté. Mais je vous dis : ne demandez pas le réconfort et cherchez l'entendement. La poursuite du réconfort enchaîne la vie, l’entendement la libère, et la liberté ne peut être acquise que par l’expérience. Quel réconfort peut-il y avoir en dehors de la compréhension de la vérité? Pré tendez-vous arriver sans luttes et sans larmes? C’est un marchand de drogues spi rituelles qu’il vous faut, celui qui vous vendra des antidotes contre la crainte. iC’est à l’extérieur que vous cherchez votre soutien. Vous avez peur de regarder votre faiblesse, peur de vous mettre en face de vous-même et d’être obligé de vous con quérir. N’ayant pas l’habitude des som mets, des grandes solitudes, de l’isolement, de la vie éternelle, vous vous croyez obli gés d’emporter avec vous vos amis, vos qualités, vos églises, vos moralités, votre dignité, vos liens, vos rites et vos reli gions. A ces grandes hauteurs, il n’est pas be soin de tout cela. Dans l’ombre du présent, l’homme est saisi, capturé, et de là naît sa peine. Pour lui, la vie devient une lutte continuelle, un débat sans répit. Se creuser un passage entre le présent et l’éternel est le but de l’homme. Chaque être humain doit creuser ce tunnel, qui est la voie menant directe ment à l’accomplissement de la vie. Et cette voie est en vous-mêmes. Dans ce tun nel, vous ne pouvez pas revenir en arrière, car, en avançant, vous avez amoncelé der rière vous ce qui entravait votre route. Il vous faut donc avancer, c’est-à-dire aller à la découverte de la vérité, ou bien vous arrêter. Et dès que vous avez affermi votre but, que vous avez dépassé tous vos désirs, votre soif d’expériences, vos douleurs et vos luttes, alors la peine de creuser se transforme en extase. Je sais d’avance toutes les objections qui. s’élèveront dans votre esprit, au sujet de tout ce que vous ne parvenez pas à conci lier avec mes paroles.'Yous direz : Il nous a été dit... on nous a incités à... telle chose a été proclamée... nous avons été instruits, élevés de telle manière... Contre cela je n’ai rien à dire. Si vous avez soif, vous boirez les eaux de la fontaine; si vous n’avez pas soif, vous passerez outre. Et comme le monde est vraiment altéré, il vaut mieux ne ¡pas chercher à concilier. — 12 Pourquoi voudriez-vous concilier? En essayant de le faire, vous vous perdriez dans la conciliation. Si vous vous voulez comprendre le but de la vie, aller au-de vant de ses expériences, vous ne devez pas demander à un autre de vous uploads/s3/ la-vie-comme-ideal-par-j-krishnamurti 1 .pdf