""""' - - a ImproVIser - au p1ano 112 Non, vous ne serez; pas un improvisateur

""""' - - a ImproVIser - au p1ano 112 Non, vous ne serez; pas un improvisateur accompli après avoir lu cet ar· ticle ! Cependant, les quelques réflexions et exercices que nous vous pro· posons ici vous permettront d'aborder votre clavier d'une fa~on diffé· rente que lorsque vous iouez; de la musique écrite. Sans doute aurez-vous envie, par la suite, de revisiter vos classiques ••• L 'IMPROVISATION AU PIANO est une forme de composition spontanée. Elle requiert donc tout d'abord quelques connais- .. •·· sances théoriques indispensables, et aus- si un minimum de technique pianistique : indépendance des mains, connaissance du clavier, pra- tique de styles musicaux diversifiés ... Il faut avoir une excellente oreille, et enfin, plus que tout, un état d'es- prit très particulier, très ouvert. Les grands improvisateurs. Pour la musique classique, les grands improvisateurs sont les organistes. Ils énon- cent le thème proposé, le développent, le présentent de différentes façons, l'harmonisent, le décalent, choi- sissent des rythmes différents, des registres ou couleurs nouvelles ... Ils improvisent dans le cadre de règles du jeu strictes, permettant un minimum de fantaisie. Les musiciens de jazz sont évidemment avant tout des improvisateurs. En "jazz classique", ils reprennent en général le thème d'une chanson connue, un standard, puis le développent dans une structure qui reproduit cycliquement la même forme que celle du thème ini- tial; il s'agit donc d'une forme de variation assez évo- luée. Dans le jazz, les formes ou structures sont en gé- néral plutôt simples; elles comportent souvent un re- frain et des couplets, l'ensemble étant fréquemment de trente-deux mesures; le blues est de forme très simple, souvent de douze mesures, comportant alors trois sé- quences de quatre mesures. Il est bien sûr tout à fait possible d'improviser sur des formes encore plus élémentaires, par exemple de deux mesures seulement, chacune s'appuyant harmonique- ment sur un seul accord. Autour de ces formes simples, l'improvisateur peut réaliser de multiples variations. Le pianiste Bill Evans avait réalisé en 1957 une composition/improvisation, Peace piece, bâtie autour de deux accords; Miles Davis, l'ayant entendue, a engagé le pianiste dans son groupe, sur le champ! •••f ... 1998-99 1 PIANO no 12 .JAZZ Cette approche, apparemment très simple. demande en contrepartie de grandes qualités inventives pour di- versifier le propos musical. Improviser, c'est l'art de raconter musicalement des histoires en se renouvelant en permanence, en donnant à chaque chapitre ou paragraphe une couleur ou un ca- ractère spécifiques. On peut "faire du neuf avec du vieux", c'est-à-dire en puisant dans des clichés et en les assemblant de façon originale; c'est ici qu'une longue pratique musicale préa- "ÉTATS D'ESPRIT" D'IMPROVISATEUR lable- variée- sera ap- préciable. Un fil con- ducteur musical, ou leitmotiv, est bien sûr nécessaire pour main- tenir l'attention d'un auditeur lors d'une im- provisation (voir enca- dré ci-contre). 0 A la manière de ... Une bonne connaissan- ce et pratique des styles de chaque grand com- positeur ou courant mu- sical permettra de tenter de jouer "à la manière de ... ". Voilà une forme usuelle et très intéres- sante de variations. a Raconter une histoire. Pour improviser, il faut un état d'esprit similaire à celui de l'écrivain Ray- mond Queneau, dans ses fameux Exercices de style où la même petite histoire est racontée de plus de cent façons dif- férentes! Quelle imagi- nation, quelle richesse, et quelle folie 1 @Jeu de rôles? !.:im- provisateur pourra tenter de s'identifier à ces co- médiens qui participent à des concours d'impro- visation : mis en situa- tion, parfois délicate, ils doivent réagir instanta- nément et développer leur sens de la répartie immédiate et efficace, tout en se formant un personnage homogène et en imaginant une ligne directrice pour res- ter crédible. a L'esprit d'aventurier. !.:improvisateur doit avoir l'esprit "pionnier" ne pas hésiter à aller dans des terrains musicaux encore inexplorés ... Pour commencer : jouez simple ! Devant trop de libertés, le pianiste est très souvent bloqué devant son clavier. Il ne sait pas quoi faire ou, pire, comment com- mencer. A l'opposé, des règles du jeu trop contraignantes, ou des thèmes musicaux trop directifs ou trop précis permettent un démar- rage canalisé. mais sont souvent un frein à la créativité ultérieure. Pour débuter ce mini- apprentissage, le premier conseil est d'apprendre à jouer simple: on choisira donc une idée rythmique ou un motif mélodique très simple- aussi simple que Au clair de la lune ! On le jouera puis on fera varier et évo- luer très progressivement certains paramètres stric- tement musicaux que nous allons essayer de lister. Le motif sera joué en ne modifiant qu'un seul paramètre à la fois, pour mieux en appréhender l'importance et les effets de l'évolution de chacun d'eux, puis on fera varier plusieurs de ces paramètres en même temps. Ce sont, par exemple : 114 o les changements de nuances, du pianissimo au for- tissimo :jouer le motif dans chacune de ces nuances; s'il est joué à deux mains, on pourra s'exercer à déve- lopper son indépendance en jouant une main forte et l'autre pianissimo ou vice versa ... o les changements de registre (grave, médium, aigu ... ) :le motif sera joué sur toute l'étendue du cla- vier; les deux mains pourront être très rapprochées. ou bien séparées pour se situer en même temps dans les extrêmes graves et aigus du clavier. Ne pas hési- ter à élargir ainsi son jeu en prenant possession du clavier entier! o les changements de tempo, de mesure, de pulsa- tion : bien fixer le tempo au métronome. Puis le modi- fier, changer d'appuis ou de temps forts, modifier légèrement les figures de notes (jouer ternaire en transformant les croches égales en triolet noire/croche ... ) accélérer ou ralentir progressivement le tempo, de façon parfaitement contrôlée ... Si l'on hésite ou si l'on fait une erreur, il vaut mieux faire un blanc et continuer, que de reprendre ou essayer de se corriger; une rupture de pulsation dans une phrase musicale est instantanément perçue par tout auditeur, même non musicien ... o les changements de rythmes : d'un motif rythmique simple peuvent découler des centaines de motifs ryth- miques voisins ou similaires, disons "cousins germains". o le phrasé proprement dit (gestuelle pour attaques, mouvements des poignets, touchers, legato, staccato, portato, deux en deux, phrases courtes ou longues, mots musicaux, ponctuation musicale, respirations, maîtrise des silences et des durées longues ... ) ; tester différents choix de phrasés sur les mêmes motifs. o les changements de timbre (liés au toucher ou à la façon d'organiser des accords ... ). o le choix des formes des lignes mélodiques : le mo- tif initial sera transformé, déformé, de façon pro- gressive (dessin mélodique amplifié ou réduit, inver- sé, transposé ... ). Penser aux mouvements conjoints ou disjoints, aux arpèges linéaires ou brisés ... les ornements (appoggiatures, mordants ... ). Ils peuvent largement participer à l'évolution de la trans- formation d'un motif. o l'utilisation de doubles notes (en tierces, quartes, quintes, sixtes ... ) ou d'accords, de motifs parallèles, ou en miroirs, rétrogrades, décalés rythmiquement, en canon ... o l'harmonisation des mélodies; utilisation d'accords simples de trois ou quatre sons: recherche de conso- nances ou de dissonances, tentatives de renverse- ments plus harmonieux. On osera des accords plus riches ou plus fournis : neuvièmes, onzièmes, trei- zièmes ... , ou bien des accords altérés provoquant des tensions harmoniques fortes (quintes augmentées, neuvièmes mineures, septièmes majeures, notes "bleues" ... ), et même des clusters! Cette démarche nécessite toutefois une formation spécifique préalable et une bonne technique du piano. o le changement de mode: pourquoi ne pas se ris- quer à jouer une mélodie dans le mode mineur alors qu'elle est proposée en majeur? Risquer la poly- tonalité? ... o un jeu polyphonique contrôlé par la mise en évi- dence de notes principales ou de voix spécifiques ... On revient là au travail des inventions ou fugues de Bach. 1998-991 PIANO n"12 Savoir accompagner. Pour bien improviser, il est in- dispensable de savoir accompagner une mélodie : on peut transformer tout thème avec des accompagne- ments rythmiques correspondant à des danses. Il suf- fit d'étudier et de maîtriser ce que l'on appelle les pat- tems : motifs et principes mélodico-rythmiques qui ca- ractérisent chaque danse. C'est d'ailleurs un exercice passionnant que de pouvoir transformer telle chanson en valse, en polka, en tango, en rock and roll, en marche ! Il suffit d'adapter la mélodie à la mesure de la danse, ct de jouer selon le pattern spécifique à cette danse, un accompagnement s'appuyant sur les accords ou les marches d'harmonie de la chanson. Pour cela, il faut connaître les principes du chiffrage harmonique va- riétés/jazz dont nous avons donné un petit aperçu théo- rique dans Piano no 10 (Le Langage du jazz, p. 77). Un ouvrage comme Accompagner dans tous les styles, de Patrice Galas et Pierre Cammas est d'une aide pré- cieuse en ce domaine de l'accompagnement. Les pianistes qui accompagnent régulièrement des chanteurs de variétés, ou de jazz, qui leur demandent souvent de transposer, uploads/s3/ p12-jazz-apprendre-a-improviser.pdf

  • 27
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager