1 Mío, tuyo, suyo, cuyo, un paradigme ? Introduction On a traditionnellement co
1 Mío, tuyo, suyo, cuyo, un paradigme ? Introduction On a traditionnellement coutume de classer lesdits « possessifs »1 en deux paradigmes distincts : une série proclitique, courte, atone et une série tonique, longue. Le relatif cuyo quant à lui est souvent nommé « relatif possessif » par les linguistes contemporains car il peut référer à une idée de possession, d’appartenance2. Cela dit, les manuels traitent des « possessifs » et de cuyo séparément en les classant chacun dans un système différent3. Pourtant, nombreux sont ceux qui clament l’idée d’un concours analogique de cuyo dans l’évolution de tuyo et suyo. C’est au milieu de ce paradoxe, que nous nous proposons d’étudier dans la diachronie les différentes fonctions de cuyo et des « possessifs » et que nous tenterons de répondre à quelques interrogations : les « possessifs » et cuyo ne peuvent-ils référer qu’à une idée de possession ou d’appartenance ? Qu’est-ce qui, historiquement, réunit tant sur le plan formel que sémantique ces déterminants ? Si des points communs sont notables, dans quelle mesure cela se vérifie-t-il dans le discours actuel ? Existe-t-il un autre mode de (re)classement des « possessifs » et de cuyo ? Il convient, pour analyser ces problèmes, de retracer les évolutions parallèles de cuyo et des « possessifs » dont nous nous attacherons à démontrer les dérivations discursives. En effet, elles apparaissent révélatrices d’un rapprochement sémiologique entre lesdits déterminants. Il sera question, par la suite, d’étudier dans une perspective plus synchronique comment ces relateurs restent corrélés par des capacités référentielles communes : notamment pour évoquer l’appartenance, la dépendance ou l’origine. Pour finir, nous proposerons un autre classement basé sur le signifiant des « possessifs » et cuyo pour en déduire l’axe phono-sémantique qui fédère ces déterminants. I] Perspective diachronique : vers un rapprochement sémiologique de cuyo et des « possessifs » toniques. 1] Etymologies des « possessifs » toniques et du relatif cuyo : rapport sémiologique « possessifs » / cuyo. Eloignement morphosyntaxique de deux séries de « possessifs ». 1 Nous avons choisi cette terminologie souvent trop « étroite » dans un souci de commodité. Il s’agira ici des deux séries atone et tonique. Des appellations plus précises seraient « articles personnels » (Damourette et Pichon, Moignet) et « adjectifs personnels » (Schmidely). De plus, nous ne nous attacherons pas tant à la relation personnelle des « possessifs » qu’à leur rapport sémantique avec cuyo. 2 Notamment la linguiste espagnole Bruna Radelli dans son article « Los posesivos en español » in Nueva Revista de Filología hispánica, XXVII, 2, México, 1978, pp. 235-257. Andrés Bello (1988 : 657) parle même de « el posesivo cuyo ». 3 Une exception est cependant notable : José María Brucart les met sommairement en relation et écrit dans la Gramática descriptiva de la lengua española (vol. I, 1999 : 501) : « El adjetivo cuyo pertenece simultáneamente al paradigma de los relativos y al de los posesivos. » halshs-00671192, version 1 - 16 Feb 2012 2 Les « possessifs », aux personnes « simples » notamment, ont été l’objet de plusieurs processus d’analogie à l’instar des autres signifiants personnels. Formes courtes des personnes homogènes4 MEU(M) > meo > mio > mi (influencé par la forme féminine5) MEA(M) > mea > mi(a) / mi(e) > mi TUU(M) > tuo > to > tu (influencé par la forme féminine) TUA(M) > tu(a) / tu(e)> tu SUU(M) > suo > so > su (influencé par la forme féminine) SUA(M) > su(a) / su(e) > su Formes longues MÉU(M) > mieo6 / meo (latinisme) > mío MÉA(M) > *miea / mea (latinisme) > mía TÚU(M) > túo > tuyo TÚA(M) > túa > tuya SÚU(M) > súo > suyo SÚA(M) > súa > suya Se pose alors la question de l’épenthèse de ce yod car les formes actuelles des « possessifs » longs ont été influencées. Influence qui a été motivée certainement par des mobiles divers. Certains linguistes parlent pour expliquer ce yod d’une nécessité de rompre l’hiatus plus évident aux formes féminines entre l’u et l’a. Ces formes féminines auraient ensuite influé sur les formes masculines. Il peut aussi plus simplement s’agir d’une analogie paradigmatique de la personne de rang 1, mío [míjo], qui contient étymologiquement le yod. Cette analogie de la première personne est un fait linguistique courant dans les signifiants personnels ou dans le syntagme verbal. Cela dit, malgré la pertinence de ces hypothèses, une autre est à envisager sérieusement. On a souvent évoqué l’influence analogique de cuyo, formellement et sémantiquement proche des formes longues des « possessifs ». Après en étudier l’étymologie, nous analyserons leurs affinités phono- sémantiques, éléments nécessaires à l’analogie. Etymologie de cuyo Evoquons tout d’abord le « double étymon » de cuyo qui explique en partie ses différentes fonctions : Il procède du génitif latin de forme épicène CUJUS. De là est issu le pronom relatif complément du nom. (1) « Bucina cujus signum provocavit pugnam » (« la trompette dont le signal provoqua le combat » ; exemple de Benaben, 2002 : 127) 4 Nous n’évoquons pas ici les « possessifs » des personnes hétérogènes qui ont moins d’intérêt pour le présent travail. 5 Les lois de la phonétique espagnole interdisant l’apocope d’un o, c’est la thèse de l’analogie qui est ici privilégiée. 6 Menéndez Pidal (1968 : 256-257) a attesté une forme en léonais occidental accréditant cette hypothèse. halshs-00671192, version 1 - 16 Feb 2012 3 Une autre origine de cuyo dérivant de la première est à constater. Il s’agit de l’adjectif relatif variable en genre et en nombre CUJO, CUJA, CUJUM qui servait à exprimer l’appartenance. (2) « Pagensis cujum pecus est » (« le paysan dont c’est le troupeau / à qui appartient le troupeau ; exemple de Benaben, ibid.). Ainsi, cuyo a hérité les deux fonctions. Proposons dès maintenant une approximation de ce que pourraient être le signifié de chacun de ces déterminants : Cuyo « Possessifs » _Relation d’une entité A et d’une entité B _Relation d’une entité A et d’une entité B _Expression, précision du rang personnel. En effet, Marie-France Delport dit du « possessif » qu’il « pose une relation personnelle. Une relation qui, du point de vue référentiel, embrasse potentiellement la totalité des êtres du monde en relation avec la personne concernée. »7 Cela représente ce qui le différencie du relatif cuyo. Mais avant d’insister sur les différences, relevons leurs ressemblances fonctionnelles. 2] Cúyo interrogatif et cuyo relatif Les emplois de cúyo interrogatif Au siècle d’Or, sont apparus des emplois de cuyo qui rapprochent ce déterminant des « possessifs ». En effet, du Moyen Age au XVIIIe siècle en Espagne existait le pronom interrogatif et cataphorique cúyo. Ainsi, au même titre que les autres relatifs, cuyo avait son équivalent au mode interrogatif. Benito de San Pedro, un grammairien du XVIIIe siècle, déclare dans la partie consacrée aux « possessif »: « [cuyo] se usa […] para preguntar de la propiedad de la cosa como diciendo : ¿Cúya es la casa ? _Mía, tuya, suya », cuanto para enlazar dicha propiedad de una cosa con otra como diciendo : El árbol que nace es de aquel, cuyo es el suelo donde nace »8. Il mettait donc déjà l’accent sur les affinités sémantiques entre les « possessifs » et cuyo. On peut trouver maints exemples de cúyo interrogatif : (3) XVIe siècle « Tu dulce habla, ¿en cúya oreja suena ? (Garcilaso de la Vega, Égloga I cité par Cuervo, s.v. Cuyo). (4) XVIIe siècle : « ¿y cúyos eran sus cuerpos sino míos ? y ¿con quién me sustentaba sino con ellos ? » (Cervantes, Quijote, II, 26 cité par Cuervo, ibid.9). Dans ce dernier exemple, la corrélation est évidente. On peut, en effet, répondre à ces questions par un « possessif » tonique. Il s’établit alors un parallélisme avec l’interrogatif ¿quién(es) ? auquel on peut rétorquer par un pronom personnel. Exemple : ¿Quién vino a casa ? - Él 7 Delport (1996 : 222) 8 SAN PEDRO, Benito de, Arte del romance castellano dispuesta según sus principios generales i el uso de los mejores autores, Valencia, Arco / Libros S.A., vol. I, 1769, p. 166 cité par Martínez Alcalde (1996 : 50, note 27). 9 On trouve également des emplois de cúyo interrogatif indirect : « Conviene que se sepa cúya hija es, y qué descendencia tiene » (Quevedo, Peste…, in Cuervo, ibid.) halshs-00671192, version 1 - 16 Feb 2012 4 Interrogatifs Signifiants personnels Quién(es) Yo, tú, él… Cúyo Mío, tuyo, suyo… Chacun des interrogatifs possède donc son corrélat personnel. Il est intéressant de constater en outre que l’emploi de cúyo interrogatif existe encore au XXe siècle dialectalement comme nous le précise Corominas10. On en retrouve également quelques occurrences dans le langage poétique, notamment chez Antonio Machado : (5) « ¿Cúya es esta frente ? ¿Cúyo este mentón azulado ? » (A. Machado, Cancionero apócrifo cité par Bedel, 2002 : 318) On remarque alors une syntaxe identique à celle des « possessifs » toniques en position uploads/s3/ mio-tuyo-suyo-cuyo-un-paradigme.pdf
Documents similaires
-
27
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jui 02, 2022
- Catégorie Creative Arts / Ar...
- Langue French
- Taille du fichier 0.3269MB