SAVOIRS par Benoât Rittaud la décomposition • our1er Si le son était un puzzle,

SAVOIRS par Benoât Rittaud la décomposition • our1er Si le son était un puzzle, ses pièces en seraient des sinusoïdes. Telle est e1 substance la découverte de Fourier qui, au dix-neuvième siècle, établi l'un de résultats les plus importants de l'analyse moderne.  l'aüle de la décomposition de Fourier, la technologie numérique peut entrer en scène pour reconstituer de la musique à partir de nombres. E NTRE LES DEUX DESSINS SUIVANTS quel est celui qui vous paraît objectivement le plus simple ? Comme tout le monde, vous pensez sans doute que c'est la droite et, jusqu'au dix-neuvième siècle, il ne se serait pas trouvé grand monde pour vous contredire. Descartes lui-même, qui, avec son repère carté­ sien, comprit le premier l'importance qu'allait prendre l'étude des fonctions, ne jurait que par les droites, les paraboles et autres polynômes, c'est­ à-dire les graphes donnés par des équations telles que y = x5 + 2x3 + x + 1. La limitation intellectuelle qu'il imposait à la géométrie analytique ainsi créée pouvait s'expli­ quer en partie par une raison bien simple : si com­ pliquée que soit l'expression x5 + 2x3 + x + l, elle ne met tout de même en jeu que deux types d'opération : l'addition et la multiplication. Il n'y a pas moyen, en revanche, d'exprimer à l'aide des quatre opérations une sinusoïde, qui se définit à l'aide de notions trigonométriques (cf. encadré). La notation utilisée, y = sin(x) (pour sinus) est là pour en témoigner: vous pensez bien 8 Tangente H. S. n° 11 Février 2002 que si l'on savait ramener le sinus à quelqt chose de plus simple, on ne s'en priverait pas. Le compliqué deuient le plus simple Bref, lors qu'il semblerait donc que les sinus- oïdes soient à ranger dans la catégorie des courbes irrémédiablement compliquées aux- quelles on ne se réfère que lorsqu'on ne peut pas faire autrement, la théorie de Fourier renverse complètement ce point de vue et place la fonction sinus (et ses sœurs) au cœur d'un dispositif mathématique, les séries de Fourier, qui permettent d'exprimer toutes les autres fonctions (ou presque) à partir d'elle(s). Considérons la courbe suivante, qui peut être celle d'un signal sonore 4 -2 -4 Celle-là, on accepte facilement l'idée qu'elle est constituée de sinusoïdes. Si on lui superpose SAVOIRS, fréquence, période L'unité de mesure des angles (au moins en mathématiques) est le radian, qui est la mesu­ re de l'arc de cercle délimité par A et M pour un cercle de rayon ! (voir encadré précé­ dent). La formule classique S = 27TR implique que l'angle plein mesure 27T radians. Lorsque M a fait un tour complet (c'est-à-dire que l'angle fJ est de 27T radians), le calcul du sinus repart de zéro : plus mathéma­ tiquement, on dit que le sinus est périodique de période 27T, autrement dit que, pour tout angle 0, on a : sin(fJ) = sin(fJ - 27T). Sur le dessin d'une sinu­ soïde, cela se traduit par le fait que lorsqu'on le décale de 21Tvers la droi­ te ( ou vers la gauche, ; d'ailleurs), on retombe ' sur la même courbe. Dès que la fonction/ est périodique, un chan- ! geħent d'échelle Ĩeut toujours ramener a une fonction de période 27T 1 ( : on pourrait prendre 1 une période 1 mais, en ' pratique, ça ne simplifie ! pas les expressions : ' dans la théorie de Fourier, quoi qu'on fasse, il y a toujours du 27T quelque part). Par : définition, on appelle · fréquence de/l'inverse de la période : pour le , sinus, la fréquence est donc de l/27T. En physique, l'unité de fréquence est Je Hertz (noté Hz), qui est l'in­ verse de la période elle­ même mesurée en · secondes (1 Hz corres- pond ainsi à « 1 tour par seconde », 2 Hz à « 2 tours par seconde », etc. cette formule pour trouver les valeurs des b,, d'une fonction/ donnée. Ceux qui connaissent déjà Fourier s'étonneront peut-être de l'absence de nos amis les cosinus : à eux je réponds qu'on se contente ici de regarder des fonctions impaires d'intégrale nulle, et que les choses sont déjà assez compliquées comme ça. Un signal sonore est souvent constitué d'une somme finie de sinusoïdes. Ce qui précède est donc bien adapté pour réaliser une analyse du son : si/ est envisagé comme un signal sonore, les valeurs 1, 2, 3, 6 et 10 que l'on retrouve comme coeffi­ cients de x dans l'expression f (x) = 3sin(x) + sin(2x) + 2sin(3x) + sin(6x) + sin(!Ox) , et qui correspondent à des fréquences, sont les harmoniques, c'est-à-dire les multiples de la fré­ quence fondamentale, celle du signal/ lui-même (1/277, en l'occurrence). Signaux tordus Mais c'est pour des signaux plus compliqués que la théorie de Fourier prend véritablement son sens. Prenez un bout de courbe, et prolongez-le de manière périodique. Le bout que vous voulez, tracé avec votre crayon ou votre ordinateur. (Enfin tout de même : ne soyez pas trop mathé­ maticien dans votre manière de tracer, vu que ces A -1 2 B -1 1t 21t y= - sin(x) 1T Décomposition de Fourier drôles de raisonneurs ont toujours assez de tours pathologiques dans leur sac pour faire échouer plus beaux théorèmes.) Par exemple, la fonction constante par morceaux représentée en A. Là, en-dehors du caractère périodique de la cour be, on ne voit pas bien le rapport entre ce signal dit « -créneau » et une sinusoïde bien lisse. Et pourtant : pour ce graphe aussi, la recette de Fourier s'applique. Le seul problème, c'est que la décomposition ainsi obtenue est constituée d'une somme d'une infinité de termes. Plus on en pre1nd plus on s'approche de la« vraie» courbe, ce qui fait qu'en pratique, on peut bien se contenter des premiers (dessins B, C, D). C'est ainsi qu'un signal à peu près quelconque peut se « coder » par les valeurs b,, ; la technologie numérique peut alors entrer en scène pour reconstituer de la musique à partir de nombres. Pour mémoire, notons que Fourier lui-même a créé sa théorie pour répondre à des problèmes de propagation de la chaleur, qui n'avaient rien voir avec le signaux sonores ; ce qui prouve une fois de plus que non seulement « la science n'a pas de patrie », comme disait Pasteur, mais qu'en plus elle n'a pas non plus de frontières disciplinaire hors de celles que nous autres pauvres humains trouvons utile de lui attribuer pour la faire avancer ... B. 31t 41t -2 2 C 4 4 y = - sin(x) + -· - sin(3x) -1 -2 2 -1 -2 1T 31T 1t 4 4 4 4 4 D y= 1T sin(x) + 31T sin(3x) + S1r sin(5x) + 777 sin(7x) + 91T sin(9x: o Tan.gente H. S. n° 11 Février 2002 uploads/s3/ musique-et-mathematiques-3-fourier.pdf

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