MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ HISTORIQUE .LITTÉRAIRE ET SCIENTIFIQUE f# , i; l'A DU CH

MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ HISTORIQUE .LITTÉRAIRE ET SCIENTIFIQUE f# , i; l'A DU CHER J 4K SERIE— 20E VOLUME BOURGES RENAUD, LIBRAIRE PARIS EMILE LEOHEVALIER, LIBRAIRE, 16, RUE DE SAVOIE LE MUSÉE DE BOURGES. SÛTES,DOCUMENTS ET SOUVENIRS SUR SA FONDATION ET SON HISTOIRE PREMIERE PARTIE Le Musée établissement départemental (1834-1864) « Le Muséede Bourges a été créé » par la volonté, les efforts et l'âme » d'un seul homme. » (Conseil Géné- ral du Cher, séancedu27 amïM86<l.) Le Musée de Bourges, fondé en 1834, a maintenant plus de 70 années d'existence : aux artistes, aux archéologues, à tous ceux que l'on appelait autrefois des curieux, de dire si le temps écoulé a été bien employé! Dans tous les cas, à une époque comme la nôtre, où les événements marchent si vite et où les souvenirs s'effacent si rapide- ment, il peut sembler utile de consigner dès maintenant par écrit les faits et les circonstances d'une création intéressante pour la conservation des vestiges de l'an- cien Berry : c'est un chapitre de l'histoire locale contem- poraine qu'il importe de sauver de l'oubli. Quatre personnes ont coopéré à cette oeuvre, chacune dans une mesure différente : Claude-Denis Mater, qui en a été le fondateur certain et incontesté, Alphonse 190 LE MUSÉE OE BOURGES Charmeil, qui lût son collaborateur puis son successeur, Alphonse Mater et enfin celui qui écrit ces lignes, que les circonstances ont appelé à continuer ce qui aA'ait été commencé par les chefs de sa famille. Ce dernier peut-il, avec le nom qu'il porte et les liens qui le rattachent aux ouvriers de la première heure, essayer d'être l'historiographe du Musée, le lecteur en •jugera, mais ce qui va suivre, s'il n'offre pas toutes les garanties d'impartialité qu'exige l'histoire, aura son inté- rêt à titre de document ou de mémoires personnels, en fournissant des renseignements peu connus et souvent inédits sur une institution, dont l'importance est dès maintenant assez grande pour mériter que son passé soit retracé avec détail. Malgré tout ce que pouvait avoir de téméraire de sa part une pareille entreprise, il a semblé, et c'est là l'ex- cuse de l'auteur, qu'il se trouvait par la force des choses, dépositaire sur le Musée de Bourges de trop de docu- ments, de souvenirs et même de traditions de famille, pour qu'il ne fût pas de son devoir d'empêcher qu'ils ne tombent entièrement en oubli. Et si on lui reprochait d'avoir voulu en même temps élever un monument à la mémoire de son aïeul, il accepterait volontiers une cri- tique qui lui montrerait que l'on a compris le pieux et filial sentiment auquel il n'a rien fait pour se soustraire, lorsqu'il écrivit la présente notice. Bourges, 20 juillet 1905. DANIEL MATER. I Le Muséum de Bourges (1791-1802). La fermeture d'un nombre considérable d'églises et de couvents, la saisie de tous les objets mobiliers qu'ils renfermaient ou qui se trouvaient dans les palais et les châteaux mis sous la main de la Nation, pouvaient per- mettre de former des collections merveilleuses, qui eus- sent conservé à la France nouvelle les richesses artisti- ques qui avaient jeté un si vif éclat sur la monarchie. Mais le goût si répandu de nos jours des objets d'art et de curiosité, existait à peine à la fin du xvme siècle, et l'on n'envisageait guère l'utilité de la création de musées, ou, comme on disait alors, d'un Muséum, que comme une sorte d'accessoire à la constitution des bibliothèques publiques, sur lesquelles se portaient surtout l'attention des corps administratifs. Il faut ajouter que les mesures législatives prises pour assurer la formation de collections artistiques étaient mal conçues et se ressentaient de la nouveauté de la question ; elles se heurtèrent à de nombreuses disposi- tions contraires, aux nécessités impérieuses du moment, et, il faut le dire, à un mouvement général des esprits. On considérait alors comme un devoir patriotique de détruire tout ce qui rappelait, suivant le langage du temps, le despotisme ou le fanatisme, proscription qui 13 192 LE MUSÉE arrivait à atteindre presque tout ce que la France ren- fermait de beau et d'intéressant. Il semble, en effet, difficile de concilier l'intention de former des collections publiques d'objets d'art avec un état d'âme, grâce auquel, pour ne citer que quelques exemples, les chefs-d'oeuvre d'orfèvrerie religieuse de la Cathédrale et de la Sainte-Chapelle étaient systématique- ment brisés pour être envoyés à la Monnaie ; les tombeaux de Jean de Berry, du maréchal de Montigny et des Lau- bespine, à la Cathédrale, étaient détruits et enfin, où, pendant des mois, des ventes à vil prix dispersèrent quantité d'objets précieux, meubles, tapisseries, ta- bleaux, notamment des oeuvres de Jean Boucher, comme le proclamait Grégoire, dans le rapport sur le venda- lisme qu'il adressait à la Convention, le 24 frimaire an m, rapport dans lequel il signalait la vente faite à Bourges de nombreuses peintures du maître berruyer. Il ne semble pas nécessaire de rappeler les diverses mesures que prirent successivement le pouvoir législatif et les autorités locales, pour réaliser la formation, à Bourges, d'une Bibliothèque et d'un Musée, destinés à constituer un seul et même établissement : ces mesures étant les mêmes pour les deux créations, on saura, en se reportant à l'exposé très complet que M. Boyer en a lait pour la formation de la Bibliothèque (1), comment, dans la circonstance, on procéda pour former un Musée; les résultats obtenus sont, à. vrai dire, plus intéressants à connaître. Un Inventaire des tableaux el gravures d'art ou science déposés au district de Bourges, dressé le 13 frimaire an iv (3 décembre 1795), par le citoyen Champion, gardien du (1) H. BOYEII, Histoire des imprimeurs el libraires de Bourges, suivie d'une notice sur ses bibliothèques, p. 69 et suiv. DE BOURGES 193 Muséum (1), contient 45 numéros, comprenant en tout 100 objets : 84 gravures, 5 peintures, dont 2 de Jean Boucher et 1 de Philippe de Champagne, 1 dessin original de Huet, 81 gravures, 3 boussoles, 2 lorgnettes, 1 lunette, 1 atlas et 3 boîtes de remèdes, singulier amalgame, qui n'avait rien de très artistique. Pour comprendre combien ce résultat était pitoj'able, il suffit de se rappeler les cir- constances véritablement uniques qui se présentaient alors pour la création d'un Musée. Malgré l'échec de la tentative, dès ce moment certain, il est bon de conti- nuer à la suivre jusqu'à la fin. En 1795, on fonda à Bourges une Ecole centrale, éta- blissement d'instruction qui procédait plutôt de la faculté, telle qu'on la comprend aujourd'hui, que du collège et autour de laquelle se groupaient une Biblio- thèque et un Musée, en un mot tout ce qui pouvait faci- liter les études, permettre à la jeunesse d'augmenter ses connaissances et de développer son goût. Lalcanal, le célèbre réorganisateurdu système d'éducation de la Répu- blique, venu à Bourges le 26 floréal an m (13 mai 1795), pour la formation du Muséum, adressa aux habitants une proclamation, dans laquelle se trouve la plus éner- gique condamnation que l'on puisse désirer du van- dalisme révolutionnaire et qui, en même temps, faisait ressortir l'utilité de la création à laquelle il venait pré- sider. Voici ce document : Proclamation de Lakanal, représentant du peuple, chargé de l'exécution des lois sur l'Instruction publique, à ses concitoyens du département du Cher : « On vous a peint toutes les horreurs du vandalisme, il » s'agit aujourd'hui de réparer les dévastations. Quand le (1) Arch. Cher : Q. 309. — L'Etat de l'an iv sera publié aux pièces justificatives. 194 LE MUSÉE » seul asile où la liberté puisse se retrancher contre latyran- » nie a été battu en ruine, nous contenterions-nous de pleu- » rer sur ses débris ? Non, il faut qu'il se relève avec plus de » majesté et que la lumière qui en sortira vivifie à jamais nos » moeurs et la République française ? » Quand l'incendie ou quelque événement imprévu avait » autrefois détruit un temple de l'erreur, avec quel zèle » chaque citoyen s'empressait d'en relever les amas et d'en » rétablir les splendeurs aux dépens de ce qu'il avait de plus » précieux. Le vandalisme, plus actif que la flamme, a dé- » voré jusqu'aux débris des constructions qui servaient » d'asile aux sciences. Eh bien ! que l'on voie s'allumer parmi » vous une généreuse émulation ! Quel est celui d'entre vous » qui ambitionnera la gloire d'avoir posé la première pierre » de l'édifice auguste que nous allons construire. » Les objets que nous réclamons languissent isolés dans » l'enceinte de divers cabinets particuliers. Ge n'est que par » leur réunion qu'ils peuvent acquérir une grande utilité. » Dans un établissement public, ils sont sans cesse exposés » aux regards du génie qui s'éveille à leur aspect, s'en empare » et par leur secours développe bientôt toutes les facultés. » C'est dans un Muséum rayonnant de tous les chefs-d'oeuvre » actuellement épars, que le jeune talent s'écrierait encore : » Et moi aussi je suis peintre. » ARRÊTE : Le représentant du peuple, ouï le rapport de uploads/s3/ mater1905-musee-bourges.pdf

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