La morphosyntaxe : Qu’est ce qu’est ? - Application au cas de la langue fran¸ c
La morphosyntaxe : Qu’est ce qu’est ? - Application au cas de la langue fran¸ caise ? Christophe Parisse To cite this version: Christophe Parisse. La morphosyntaxe : Qu’est ce qu’est ? - Application au cas de la langue fran¸ caise ?. R´ e´ education orthophonique, Ortho ´ edition, 2009, 47 (238), pp.7-20. <halshs- 00495626> HAL Id: halshs-00495626 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00495626 Submitted on 28 Jun 2010 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸ cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es. CORE Metadata, citation and similar papers at core.ac.uk Provided by Archive Ouverte a LUniversite Lyon 2 La morphosyntaxe : Qu’est ce qu’est ? - Application au cas de la langue française Christophe Parisse Modyco-Inserm-Université Paris Ouest Nanterre La Défense cparisse@u-paris10.fr Modyco (Bat A, 404b). 200 Av de la République 92001 Nanterre cedex France Résumé La morphosyntaxe concerne l’ensemble des structures qui permettent de construire grammaticalement un énoncé. Elle porte aussi bien sur les formes des mots, flexions régulières et irrégulières, variantes irrégulières de certains noms et verbes, l’agencement des marques syntaxiques autour du nom (déterminants, etc.), du verbe (pronoms, etc.), de l’adjectif, de l’adverbe, et enfin de l’organisation des mots et groupes de mots dans un énoncé ou une phrase. Dans la langue française, tous les niveaux d’organisation langagière sont touchés de manière importante par la morphosyntaxe. On distinguera quatre niveaux de morphosyntaxe : lexical (racine des mots), flexionnel (terminaison des mots), contextuel (marqueurs syntaxiques ayant un caractère obligatoire et dont l’emplacement est strictement déterminé) et positionnel (organisation des mots ou groupes de mots présentant une certaine flexibilité). Ces quatre niveaux d’organisation correspondent le plus souvent à l’âge des structures langagières et à leur évolution au cours du temps, des plus anciennes (lexicales) au plus récentes (positionnelles). Par contre, l’utilisation est largement indépendante de l’âge des structures et tous les niveaux interagissent dans la morphosyntaxe du français actuel. Abstract Morphosyntax describes all the structures that organize the syntax of an utterance. It bears on words forms and affixes, regular as well as irregular, on lexical variants of nouns and verbs, on organizing syntactic markings around a noun or a verb, and organising words and phrases in an utterance. In French, all levels of linguistic organisation are subject to morphosyntactic control. Four levels of morphosyntax can be identified: lexical (word roots), flexional (word endings), contextual (syntactic marking using words in obligatory position and with limited variability), and positional (organisation of words and word phrases in an utterance with a great amount of flexibility). These four levels correspond to historical language change processes, the oldest being lexical and the most recent being positional. However, use is mostly independent from age and all levels interact in contemporary French. Mots clés : morphosyntaxe, français, lexical, flexionnel, contextuel, positionnel Introduction La morphosyntaxe est définie dans le Petit Robert comme « l’étude des formes et des règles de combinaison régissant la formation des énoncés ». Une telle définition met bien en valeur le caractère fondamental de cet aspect du langage. Toutefois, ce terme est assez récent (1960 d’après le Petit Robert) et c’est pourquoi sa signification peut paraître obscure pour le non- linguiste, en dépit du fait qu’il recouvre un ensemble de caractères que l’on retrouve dans toutes les langues. Les termes plus souvent connus des non-spécialistes sont ceux de lexique, l’ensemble des mots qui compose une langue, et de syntaxe, l’ensemble des relations entre les éléments qui composent le lexique. La connaissance de ces deux objets, lexique et syntaxe (auxquels on peut ajouter au moins la phonétique, la phonologie, la sémantique et la pragmatique) est fondamentale pour parler et comprendre une langue. Pourquoi alors introduire la notion de morphosyntaxe, qui semble recouvrir celle de syntaxe ? Simplement parce que la syntaxe (la manière dont se compose une langue) ne se réduit pas à des combinaisons de mots. Les mots eux-mêmes peuvent se modifier, avec une portée sémantique et une portée syntaxique. Par exemple, le mot « regard » peut se modifier pour devenir « regarder, regarderons, regards, regardant, etc. ». Ce processus interne au lexique est appelé morphologie. La morphologie modifie le sens des mots, mais aussi leurs caractéristiques syntaxiques, c’est-à-dire la nature de relations qu’ils entretiennent avec les autres mots. C’est pourquoi l’étude de la syntaxe ne peut se réduire à l’agencement des mots et comprend des éléments de morphologie. C’est pour désigner cette étude conjointe de la morphologie (dans ses aspects syntaxiques) et de la syntaxe, étude visant à décrire la formation des énoncés, que l’on parle de morphosyntaxe. Toutes les langues du monde comportent des processus lexicaux et des processus syntaxiques et la part qui relève de l’un et de l’autre varie énormément d’une langue à l’autre. Cette division est en partie artificielle car la frontière entre lexique et syntaxe est le plus souvent liée à l’histoire de l’écriture des langues. C’est la plupart du temps autour de la notion de mot écrit que s’est définie la notion de mot, notion qui définit à son tour lexique et syntaxe. Or cette notion de mot est souvent très difficile à justifier et à formaliser du point de vue linguistique. Ainsi en français, les pronoms personnels postposés dans une construction comme « donne-le moi » ne sont pas considérés comme appartenant au mot « donne ». L’existence d’une graphie avec un tiret est ici un indice qui montre que le lien entre « donne » et « le » est très fort. En espagnol, la même construction se dit « demelo » et s’écrit sans frontière de mot. Littéralement l’expression est : « donne me (moi) le ». Sur la base de la langue écrite, on aurait entre le français et l’espagnol des structures identiques et quasiment similaires dont l’une serait syntaxique (en français) et l’autre serait lexicale (en espagnol). Cette différence n’est pas justifiée du point de vue de l’étude du langage oral, c'est-à-dire sans préconceptions héritées de l’usage de l’écrit (lui-même hérité d’une tradition millénaire largement influencée par l’histoire des langues et de la langue française en particulier). L’utilisation du concept de morphosyntaxe permet de s’affranchir de ce clivage entre lexique et syntaxe. La morphosyntaxe comporte des éléments et des structures qui modifient les éléments lexicaux de manière plus ou moins proche du radical du mot et qui agencent les éléments lexicaux ainsi modifiés pour créer un énoncé complet. Ainsi, si l’on prend l’exemple du verbe être en français, les personnes du verbe peuvent être gérées de trois manières différentes : 1. sur le radical : /syi/ (suis, 1ère personne singulier) vs. /e/ (es, 2ème personne singulier). 2. sur la flexion : /səʀɔ̄/ (serons, 1ère personne pluriel) vs. /səʀe/ (serez, 2ème personne pluriel). 3. sur le pronom personnel1 : /ty e/ (tu es, 2ème personne singulier) vs. /il e/ (il est, 3ème personne singulier. Dans l’exemple ci-dessus, le pronom personnel est ce qu’on appelle un clitique. Il s’agit d’une forme qui ressemble à un mot, qui est séparée du verbe, entre laquelle on peut insérer des éléments en nombre limité (négation, autres pronoms personnels) et qui a un caractère obligatoire (on ne peut l’omettre sans que la forme devienne agrammaticale, sauf en français dans les cas d’impératif ou d’existence d’un groupe nominal sujet). Le clitique fait traditionnellement partie de la syntaxe tandis que les variations flexionnelles font partie de la morphologie syntaxique tandis que les variations de radical appartiennent à la morphologie lexicale. L’ensemble relève de la morphosyntaxe et peut s’unifier dans un même cadre. La morphosyntaxe en français En français, la morphosyntaxe s’exprime de manière lexicale, flexionnelle, contextuelle (formes obligatoires comme les clitiques et les mots purement grammaticaux) et positionnelle (formes optionnelles qui concernent l’ordre des groupes de mots), chaque codage pouvant avoir plusieurs variétés. Dans la théorie de la grammaticalisation (Hopper & Traugott, 1997), on définit une relation historique des formes, lexicales < flexionnelles < contextuelles < positionnelles, qui résume l’idée que les modifications les plus internes (les plus proches de la racine d’un mot) sont les plus anciennes dans l’histoire d’une langue et les plus obligatoires. Ainsi les formes du futur simple (je ferai) sont plus anciennes que les formes du futur périphrastique (je vais faire). Les modifications les plus externes (positionnelles) sont les plus récentes et les plus vivantes, c’est-à-dire les plus faciles à modifier et celles qui servent à créer le plus de nouvelles formes. Par exemple, « trop » remplace « très » chez la plupart des jeunes en région parisienne, mais une telle modification serait peu envisageable dans les flexions d’un verbe. Une autre propriété des langues est fondamentale pour expliquer l’organisation de la morphosyntaxe en français : il s’agit de uploads/s3/ christopheparisse-morphosyntaxe.pdf
Documents similaires










-
39
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Aoû 19, 2021
- Catégorie Creative Arts / Ar...
- Langue French
- Taille du fichier 0.6264MB