AVONS NOUS BESOIN D’ART ? Le monde de l’art face à la crise sanitaire: voilà le

AVONS NOUS BESOIN D’ART ? Le monde de l’art face à la crise sanitaire: voilà le combat auquel nous assistons actuellement. Alors que les lieux dits de « première nécessité » sont autorisés à ouvrir leurs portes au public, tels que les salons de coiffure, les lieux culturels, où l’art trouve habituellement sa place, tels que les cinémas, les musées, demeurent clos. Face à cet art délaissé, qui ne semble pas être la priorité des gouvernements, nous assistons à l’émergence de nombreux mouvements de contestation. Nous sommes donc naturellement amenés à nous questionner sur notre besoin d’art. Le terme art - dérivé du latin ars qui signifie habilité - désigne non seulement une activité, l’expression d’une subjectivité qui créé un produit sans fin utilitaire, mais aussi le résultat de cette activité, l’œuvre d’art. Cette interrogation concerne donc l’artiste, celui qui créé, et le spectateur, celui qui contemple. Le besoin, lui, est relatif, il dépend donc des individus qu’il concerne : dans cette réflexion, le besoin désigne ce qui est nécessaire à la nature humaine. Cependant, nous savons tous que l’art n’est pas lié à la survie humaine, jouer de la musique ou contempler un tableau ne nous nourris pas. Puisque qu’il n’est pas indispensable à notre survie, alors pourquoi les sociétés, comme dans le contexte de la crise sanitaire, ne semblent-elles pas pouvoir renoncer à l’art? Pourquoi l’art occupe une place constante à travers les âges, de l’origine humaine à nos jours? Concevoir l'art comme un besoin revient à se demander si il représente une nécessité pour l’être- humain. Nous pouvons donc nous demander, l’art est-il nécessaire aux Hommes? Pour apporter une réponse à cette problématique, nous tenterons de répondre aux questions suivantes: En quoi l’art, autant pour l’artiste que pour le spectateur, ne présente-il aucune utilité? À quel besoin la création artistique répond-elle chez l’artiste? À quel besoin la contemplation d’une œuvre d’art répond-elle chez le spectateur? À première vue, nous pourrions penser que nous n’avons pas besoin d’art car celui-ci, autant de la dimension créatrice que de la dimension contemplative, ne répond à aucun besoin vital, aucun besoin corporel ou de confort : en réalité l’art n’est pas utile. L’utilité est l’intérêt que l’on obtient de quelque chose, est utile ce qui a pour fin de satisfaire un besoin. Tout d’abord, la création artistique ne vise pas à répondre à un besoin primaire, c’est-à-dire un besoin lié aux contraintes physiologiques de l’individu tel que dormir ou manger. Le besoin primaire est considéré par la classification des désirs, dans la Lettre à Ménécée du philosophe grec Épicure, comme un désir naturel et nécessaire à l’absence de dysfonctionnement dans le corps : la physiologie humaine nous impose donc de satisfaire ce besoin. C’est en l’absence de cette finalité, répondre à un besoin primaire, que l’art apparaît comme une activité inutile à la vie humaine, et que la création artistique se distingue de la production technique. En effet, même si la production technique, tout comme la création artistique, requiert des compétences techniques et intellectuelles, l’artisan vise, à travers la production de nombreux objets identiques, la satisfaction d’un besoin primaire ou d’une utilité comme une augmentation d’un confort. La production technique est objective - est objectif ce qui correspond à la chose indépendamment de tout jugement sur cette dernière, et désigne les caractéristiques de la chose même - alors que la création artistique est subjective - est subjectif ce qui dépend de la perception ou du jugement singulier d’un sujet, et varie donc d’un individu à un autre. L’artisan produit dans le but de satisfaire un besoin. L’artiste, lui, créé des objets « inutiles », qui ne résultent pas de la volonté de satisfaire quelconque besoin primaire ou de confort, mais qui sont le résultat de l’expression d’une subjectivité. Dans le concept d’œuvre d’art, la forme prédomine sur la matière. Ainsi, l’œuvre d’art n’est pas la création d’un artisan mais bien d’un artiste. Alors que les productions techniques nous apparaissent indispensables, nous pourrions par exemple difficilement nous passer d’un lit, nous pourrions nous interroger sur notre capacité à se passer de création artistique. Il parait en effet plus facile d’envisager de se passer de peindre, que de se passer de sommeil. L’art est inutile également du point vue du spectateur. En effet, comme l’explique le philosophe prussien Emmanuel Kant dans la Critique de la faculté de juger, le jugement qui porte sur la représentation d’une œuvre d’art, c’est-à-dire le jugement esthétique, nous place dans un état de contemplation de l’objet et non dans l’action de consommation. Dans ce même ouvrage, il qualifie le beau de l’objet d’un plaisir désintéressé: si l’art est dénué de tout intérêt il semble inconcevable de dire que celui-ci est utile, de lui attribuer une fonction, une fin utilitaire. L’art n’est pas le moyen d’atteindre une fin. La contemplation d’une œuvre d’art nécessite donc une abstraction des besoins biologiques, de tout égard matériel, car ces considérations porteraient atteinte à l’essence même de l’état contemplatif. Cette idée est illustrée par la formule suivante, que nous devons à la philosophe allemande Hannah Arendt dans son essai Condition de l’homme moderne, « Pour trouver sa place convenable dans le monde, l’œuvre d’art doit être soigneusement écartée du contexte des objets d’usage ordinaires. Elle doit être de même écartée des besoins et des exigences de la vie quotidienne, avec laquelle elle a aussi peu de contact que possible. » Assigner une fin utilitaire à l’œuvre d’art, c’est donc l’amputer de la caractéristique fondatrice de sa valeur, l’absence d’intérêt. C’est également pour cette raison que le développement d’un attrait artistique est précieux, celui-ci inculque la vertu de ne pas être constamment guidé par l’intérêt. Si le temps n’a pas réduit la place accordée à l’art dans les sociétés, si l’art est omniprésent autant du point de vue historique que du point de vue géographique, c’est justement parce que sa valeur ne réside pas dans une prétendue utilité. Finalement, autant du point de vue de l’artiste que du spectateur, l’art n’a donc aucune finalité utilitaire et c’est justement là que réside sa valeur. La création artistique ne répond à aucun besoin vital et la contemplation d’une œuvre d’art requiert un jugement désintéressé. Même si cette absence de finalité pourrait nous amener à penser que nous pouvons nous passer d’art, l’inutilité de l’art n’entre pas en contradiction avec sa potentielle nécessité. La nécessité qui se distingue de l’utile, provient de l’essence des choses, est ce qui ne peut pas ne pas être. Mais alors, l’art est-il nécessaire à l’artiste? Mais en réalité, la création artistique est une nécessité pour l’être humain. En effet, l’Homme est distinct de l’animal, satisfaire ses besoins primaires ne lui suffit pas : il doit aussi répondre à ses besoins spirituels. La liberté d’expression est essentielle - est essentiel ce qui renvoie à la nature profonde d’un être – pour l’Homme. Ce besoin d’expression est une caractéristique propre à la nature humaine : l’être-humain a besoin d’exprimer sa subjectivité, son humanité, sa présence au monde. Comme vu précédemment, nous ne pouvons pas réduire l’art à un simple moyen d’atteindre une fin. L’art est une fin en soi. Celui-ci satisfait un besoin d'expression que le langage ne permet pas toujours : il permet de rendre compte de l’ineffable. En effet, l’expression de certains états intérieurs se heurte aux limites du langage humain. Si la raison, par son universalité, ouvre la voie du partage, le sentiment, par sa singularité semble condamner l’individu au silence : ce sentiment, teinté d’individualité, est réduit par le langage. Nous pouvons prendre l’exemple de l’écrivain italien Primo Levi, dans son témoignage Si c’est un homme, lorsqu’il écrit « Ce que nous appelons la faim ne correspond en rien à la sensation qu’on peut avoir quand on a sauté un repas, de même notre façon d’avoir froid mériterait un nom particulier. Nous disons « faim », nous disons « fatigue », « peur » et « douleur », nous disons « hiver », et en disant cela nous disons autre chose, des choses que ne peuvent exprimer les mots libres, créés par et pour des hommes libres qui vivent dans leurs maisons et connaissent la joie et la peine. » : à travers ces quelques lignes, l’auteur met en lumière la limite du langage, l’impersonnalité des mots, qui ne peuvent traduire ce que nous ressentons, rendre compte de notre expérience. Ainsi lorsque mon interlocuteur exprime « Je suis triste », l’idée que je me fais de sa tristesse découle de mon expérience, je ne peux réellement saisir le sentiment qui anime mon interlocuteur, son sentiment se trouve dénaturé par son expression linguistique. C’est ce que le philosophe français Henri Bergson exprime dans Le rire à travers la formule suivante : « Le mot, qui ne note de la chose que sa fonction la plus commune et son aspect banal, s’insinue entre elle et nous […] ce sont aussi nos propres états d’âme qui se dérobent à nous dans ce qu’ils ont d’intime, de personnel, d’originellement vécu. ». Ce que uploads/s3/ exemple-dissertation-e-le-ve.pdf

  • 26
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager