LE SACRIFICE DANS LA BIBLE Sa fonction théologique Alfred Marx In Press | « Par

LE SACRIFICE DANS LA BIBLE Sa fonction théologique Alfred Marx In Press | « Pardès » 2005/2 N° 39 | pages 161 à 171 ISSN 0295-5652 ISBN 2848350873 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-pardes-2005-2-page-161.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour In Press. © In Press. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Le plus souvent employé sous forme pronominale, le verbe «sacrifier» est généralement associé aux notions de dévouement, de renoncement, de privation d’un bien, et même de sa propre vie, et cela au service d’une cause, le martyre apparaissant ainsi comme la forme suprême du sacrifice. Cette conception implicite du sacrifice, centrée, non sur le destinataire, mais sur le sacrifiant, est aux antipodes de la définition qu’en donnent les historiens des religions qui caractérisent le sacrifice comme un rite cultuel par lequel un sacrifiant transmet un objet à une divinité, et donc le fait passer du domaine profane au domaine sacré. L’étymologie, quant à elle, rattache «sacrifier» au latin sacrificare, un composé de sacrum facere, faire un acte sacré 1. Avant même de décrire le sacrifice tel que le présente la Bible, il convient donc de commencer par clarifier la question des définitions. Ce point est d’autant plus important que, par un singulier retournement, l’acception profane est devenue, de fait, une clé d’interprétation inconsciente pour déterminer la fonction du rite cultuel et en a complètement faussé le sens. Selon la Bible, le sacrifice est, tout d’abord, un don fait à Dieu. Il fait partie de ce que la Bible qualifie de qorban, littéralement «rapproche- ment», un terme qui englobe toutes les formes d’offrandes à Dieu, celles qui sont détruites et lui sont directement transmises par combustion sur l’autel, celles qui sont versées au trésor du temple et celles qui sont desti- nées aux prêtres et réservées à leur usage. Parmi ces offrandes, seules les premières peuvent être qualifiées de «sacrifice» au sens strict du mot. Pour caractériser le sacrifice proprement dit, la Bible emploie, plus précisément, deux termes, qui sont complémentaires. PARDÈS N° 39 © In Press | Téléchargé le 06/06/2021 sur www.cairn.info (IP: 129.0.233.0) © In Press | Téléchargé le 06/06/2021 sur www.cairn.info (IP: 129.0.233.0) Le premier, le plus fréquent, est zèbach, un dérivé du verbe zabach, sacrifier, dont provient également mizbéach, autel. Utilisé, de même que zabach, dans un sens générique recouvrant toutes les formes du sacri- fice animal, ce terme désigne aussi le sacrifice de cyommunion, une caté- gorie de sacrifice où la matière sacrificielle est partagée entre Dieu, les prêtres, le sacrifiant et ses invités. Zèbach représente le sacrifice sous l’aspect du repas. Comme l’indiquent ses emplois profanes, zabach, c’est tuer un animal et l’apprêter de manière à pouvoir le consommer. On voit ainsi la nécromancienne d’Eïn-Dôr «sacrifier» un veau et cuire des pains, puis servir le tout à Saül et ses compagnons qui étaient venus chez elle pour évoquer l’esprit de Samuel (1 Sm 28, 24-25). «Sacrifier» désigne ici l’ensemble du processus de préparation du veau, depuis sa mise à mort jusqu’à sa cuisson 2. L’autre terme dont se sert la Bible est minchah, présent, tribut. Dans ses emplois profanes ce terme caractérise le présent que le sujet ou le vassal remet à son suzerain en signe d’hommage et de soumission. La rébellion, à l’inverse, se traduit par le refus d’offrir une minchah. Ainsi les opposants à l’élection de Saül, qui contestent sa capacité à libérer Israël de la domination philistine, refusent de lui apporter une minchah (1 Sm 10, 27) et le roi Osée, après son alliance avec l’Égypte, cesse de verser au roi d’Assyrie la minchah, le tribut annuel, auquel il était assu- jetti (2 R 17, 3-4). La minchah apparaît ainsi comme une marque de reconnaissance de la suzeraineté divine, un aspect sur lequel le Lévitique mettra tout spécialement l’accent. De là l’obligation faite à tout Israélite de se présenter trois fois par an devant son Dieu et de lui apporter un présent (Ex 23, 15b.17 // 34, 20b.23-24). Minchah, au sens étroit, désigne l’offrande végétale. Il ressort de ces différentes désignations que, selon la Bible, le sacri- fice est un don fait à Dieu, un don qui prend la forme d’un repas, zèbach, lequel est préparé à son intention en vue de l’honorer, minchah. Cette définition du sacrifice comme repas est corroborée par les indi- cations relatives à sa matière, laquelle consiste exclusivement en des produits qui peuvent être consommés. On peut, certes, offrir à Dieu de l’or, de l’argent, des bijoux, des vêtements (voir, par ex., Nb 7, 84-86; 31, 50-54; Esd 2, 69). Mais on ne peut lui sacrifier que des animaux et des végétaux. Et, plus précisément, des animaux d’élevage, bovins, ovins ou caprins, généralement mâles (à quoi le Lévitique ajoute des colombes) et, pour ce qui est des végétaux, uniquement ceux issus des trois princi- pales productions agricoles, à savoir céréales, olives et raisins. Ces 162 ALFRED MARX © In Press | Téléchargé le 06/06/2021 sur www.cairn.info (IP: 129.0.233.0) © In Press | Téléchargé le 06/06/2021 sur www.cairn.info (IP: 129.0.233.0) produits, au demeurant, lui sont apportés, non dans leur état brut, mais seulement après avoir été préparés. Les animaux sont tués et dépecés, les céréales sont transformées en farine ou en pains, les olives en huile d’olive, les raisins en vin, et sont ainsi présentés sous une forme qui rende possible une élaboration culinaire. Ces mêmes produits constituent d’ailleurs aussi la nourriture habituelle (les pains) ou festive (la viande, l’huile, le vin) des Israélites. Et ils sont également représentatifs des richesses du pays. Dans cette logique, les sacrifices humains n’ont évidem- ment aucune place. Lorsque la Bible évoque ces derniers, c’est pour les rejeter de la manière la plus vigoureuse 3. Les sacrifices ne sont pas, pour autant, destinés à nourrir Dieu. Jamais, en effet, la Bible ne considère que le sacrifice a pour fonction d’assurer sa subsistance. Le psalmiste le dit clairement : Dieu n’a nul besoin de sacrifices, lui à qui appartiennent tous les animaux (Ps 50, 10-13). Et le prophète renchérit : tous les arbres du Liban et tous ses animaux n’y suffiraient pas (Is 40, 16). Le repas auquel on invite Dieu ne sert pas à son alimentation, il est essentiellement un geste de vénération. Et il est l’expression d’un désir de convivialité et donc, d’une relation plus forte, plus profonde, plus personnelle que celle qui pourrait résulter de l’of- frande d’un simple présent. Ce repas festif peut prendre deux formes. L’une, qui nous est familière, est celle du repas convivial où les diffé- rents commensaux, assis autour d’une même table, partagent les mets, avec, à la place d’honneur, l’hôte de marque, servi en premier et régalé des meilleurs morceaux (voir par ex. 1 Sm 9, 22-24). À cette forme d’hos- pitalité correspond, au plan sacrificiel, le sacrifice de communion. La part attribuée à Dieu est la graisse – dont Lv 3, 3-4 définit scrupuleuse- ment la nature. La graisse est considérée comme le meilleur de l’animal et concentre en elle comme la quintessence de la viande. Elle représente aussi la nourriture sous sa forme la plus raffinée, celle que l’on n’a pas besoin de mastiquer, mais que l’on peut sucer, et qui fond sur la langue. Le Lévitique réserve strictement cette part à Dieu (Lv 7, 23-25). Les autres parts, en l’occurrence la viande, servent à régaler le sacrifiant et ses invités. Et puis, il y a une autre forme d’hospitalité, que nous ne pratiquons guère, mais qui est encore attestée dans d’autres sociétés, où le repas est préparé à l’intention exclusive de celui que l’on reçoit, et où l’hôte se tient à l’écart, à l’entière disposition de son invité, prêt à répondre à sa demande, comme on voit Abraham le faire lorsque arrivent chez lui trois LE SACRIFICE DANS LA BIBLE. SA FONCTION THÉOLOGIQUE 163 © In Press | Téléchargé le 06/06/2021 sur www.cairn.info (IP: 129.0.233.0) © In Press | Téléchargé le 06/06/2021 sur www.cairn.info (IP: 129.0.233.0) inconnus (Gn 18, 1-8) ou encore la nécromancienne d’Eïn-Dôr à l’en- droit de Saül et de ses compagnons (1 Sm 28, 21-25). À cette seconde forme d’hospitalité, plus déférente, uploads/s3/ parde-039-0161 1 .pdf

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