Le Jeu de L’Art Moderne Zeinab Abdelaziz 1984 1 A Omar Mazri, Un cyprès si près
Le Jeu de L’Art Moderne Zeinab Abdelaziz 1984 1 A Omar Mazri, Un cyprès si près dans la créativité. 2 Avant- Propos Depuis son lancement, l’art moderne revêt l’aspect d’un phénomène. Un phénomène d’une large envergure, qui, non seulement a traversé tous les domaines artistiques, mais qui a fait table rase de toutes les conceptions préétablies. Ce qui a profondément marqué la civilisation humaine dans son ensemble. Dans le domaine de la peinture, le changement a été beaucoup plus catégorique, dans le sens où l’abstraction a trouvé un champ d’expériences techniques inépuisables. La variété des matériaux et des procédés employés par les artistes modernes est inouïe, frise l’absurde ou l’indécence – tel qu’on le verra plus loin. Les écrits concernant l’Art moderne se comptent par milliers. Que ce soient des textes rédigés par des critiques d’art, par des hommes de Lettres ou par les peintres eux-mêmes, ils représentent – dans leur ensemble – une masse gigantesque à laquelle il semble illogique d’ajouter encore des pages ! Toutefois, ces textes qui se partagent globalement en deux groupes, pour ou contre l’art moderne, ne semblent point nécessiter un nouveau travail, - ce qui ressemble tout de suite à une gageure. Cependant, ces mêmes documents, renferment des données éparses, voire des accusations qui ne sont pas d’ordre plastique ou esthétique, en ayant recours à une terminologie assez curieuse pour ce sujet. La répétition de termes tels la Bourse, la spéculation, la peinture comme valeur refuge sont déjà choquants pour un domaine artistique. Mais lorsque cette terminologie s’étend pour renfermer des mots tels le monopole, la juiverie, la Franc-maçonnerie ou la Destruction, cela soulève autant de points d’interrogations. Le rapprochement de ces données, si variées et si loin de l’art, justifie l’entreprise de ce travail, d’autant plus qu’aucune étude n’a été effectuée jusque là liant tous ces domaines. C’est ce qui explique la difficulté de cette recherche et c’est ce qui justifie le nombre de citations relevées le long du texte. Par contre, ce travail n’a pas la prétention d’être une étude exhaustive : ce n’est qu’un effort de compréhension, une tentative d’interprétation d’un des phénomènes des plus étonnants et des plus alarmants de notre temps. Une tentative assez schématique, qui constitue plutôt une incitation à des travaux plus approfondis. 3 Introduction Malgré cette innombrable masse d’écrits sur l’art moderne, ce n’est pas sans raison que J. Clair dit en 1983 que « l’histoire de l’art du XXe siècle reste à écrire » (Considérations sur l’état des beaux-arts, p. 101). En effet, nombreux sont les auteurs qui ont déjà fait la même constatation, à ne citer que J. Laude, qui dit trois ans plus tôt : « l’histoire et même la préhistoire des abstractions reste à faire. Elle serait des plus intéressantes, mais aussi des plus instructives. Il est étonnant qu’elle n’ait pas encore été entreprise rigoureusement » (L’art face à la crise, p. 336). Une histoire des plus surprenantes et des plus instructives, certes, car personne ne peut imaginer – au premier abord – le nombre de jeux dissimulés que cachent adroitement l’attrayante apparence de ce domaine. La diversité et la multiplicité des phénomènes qui se sont bousculés, dans la brève période de ces trois-quarts de siècle, font penser à une gageure et semblent condamner d’avance tout espoir de découvrir une unité quelconque à l’art de notre époque. Vouloir ramener tout ce pullulement de théories, d’écoles, de tendances et de mouvements, paraît quasi impossible à réduire à un commun dénominateur. Cependant, l’hypothèse qui se dégage prend corps plus solidement. L’étude rigoureuse de ces « abstractions » n’ayant pas été entreprise encore, nous nous proposons d’aborder ce sujet en tant que phénomène, par rapport à la civilisation humaine, par rapport à la société contemporaine, et non pas comme une simple histoire de l’art moderne. Car son évolution fut celle d’un phénomène où plusieurs courants s’entremêlent. Un phénomène intimement lié aux deux pôles d’attractions qui mènent le jeu au XXe siècle : l’économie et la politique. Loin de faire penser à une parenthèse hors sujet, il est incontestablement connu et admis, de nos jours, que ces deux facteurs prédominent les tendances idéologiques d’une époque, mais leur activité et leur présence sont tellement dissimulées par d’autres facteurs secondaires que l’on se trouve déconcerté à l’idée de vouloir trouver des explications directes ou nettement apparentes. De même, l’interférence des valeurs financières et artistiques est un fait indéniable, ouvertement déclaré en Amérique, un peu plus camouflé en France. Les études du marché de la peinture moderne prouvent incontestablement le statut économique de cet art. En fait, nombreux sont les domaines qui chantent à l’unisson l’évidence de cette réalité : tableaux comme investissement, comme valeurs boursières, comme valeurs-refuge, études entreprises à des fins publicitaires plus ou moins avouées, etc. Il est vrai que ce phénomène ne date point de nos jours, mais jamais il ne prit autant d’ampleur, ni une telle acuité, comme à la seconde moitié de ce vingtième siècle, époque au cours de laquelle l’association du domaine artistique et du domaine monétaire déborde le cycle peintres-marchands-collectionneurs, pour plonger ses racines dans le public. C’est en toute connaissance de causes que R. Moulin écrit : « Quand la bourse va mal, la peinture 4 va mal. C’est une vérité admise par les marchands comme par les collectionneurs » (Le marché de la peinture en France, p. 57). C’est pourquoi le mot « jeu » est employé dès le titre et tout le long de cet ouvrage. Il n’est point choisi au hasard, mais dans la vaste étendue du terme, dans la mesure où il révèle l’action combinée et régulière des tenants de l’art moderne , les passions humaines, politiques et sociales qui le mènent et surtout la grande maîtrise avec laquelle les voies souterraines ou clandestines du marché ont été préparées, pour ne rien dire de cette machine infernale qui le dirige, avec une orchestration sans pareil. C’est dans le contexte de la civilisation contemporaine que nous entendons voir de près le monde caché de l’art moderne. Car la fonction sociale de cette production artistique transmet indubitablement les valeurs de la classe dominante et surtout celles des plus directement intéressés : les tenants du monopole. Ce terme de monopole paraîtra moins choquant lorsqu’on verra de près comment l’art moderne fut un phénomène nécessaire au bon fonctionnement et à la régulation émotive et culturelle des sociétés qui l’ont secrété. En fait, l’art est devenu nettement un instrument d’ordre dépendant, servant leurs visées politiques et idéologiques. D’ailleurs, de tout temps, et quel que soit le régime, l’art a toujours été, d’une façon ou d’une autre, en rapport avec le pouvoir. Sous tous les régimes, il s’est trouvé guidé, influencé, voire considéré telle une arme de propagande et de prestige. Le long de l’histoire, l’art n’a jamais été loin de jouer un rôle déterminent, même lorsqu’il devint une arme en faveur du peuple et de la liberté. Pourquoi l’art, et surtout pourquoi la peinture tout particulièrement, se demanderait- on ? Parce que de tous les arts, considérés comme moyens de correspondance, la peinture est le domaine artistique le plus direct, le seul qui puisse dépasser la notion du temps : un seul coup d’œil suffit pour capter le message de l’œuvre. C’est ce qui justifie cette axiome disant que « l’art précède toujours les Révolutions ». L’Art est une des formes de conscience sociale, une expression des sentiments, des aspirations, du regard sur la vie, la réalité d’un groupe et d’une période déterminés. C’est pourquoi toute histoire de l’art doit pénétrer jusqu’aux racines de l’expérience artistique et lier ses manifestations historiques aux moyens fondamentaux du développement social. Car l’art est une expression de l’existence sociale, une expression idéologique des formes changeantes entre l’homme et la nature, entre l’homme et la société qui l’entoure. D’où l’importance de voir de plus près, et d’analyser le groupe social auquel il appartient. D’un autre côté, la réalité sociale est déterminée par son équipement technique, par ses ressources de production et par la manière dont les individus qui forment cette société appliquent leur technique aux tâches de productions. De là, l’art ne peut être considéré seulement comme un simple reflet de la réalité, mais surtout un facteur révolutionnaire qui participe à la transformation de cette réalité. Il réagit directement à tous les changements qui interviennent dans les facteurs fondamentaux de l’existence, décèle directement la contradiction conséquente entre les nouvelles conditions de vie et les formes anciennes. C’est ce qui confine à l’art cette fonction d’être un des plus puissants alliés des forces du progrès. Partant de cette idée, le problème du contenu dans l’art prend une autre signification, une autre envergure, puisqu’il est l’expression émotionnelle et intellectuelle d’un groupe 5 social donné face aux conditions matérielles de son existence. C’est pourquoi la forme sans le contenu, séparée ou arrachée de sa source de réalité sociale, ne peut être que stérile. L’abolition du contenu fait de l’art une abstraction dénuée de vie, vouée à la déchéance. Ou comme le dit J. Ellul : Eliminer le sens de uploads/s3/ le-jeu-de-l-x27-art-moderne-1984.pdf
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- Publié le Aoû 20, 2021
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