Mickaël PARISI NEANT Ce livre a été écrit avant les événements tragiques du 13

Mickaël PARISI NEANT Ce livre a été écrit avant les événements tragiques du 13 novembre 2015. « Encore à l’heure actuelle, les gens ne sont pas prêts à accepter le fait que les artistes aient une sensibilité différente qui leur permet de voir des choses qu’ils ne voient pas eux-mêmes, qu’ils n’imaginent pas exister, alors qu’elles sont là, dehors, sous leurs yeux ! » Hubert Selby Jr. 1 Lazare « Qui mange seul s’étrangle seul. » Proverbe arabe Le plus grand risque du suicide n’est pas de mourir, mais de se louper… J’ai souvent songé à mettre fin à mes jours. Une obsession qui rongeait mes nuits. Mais j’ai repoussé à maintes reprises l’échéance de ma déchéance. Il est dit, par la pensée commune, que se suicider c’est être lâche. Alors comment peut-on définir une personne qui désire fortement mettre fin à ses jours, mais qui finalement est trop lâche pour se foutre en l’air ? Je suis donc quelqu’un de trop lâche pour être complètement lâche. On peut également introduire dans le domaine du suicide la notion de courage. En effet, d’après Maupassant, le suicide est le sublime courage des vaincus. J’avais envie de me suicider car je n’avais pas le courage de vivre. Et pour tout dire, je n’avais pas non plus le courage de mourir. J’ai toujours voulu jeter l’éponge, pour ensuite la récupérer. Au final, tous mes projets, quels qu’ils soient, étaient voués à l’échec, même mon suicide. Ma lâcheté est donc doublée d’un autre symptôme, et pas des moindres : la peur de l’échec. En effet, l’équation était on ne peut plus simple : J’avais déjà foiré ma vie ; J’avais donc peur d’également foirer ma mort. Je voulais quelque part devenir Dieu ; décider du droit de vivre ou de mourir. Je voulais tout contrôler même le moment de ma mort. Hors de question de me laisser surprendre par la faucheuse ; c’est moi qui voulais lui faire une sale blague. De plus, ironie du sort, les artistes les plus intéressants étaient souvent des suicidés : Ernest Hemingway, Hunter S. Thompson, Kurt Cobain, Romain Gary, Primo Levi, Stefan Zweig, Vincent Van Gogh, Ian Curtis, Yasunari Kawabata, David Foster Wallace… En résumé et en terme artistique, un artiste qui se suicide = valeur ajoutée à son œuvre. Au final, j’étais comme les petites catins qui s’intéressent à un mec juste parce qu’il est tatoué ; moi je m’intéressais à un artiste juste parce qu’il s’est mis un canon de fusil dans la bouche. Le suicide est un produit marketing. La mort en général même. Néanmoins, un mec lambda qui se suiciderait serait considéré soit comme un pauvre gars, soit comme une fiotte. Deux poids, deux mesures. Difficile de m’imaginer me suicider par éventrement à la Yukio Mishima. J’étais allergique à la douleur. Hors de question de me scarifier, de m’ouvrir les veines, de me poignarder ou même de me pendre. Je n’étais pas prêt à souffrir pour mourir. Je n’étais pas non plus prêt à souffrir pour vivre. L’indécision me laisse en vie, par défaut. Je souffre de claustrophobie, d’agoraphobie, de glossophobie, de scopophobie, d’onychophagie, de misanthropie, de scopophobie, d’obstination maladive à la procrastination pouvant mener directement à mon annihilation. Si Dieu m’avait donné le talent d’être écrivain, je serais sûrement atteint de leucosélophobie. Plus tard, je vais sûrement souffrir de gérascophobie. Mais Dieu merci (oui, encore lui), je ne souffrais pas de phobies débiles telles que l’ornithophobie, l’hylophobie, la chicléphobie, la coulrophobie, l’Hexakosioihexekontahexaphobie ou encore la Carpophobie. Et comme vous l’aurez compris, je ne souffre pas de thanatophobie. Du moins, l’idée de mourir ne me dérange pas. Franchir le pas, c’est autre chose. Le drame ultime pour un être humain serait d’être pantophobe, c’est-à-dire avoir peur de tout, puisque la personne aurait peur de la vie et tout ce qu’elle contient et de la mort. Il n’aurait donc aucun moyen de se suicider. Suis-je au final pantophobe ? Mais je n’avais pas spécialement de réelles raisons de me suicider. Pas de traumatisme d’enfant, pas de rupture atrocement douloureuse, pas de séquelles physiques qui auraient faire de ma vie un enfer au quotidien. Rien de tout ça. C’est juste le néant qui me menait sur cette voie. Le vide m’habitait. Je voulais mourir pour me sentir vivant. Je me demandais ce qui poussait les gens au 21ème siècle à se mettre une corde autour du cou. Alors j’ai carrément postulé pour travailler au standard de « Suicide Ecoute » mais malheureusement ma candidature n’a pas été retenue. Ont- ils relevé chez moi de la téléphonophobie ? Quelles phobies n’ont pas de termes inventés ? La peur d’avoir inventé le monde dans lequel nous vivons (solipsophobie), la peur des otaries (phocacésophobie), la peur des Pakistanais (qaumitaranaophobie), la peur du Christ (christianophobie), la peur des heures jumelles genre 3h33 (similochronophobie), la peur de n’attirer aucune femme même en étant un écrivain de génie (houellebecqophobie), la peur des pin’s (hasbeenophobie), la peur des sèche-cheveux (cloclophobie) et enfin la peur de la peur… Mais je m’égare… Ce monde m’a rendu trichotillomaniaque. Parfois, je repensais à ce jeu vidéo merdique du début des années 90 : les Lemmings. Il fallait empêcher des petits bonhommes écervelés aux cheveux verts de se suicider. J’y ai joué des heures et des heures étant petit. J’ai appris quelques années plus tard qu’il existait vraiment un animal appelé Lemming, une sorte de petit rongeur qui se déplace en masse lors des migrations. Beaucoup de Lemmings tombent des falaises suite à des bousculades entre eux, où se noient suite à des tentatives désespérées pour traverser des rivières. Je n’étais pas un lemming. Car jamais je ne tenterai de traverser la rivière. Alors j’ai cherché le moyen de passer par dessus. Je suis né pour mourir. Si je me force à vivre, je pourrais bientôt mourir, c’est possible… Mais c’est comme dire à un futur pendu que c’est dans ses cordes. Je savais que je pouvais m’évanouir en un seul clic. D’une simple pression sur une gâchette. Mais je n’avais pas le goût à aller chez un armurier. Nous n’étions pas aux States après tout, et il aurait fallu passer par le trafic parallèle en banlieue, et ça m’épuisait rien que d’en parler. Puis même en me tirant une balle dans la bouche ou dans le cœur, j’étais capable de survivre. Je rêvais tellement de supprimer ce monde de ma tête… Solipsisme. Je rêve tellement d’avoir tout inventé. D’être l’abruti qui a tout crée. Et après tout, quelle preuve avais-je attestant que le monde qui m’entourait existait REELLEMENT ? On ne voit les étoiles que lorsqu’elles meurent ; je voulais me faire remarquer. J’ai donc sombré peu à peu dans la tentation de l’autodestruction. J’ai tenté de relativiser mais rien n’y faisait. Au final, ma vie a été sauvée par le fait que je ne sois rien d’autre qu’une fiotte. Ma santé mentale partait en couilles. Et mes couilles se mettaient à réfléchir. Rien n’allait au final. Ma finalité était de mettre un point final à toute cette mascarade. Et un jour, tout a basculé. J’ai rejoint une société secrète. J’ai fait croire à tout le monde que j’étais décédé. On m’a aidé à maquiller ma mort. A quitter la société. A disparaître de tout fichier. A être libre. On m’a donné l’occasion de réellement VIVRE. Conclusion : je suis mort ! J’ai quitté ce monde. Game Over. Comme on dit, j’ai rendu mes clés. Je n’attendais pas l’absolution. J’avais trouvé la plus tordue des solutions, certes, mais une solution quand même. J’ai donc été assez pervers pour assister à mon propre enterrement. Privilège ultime. Il n’y’avait là ni récit de l’au-delà, ni introspection, ni rien qui puisse dépasser les différentes lois métaphysiques. Mort et vivant à la fois : j’étais le chat de Schrödinger. J’ai été officiellement tué par un sociopathe surnommé sobrement « Le Pyromane ». Un espèce de timbré qui s’amusait à cramer des endroits divers de la ville pour une raison que lui seul connaît. Je suis donc censé être mort carbonisé dans la baraque d’un magnat du pétrole. Mon décès présumé et les morts de 77 autres personnes ont fait la une des journaux, et a été relayé en masse sur les réseaux sociaux. Le drame a ému tous les habitants de la région. Mon quart d’heure de gloire n’arrivera donc jamais officiellement, puisque je ne suis qu’un mort parmi tant d’autres. Un mec qui s’immolerait devant le Pôle Emploi, lui, aura le droit à quelques lignes sur lui, un instant éphémère de gloire. Que dalle pour moi. Ce pays ne sacralise que les criminels ou les martyrs. Ils sont en une des journaux. Quant aux victimes lambda, elles sont à peine évoquées. Mais là n’est pas le sujet. Il était difficile d’expliquer la jubilation malsaine que j’ai eu lorsque j’ai amorcé mon retrait du monde. * Comment oublier le jour de sa mort ? J’ai évidemment mis plusieurs réveils pour ne pas être à la bourre le jour de mon enterrement. uploads/s3/ neant-french-edition-mickael-parisi.pdf

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