Document généré le 30 mars 2019 19:28 Circuit Musiques contemporaines Masques d

Document généré le 30 mars 2019 19:28 Circuit Musiques contemporaines Masques de l’identité : Réflexions sur Exotica de Mauricio Kagel Ramon Pelinski Musique actuelle? Volume 6, numéro 2, 1995 URI : id.erudit.org/iderudit/902137ar https://doi.org/10.7202/902137ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Presses de l’Université de Montréal ISSN 1183-1693 (imprimé) 1488-9692 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Pelinski, R. (1995). Masques de l’identité : Réflexions sur Exotica de Mauricio Kagel. Circuit, 6(2), 47–60. https:// doi.org/10.7202/902137ar Résumé de l'article Le musicologue et compositeur Ramon Pelinski étudie les propos de Kagel sur son œuvre Exotica du point de vue des stratégies compositionnelles, des structures et des attitudes perceptives qu’elle déclenche. Adoptant résolument le point de vue du postmodernisme et de l’actualisme, l’auteur traque les ambiguïtés de l’utilisation kagelienne de la musique « exotique » et analyse en détail quelle attitude elle implique quant à la conception de l’Autre Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter en ligne. [https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/] Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. www.erudit.org Tous droits réservés © Les Presses de l’Université de Montréal, 1995 47 Masques de l'identité Réflexions sur Exotica de Mauricio Kagel(1) Ramon Pelinski Le présent texte est une réflexion sur quelques manières de représenter l'Autre par le moyen de stratégies compositionnelles et de registres transculturels d'interprétation musicale. Mon hypothèse de travail veut que les processus qui, dans la conjoncture historique des dernières décennies, ont accru la circulation globale de la musique jouent un rôle important dans les stratégies de composition et d'inter- prétation musicales. En d'autres mots, la circulation globale des sons et des sens qui caractérise notre époque produit de nouveaux modes de représenta- tion musicale de l'altérité. Traditionnellement, le compositeur « occidental », à l'heure d'écrire de la musique « exotique », créait une représentation imagi- naire de l'Autre en utilisant des codes musicaux plus au moins conventionnels pour représenter cette altérité. Ce mode de représentation change substantiel- lement avec la modernité, quand le compositeur croit trouver des affinités entre sa musique et celle des autres. Enfin, une troisième étape consiste à dépasser l'histoire de l'exotisme en faisant de lui l'objet de composition. C'est l'étape à laquelle est parvenue l'oeuvre qui nous occupe aujourd'hui. Exotica fur aussereuropàische Musikinstrumente de Mauricio Kagel a été composée en 1970-1971 et a été dédiée au sixième sens. Elle trouve son origine dans une contingence particulière : Exotica fut commandée par l'expo- sition Weltkulturen und Moderne Kunst qui s'est tenue à Munich pendant les Jeux olympiques de 1972. L'objet de cette exposition était de montrer les relations d'affinité qui sont censées exister entre les expressions artistiques européennes et celles d'autres continents. Exotica a été enregistrée sur disque (DG 2530 251) en mars 1972 et donnée en première le 23 juin suivant au Klangzentrum de la dite exposition. Ses interprètes furent, au dire de Kagel, les meilleurs musiciens européens du moment : Wilhelm Bruck, Cristoph Caskel, Vinko Globokar, Siegfried Palm, Michel Portai et Theodor Ross sous la direction du compositeur (qui a joué aussi l'un des sept soli prévus dans la partition). À cette occasion, l'ensemble a disposé de plus de 200 instruments provenant de cultures musicales d'Afrique, ( 1 ) Ce texte a été présenté en version espagnole au premier congrès de la So- ciété ibérique d'ethnomusicologie qui s'est tenu à Barcelone le 10 mars 1995. 48 d'Océanie, d'Australie, d'Asie et d'Amérique. Vingt ans plus tard, les 17 et 19 juin de 1992, Exotica a été jouée à nouveau lors de l'inauguration de la Kunst- und Austellungshalle à Bonn. Cette nouvelle interprétation a été aussi enregistrée (AUL 60008 SF), cette fois par de jeunes musiciens allemands, américains et japonais. Dans une première partie, je présenterai Exotica à la lumière du paratexte kagelien, c'est-à-dire en utilisant les commentaires - descriptifs et exégétiques, oraux et écrits - formulés par l'auteur au sujet de son œuvre. Ce paratexte, en plus d'offrir une description succincte du texte musical, en propose aussi une interprétation dans la double perspective du compositeur en tant qu'auteur et du compositeur en tant qu'auditeur privilégié de son oeuvre. Dans la deuxième partie de cette étude, je proposerai quelques considérations critiques sur la vision particulière de l'exotisme à laquelle renvoient la partition d'fxofca, ses interprétations et les commentaires du compositeur. Les différentes perspectives que j'assume dans ma démarche se recoupent partiellement, et peut-être de façon « authentiquement apocryphe », avec la terminologie proposée par Molino-Nattiez (Nattiez, 1987, pp. 175-179) pour distinguer trois « familles » ou « niveaux » d'analyse : a) au niveau « poïétique », le compositeur nous donne des informations sur le processus créatif de son œuvre ; b) au niveau « neutre », le compositeur décrit les éléments formels de son œuvre ; c) au niveau « esthésique », le compositeur commente son œuvre du point de vue d'un auditeur. Puisque dans les trois cas, le sujet du discours paratextuel est le composi- teur, on pourrait désigner les niveaux b) et c) comme « poïético-neutre » et « poïético-esthésique », respectivement. Enfin, ces trois perspectives discursives deviennent l'objet du discours critique du musicologue, lequel produit, à son tour, son propre paratexte de l'œuvre. Description d'Exotica Le paratexte descriptif 6'Exotica (niveau b) comprend aussi bien les entre- vues que j'ai effectuées alors avec le compositeur lors des séances d'enregis- trement du disque et des répétitions pour la première de l'œuvre, que par ses commentaires inclus dans la partition ou publiés dans la pochette des enregis- trements de l'œuvre. L'œuvre est divisée en cinq sections (designées comme A, B, C, D, E) qui doivent être jouées en séquence libre, sans pauses entre elles, et avec diffé- rentes superpositions. Exemple : les sept soli de la section D, qui peuvent être exécutés simultanément avec d'autres sections ou parties de l'œuvre. L'auteur prévoit aussi l'exécution simultanée de fragments préenregistrés. Les sections A, C et D sont écrites dans la notation musicale courante. Le compositeur présume que les musiciens européens ne dominent pas la techni- que d'exécution des instruments « exotiques ». Chaque musicien est à la fois instrumentiste et chanteur. En conséquence, les partitions, notées sur deux portées respectivement destinées au chant et aux instruments, ne contiennent qu'une sorte de monodîe où sont fixés tempi, dynamiques, durées et hauteurs relatives, car il n'y a pas de clefs. Cela permet au musicien de choisir la hauteur la plus confortable selon son registre vocal. Les sections B et D emploient des notations graphiques prescriptives, selon lesquelles les musiciens doivent imiter « très bien », « bien », « médiocrement » ou « très mal » les différents paramètres (mélodie, rythme, tempo, couleur, dynamique) des pièces proposées comme modèles pour l'imitation. Ces mo- dèles peuvent être des exemples de musique authentiquement « exotique », tels que : - une pièce de l'ensemble de pututeros de Pisac (Bl ) ; - la chanson Kumi no gyoemi du Congo (B3) ; -une chanson des Indiens Mayantû de l'Amazonie (B4) ; - u n e pièce tunisienne pour la zurna (El ) ; - une pièce de Thaïlande, imitée sur un naffir (E3) ; -une pièce de Birmanie, imitée sur une flgte chinoise (E5) ; - une pièce du Tibet (E6) (les sections E2 et E4 ne furent pas enregistrées.) - ou des imitations de modèles « authentiquement apocryphes », produits par les musiciens eux-mêmes à partir de modèles authentiquement « exotiques ». Ainsi, des musiques traditionnelles du Congo - a u x minutes 37 à 41 de l'enregistrement de 1 9 7 2 — se trouvent à la base du modèle apocryphe de B2, et des musiques du monastère bouddhiste zen de Eiheiji, à la base du modèle de B4 (aux minutes 32 à 37 du même enregistrement). Dans les explications qui précèdent le manuscrit de la partition, Kagel demande que chaque musicien ait à sa disposition au moins dix instruments musicaux inconnus dans la tradition musicale européenne des derniers siècles. Les interprètes inventent leur propre texte linguistique, lequel, en accord avec la tendance de l'oeuvre, doit être articulé en imitant le son de langues non européennes. Les interprètes doivent exclure des effets comiques, 50 puisqu'une imitation banale de l'exotique serait plus dommageable à l'inter- prétation qu'aux intentions de l'oeuvre (Kagel, 1970-1971 ). Poïétique 6'Exotica Au-delà de la description précédente, le compositeur exprime des juge- ments nous éclairant sur ses intentions esthétiques et sur le choix de ses stratégies compositionnelles (niveau a). En voici quelques-unes. Chanter en même temps que s'accompagner d'un instrument renvoie à l'imaginaire du compositeur pour qui l'union étroite du chanteur et de l'instru- mentiste est « typique de l'Orient ». D'un autre côté, le fait que la voix soit le premier instrument de l'homme se manifeste dans l'habitude instinctive des interprètes occidentaux de chanter intérieurement quand uploads/s3/ circuit-6-2-pelinski-masques-de-l-x27-identite-reflexions-sur-exotica-de-m-kagel.pdf

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