Institut d’égyptologie François Daumas UMR 5140 « Archéologie des Sociétés Médi

Institut d’égyptologie François Daumas UMR 5140 « Archéologie des Sociétés Méditerranéennes » Cnrs – Université Paul Valéry (Montpellier III) Horus : polysémie et métamorphoses Bernard Mathieu Citer cet article : B. Mathieu, « Horus : polysémie et métamorphoses », ENiM 6, 2013, p. 1-26. ENiM – Une revue d’égyptologie sur internet est librement téléchargeable depuis le site internet de l’équipe « Égypte nilotique et méditerranéenne » de l’UMR 5140, « Archéologie des sociétés méditerranéennes » : http://recherche.univ-montp3.fr/egyptologie/enim/ Horus : polysémie et métamorphoses (Enquêtes dans les Textes des Pyramides, 5) Bernard Mathieu Université Montpellier 3 Paul Valéry, Institut d’égyptologie François Daumas CNRS - UMR 5140, « Archéologie des Sociétés Méditerranéennes » OMME le théonyme « Seth », objet de notre dernier article dans cette revue 1, le théonyme Îr(w), « Horus », dans les Textes des Pyramides (TP) comme dans tout autre texte égyptien, est éminemment polysémique. Faire de cette entité une divinité spécifique du panthéon égyptien serait, plus qu’une simplification abusive, une grave source de confusion. Chacune de ses occurrences – plus de 900 recensées à ce jour dans les TP –, doit donc faire l’objet d’un examen contextuel attentif. Plus encore que la figure séthienne, fondamentalement polymorphe parce que relevant de différentes strates théologico-politiques, l’analyse de la figure horienne permet de suivre les étapes de la constitution de la théologie héliopolitaine, depuis l’intégration du modèle archaïque de l’Horus de Nékhen (Hiéraconpolis) jusqu’à l’invention, à l’Ancien Empire, de l’Horus enfant, protégé de sa mère Isis et protecteur de son père Osiris. Au-delà du fait « religieux », comme toujours dans l’Égypte pharaonique, ce sont les représentations que l’institution pharaonique centralisée donne d’elle-même que permet de saisir cette enquête sur les différents « Horus ». Les douze sections développées ici tentent de classer ses différentes acceptions au sein du corpus : 1. Horus, le lointain / supérieur, le dieu. 2. Horus, le dieu-roi de Nékhen (Hiéraconpolis). 3. Le couple archaïque Horus et Seth. 4. Horus ou Horus-Seth, le roi régnant. 5. Horus « héliopolitanisé », l’Œil d’Horus et les Enfants d’Horus. 6. « Horus sous forme Osiris », le créateur « osirianisé ». 7. Horus l’enfant. 8. Horus qui a protégé son père (Harendotès). 9. Horus officiant du défunt (Osiris). 10. Horus officiant de Sokar (le défunt). 11. Le défunt (Horus) officiant d’Osiris. 12. Les Horus stellaires. 1 « Seth polymorphe : le rival, le vaincu, l’auxiliaire », ENiM 4, 2011, p. 137-158. Les conventions utilisées ici sont toujours celles de la Mission archéologique française de Saqqâra (MAFS) : C. BERGER-EL NAGGAR, J. LECLANT, B. MATHIEU, I. PIERRE-CROISIAU, Les textes de la pyramide de Pépy Ier. Édition. Description et analyse, MIFAO 118/1, Le Caire, 2e éd., 2011, p. 6-9. C Bernard Mathieu ENiM 6, 2013, p. 1-26 2 1. Horus, le lointain / supérieur, le dieu Le théonyme Îr signifie sans doute étymologiquement « le lointain », « le supérieur », signification à rapprocher des épiclèses Q“j, « Le Haut » 2 ou Q“j-wr.t, « Le Très-Haut » 3, appliquées au créateur héliopolitain Atoum. Îr devait désigner le faucon en proto-égyptien, d’où l’idéogramme servant à l’écrire. Outre que Îr, comme on sait, peut parfaitement désigner le souverain, dès au moins la dynastie « 0 » (vers 3300-3150), il équivaut parfois, dans les TP comme ailleurs, au simple nom commun nÚr, « dieu ». Ainsi que le notait judicieusement J. Yoyotte : « Souvent, “Horus” pourrait être avantageusement traduit par “Dieu”, en sous-entendant une connotation de souveraineté » 4. Ce commentaire rejoignant une observation de D. Lorton : « The late date of the emergence of the divine concept [Osiris] supports another of Griffiths’ points, that the deceased as well as the living king was originaly referred to as Horus, and it explains why traces of that older appelation are still to be found in the Pyramid Texts » 5. De fait, bien avant la diffusion de la Réforme osirienne, toute entité divine pouvait être nommée « Horus ». Par exemple, l’expression « Horus est dans le rayonnement » 6 se réfère à l’arrivée dans l’autre monde du défunt devenu nÚr ; ce dernier est le « messager d’Horus » 7, expression strictement équivalente à « messager du Dieu » 8. « L’Horus des dieux » 9, comme « l’Horus qui n’a pas répété son ouvrage » 10, « Horus seigneur du tremblement » 11, ou peut-être « Horus qui est sur sa langue (?) » 12, se rapporte au créateur. Plus précisément, « L’Horus qui préside aux esprits akhou » 13 désigne Osiris, comme, peut-être, « Horus sorti de l’acacia » 14. De même, « L’Horus qui est sur le chedched du ciel » 15 décrit simplement le dieu-chacal Oupouaout dressé sur son pavois. L’un des noms du créateur, sous sa forme lunaire, que doit connaître le défunt, est « l’Horus qui est sur le Séhédou du ciel » 16, sans doute équivalent à « l’Horus qui est dans le Grand Vert » 17, « l’Horus qui perce la Fraîcheur » 18, c’est-à-dire le ciel constellé. L’expression « Horus Khenti- ménoutef » 19 doit se comprendre simplement comme « le dieu Khenti-ménoutef ». Le § 1295b mentionne « Horus du Sud » et « Horus du Nord » 20, où l’on peut reconnaître l’Horus de Nékhen (Hiéraconpolis) et, sans doute, l’Horus de Pé (Bouto). « Horus de l’Horizon », pour citer un dernier exemple, n’est autre que le « seigneur de l’Horizon » (voir infra, 6. Horus sous forme d’Osiris). En au moins trois endroits, le théonyme « Horus » est utilisé de manière générique, dans une intention apotropaïque, pour éviter de nommer « Seth ». La version P du § 1016d se lit snsn Îr jr≠k, 2 § 1578b [TP N585 D = 1851 [TP N657 B] = § *2268c [TP N738 B] ; § 1587c [TP 587]. 3 (§ 878a [TP 464]. 4 BSFE 114, 1989, p. 48. 5 VarAeg 1, 1985, p. 120. 6 Îr m j.“≈w : § 304c. 7 wpwtj Îr : § 1254d. 8 wpwtj NÚr : § 920a, 1244c. 9 Îr nÚr.w : § 525b, 981a, 986c, 999c, 1086a, 1408a, 1412a, 2208a, TP 1025. 10 Îr j.tm-wÌm-k“.t≠f : § 1622b, TP 1012. 11 Îr nb sd“ : § *2251d. 12 Îr-Ìrj-nÚ≠f : § 1088b, c. 13 Îr ≈ntj “≈.w : § 800c, 1505b, 1508c, 1518a, 2147b. 14 Îr pr m ‡nƒ : § 436a. 15 Îr Ìrj ‡d‡d p.t : § 800a, 1036a, TP 1023. 16 Îr Ìrj SÌdw p.t : § 449b. 17 Îr jmj W“ƒ-wr : § 1505b, 1508c. 18 Îr wb“ QbÌw : § 917a. 19 Îr ≈ntj-mn.wt≠f : § 804c, 1015a, 1719e. 20 Îr rsw / Îr mÌtj. Horus : polysémie et métamorphoses http://recherche.univ-montp3.fr/egyptologie/enim/ 3 « Horus fraternisera avec toi », là où les versions M et N, sans doute plus fidèles à l’original, donnent snsn St‡ jr≠k, « Seth fraternisera avec toi ». « L’Horus pourpre » 21, à l’évidence, désigne ce même Seth. L’appellation « Horus » est attribuée, de manière générique, à nombre de divinités locales : Horus de Béhédet (Edfou), « Horus de Chesmet » 22, Horus de Damanhour, « Horus de Djébâout » 23 ou « Horus qui est à Djébâout » 24, « Horus de Khem » 25 ou « Horus qui préside à Khem » 26, etc. Un « Horus régent de la Cité » 27 pourrait bien se rapporter au créateur héliopolitain. Ce phénomène de diffusion horienne, récurrent dans l’histoire religieuse égyptienne, dont la première manifestation doit être datée au plus tard de la Ire dynastie, tient au moins à deux raisons : 1) la valeur générique du terme Îr ; 2) le rôle archétypal et référentiel joué par l’Horus de Nékhen et la cité de Hiéraconpolis, selon l’historiographie pharaonique elle-même, dans la formation de l’État égyptien. L’importance des cultes horiens de Béhédet, de Damanhour ou de Djébâout, pour ne citer qu’eux, n’est peut-être qu’un effet de la diffusion puissante et coordonnée, dans l’Égypte protodynastique, de l’Horus de Nékhen et de l’apparat régalien qui lui était attaché. On serait en droit, ainsi, de proposer le concept de « Réforme horienne », bien antérieure à la Réforme osirienne dont nous avons traité 28. Fig. 1. Palette prédynastique (MMA 28.9.8). Une palette en « schiste » de la fin du Prédynastique ou protodynastique, conservée au Metropolitan 21 Îr Úmstj : § 702b. 22 Îr ‡smtj : § 450b, 528b, 983a, 987b, 1085c, 1136a, 1409a, 1413a, 2062b. 23 Îr ·b©wtj : § 1668a [N], 1993c [N]. 24 Îr jmj ·b©w.t : § 734c, 1668a [M], 1993c [P], TP 1058. 25 Îr ⁄mj : § 2078c. 26 Îr ≈ntj ⁄m : § 810b. 27 Îr Ìq“ Njw.t : TP 1009 B. 28 « Mais qui est donc Osiris ? Ou la politique sous le linceul de la religion », ENiM 3, 2010, p. 77-107. Bernard Mathieu ENiM 6, 2013, p. 1-26 4 Museum of Arts, représente en son centre un Horus sur un sérekh surmontant un serpent enroulé, évoquant le fameux Méhen 29 [fig. 1] : uploads/s3/ horus-enim-6.pdf

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