Présentation générale : littérature et spectacle dans le système général des ar

Présentation générale : littérature et spectacle dans le système général des arts Ce cours étant pensé comme une introduction générale au théâtre, à la danse et à la musique, il apparaît utile, en guise de présentation générale des domaines que l’on va explorer ensuite, de s’interroger sur la place de la littérature et du spectacle (élément qui unit théâtre, danse et musique) dans un système général des arts. Il faut d’abord constater que l’univers de l’activité artistique de l’homme et des produits de cette activité exige un classement, et que les classifications et théories élaborées à ce propos suffisent à remplir les volumes de l’histoire de l’esthétique. Cette discipline vise à situer chronologiquement les idées concernant l’art, et notamment les systèmes de classement des différents arts. On peut également ordonner ces systèmes en s’appuyant sur les critères sur lesquels ils s’appuient, qui sont cependant nombreux et hétérogènes. L’Antiquité à elle seule, connaît 6 critères possibles pour classer les arts : 1° le but de l’art (utilité-­‐plaisir) ; 2° le rapport de l’art avec la réalité (création-­‐imitation) ; 3° le caractère de l’effort de l’artiste (intellectuel-­‐physique) ; 4° le caractère de la réalisation (théorique-­‐pratique) ; 5° le moyen sensoriel (arts de la parole-­‐arts muets) ; 6° l’outil. Pour résumer, les critères concernent ou bien le créateur, ou bien l’essence de l’œuvre d’art, ou bien son existence à l’une de ses phases, de sa gestation jusqu’à sa perception par le consommateur. Certains critères sont mixtes : le classement des arts selon la présence ou non d’un exécutant (l’acteur au théâtre), repose sur un critère qui concerne le mode de transmission, qui peut être envisagé du point de vue du matériau comme de celui de la portée sociale de l’art. Même avec des critères bien définis, il y a presque autant de classifications que d’essais individuels de classement. Ainsi, Alain, dans son Système des beaux-­‐arts, divise les arts en arts de société et arts solitaires ; mais on comprend mal pourquoi il fait du costume un art collectif et du meuble un art solitaire. Étienne Souriau base son classement sur les « phénomènes employés » dans la composition de l’œuvre d’art : lignes, volumes, couleurs, luminosités, mouvements, sons articulés, sons musicaux, puis divise chaque catégorie en arts représentatifs et non représentatifs. Raymond Bayer sépare « arts conceptuels » (arts de la parole) et « arts sensibles », classés selon le sens qu’ils affectent. Le problème est qu’à l’heure actuelle, du fait d’une différenciation énorme des formes de l’art, leur classement devient extrêmement difficile. Thomas Munro, dans son classement, commence par les arts « tenus pour statique » (peinture, sculpture, architecture), poursuit avec la musique et la littérature, arts auditifs et temporels, et finit par les arts mixtes ou audio-­‐visuels (danse, théâtre, cinéma). Charles Lalo divise les arts par « suprastructures consistantes » : audition (musique), vision (peinture), mouvement, corporel (danse), ou extérieur (pyrotechnie), action (théâtre), construction (architecture), langage (littérature), sensualité (parfumerie). On constate que les arts du spectacle ont dans tous ces systèmes une place indécise, ayant chez Alain une position intermédiaire entre arts modifiant le corps humain et arts changeant l’objet extérieur, ou se voyant chez Lalo séparés selon le genre de spectacle ; ou alors on considère que le spectacle associe tant d’arts hétérogènes qu’il faut traiter chacun à part, ce qui ne permet pas d’éclaircir la situation esthétique du spectacle. Une des causes principales de cet état est la tradition de considérer le théâtre comme un type de littérature, et de voir dans le spectacle une matérialisation négligeable de la parole du poète. On impute cela, mais à tort, à Aristote. Manquent cependant aux défenseurs de l’autonomie du spectacle en tant que phénomène artistique des bases esthétiques solides. Celles-­‐ci impliquent d’intégrer l’art du spectacle dans un système des arts pour éclaircir ensuite son rapport avec la littérature. Pour cela, il faut trouver des critères de classification relativement sûrs et en déduire une définition liminaire de l’art du spectacle. On se propose d’adopter les notions traditionnelles d’espace et de temps pour diviser les arts en 2 grands groupes : les arts spatiaux (arts plastiques et autres arts visuels) et les arts temporels (musique et littérature). Cela renvoie à l’opposition qu’établit Lessing entre la peinture qui ne peut figurer des actions progressives, et ne peut les évoquer qu’en présentant des actions simultanées qui les évoquent, et la poésie qui n’évoque les corps que par la description. Expliquons maintenant comment ces notions se conçoivent par rapport aux différents arts. La musique est l’exemple le plus incontestable d’un art dans les œuvres se manifestent dans le temps. La littérature, même si elle recourt aujourd’hui au livre qui est un objet situé dans l’espace, est avant tout un art du langage : la forme écrite n’est pas son aspect originaire, elle n’est pas d’un usage universel, ce n’est qu’une façon de représenter et de fixer les sons et les mots. Transmise oralement, elle peut se passer de l’espace ; mais le déroulement temporel lui est nécessaire. Un problème est cependant suscité par les arts plastiques, c’est que la perception même d’un tout petit tableau nécessite une durée minimale. Dans le cas des œuvres tridimensionnelles, faites pour être regardées de plusieurs côtés, l’« itinéraire perceptif » nécessaire multiplie le temps nécessaire à leur perception. Cela amène à contester l’espace et le temps comme critères sûrs de classification des formes d’art. Cela dit, ce problème ne se pose que si l’on considère les œuvres au niveau de la perception. Pour résoudre cela, on pourrait considérer les œuvres plutôt au niveau de la communication. L’œuvre est ainsi considérée, par rapport à l’espace et au temps, à cet état de son existence qui n’est ni création (elle implique toujours une durée), ni perception (même problème), mais communication. En effet, contrairement à un texte ou un morceau de musique, un monument ou un tableau sont communiqués, au sens de donnés ou présentés au spectateur, sans impliquer de notion de temps. Pour les arts spatiaux, l’espace est nécessaire et suffit à communiquer l’œuvre, le temps n’est indispensable qu’à la perception ; pour les arts temporels, le temps suffit à communiquer l’œuvre, l’espace n’est nécessaire que pour le percevoir et le conserver. Cette distinction opérationnelle permet de définir l’art du spectacle comme un domaine autonome et bien différent par rapport aux autres domaines de l’art. Le spectacle, en effet, est une œuvre d’art communiquée dans l’espace et dans le temps, exigeant nécessairement les deux dans sa communication. Notons que nous parlons ici de « spectacle » et non de « théâtre », car ce terme est trop polysémique, il peut désigner un genre littéraire ou l’ « institution » théâtrale aussi bien qu’un type de spectacle ; mais dans ce dernier sens, ce qu’on dit s’applique bien sûr à lui. Il s’agit maintenant d’examiner les différents phénomènes de l’art du spectacle. S’agissant de certaines formes : théâtre, opéra, ballet, pantomime, music-­‐hall, marionnettes, leur appartenance au domaine spectaculaire n’est pas contestée. Ces genres sont solidement implantés dans la vie sociale d’une époque et d’une civilisation, avec des structures matérielles durables ; ils font l’objet d’une institutionnalisation, même s’ils sont aussi en parallèle pratiqués par des amateurs. Mais il existe aussi des « cas suspects ». Le 1er est celui des manifestations de l’art du spectacle pauvres en valeurs significatives, parce que l’homme—absent du champ visuel de la représentation—s’efface derrière des formes d’expression abstraites, pauvres au point de vue du cycle spectaculaire : jeux d’eau, feux d’artifice, projections lumineuses. S’il leur manque l’acteur, la parole et aussi la fable, cela ne peut les disqualifier en tant que spectacle. D’ailleurs ces formes ne sont pas toujours privées de valeur significative : le « théâtre d’eau » de Versailles au XVIIe siècle produit des effets d’imitation, le feu d’artifice peut exprimer une succession de phénomènes : des arbres poussant sous les yeux des spectateurs…Les jeux abstraits des projections lumineuses mobiles sont au « vrai » spectacle ce qu’est l’art abstrait à l’art figuratif. Autre cas suspect, celui des jeux de figurines et d’automates, du fait de la durée limitée de leurs révolutions, et parce que contrairement aux marionnettes, leurs mouvements ne sont pas réglés directement par l’homme, mais par un mécanisme. Cependant, existent de nombreux théâtres mécaniques, comme celui du Père Sébastien (Jean Truchet), qui avait donné pour Louis XIV un « opéra en cinq actes ». Existent également des formes spectaculaires, qui, bien que l’homme y apparaisse, sont susceptibles de contestation ; c’est le cas des manifestations impliquant un homme solitaire, comme le rhapsode grec antique ou le conteur arabe. Dans la plupart des cas, le récitant fait un usage abondant de la mimique, du geste et du mouvement corporel qui deviennent un élément essentiel de son récit, et son art ne se limite pas à la transmission orale d’un texte. On ne refuse d’ailleurs pas le nom de spectacle à la représentation d’une pièce à un personnage (La Voix humaine de Cocteau), ni au one-­‐man-­‐show, ni au récital poétique d’un artiste ; le genre uploads/s3/ pre-sentation-ge-ne-rale-arts-du-spectacle-et-syste-me-des-arts.pdf

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