Images Re-vues 10 (2012) Inactualité de l'ornement ............................
Images Re-vues 10 (2012) Inactualité de l'ornement ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Massimo Carboni Ornement et Kunstwollen ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Massimo Carboni, « Ornement et Kunstwollen », Images Re-vues [En ligne], 10 | 2012, mis en ligne le 23 septembre 2012, consulté le 08 septembre 2013. URL : http://imagesrevues.revues.org/2032 Éditeur : http://imagesrevues.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://imagesrevues.revues.org/2032 Document généré automatiquement le 08 septembre 2013. T ous droits réservés Ornement et Kunstwollen 2 Images Re-vues, 10 | 2012 Massimo Carboni Ornement et Kunstwollen Traduction de Vicky Lasserre 1 La pratique de l’ornement est le paradigme le plus éclairant et le plus exemplaire du concept de Kunstwollen. En elle, le vouloir artistique, la « volonté d’art », se manifeste de façon claire, définitive et nette. En mettant en évidence, dans son célèbre et précurseur – quoique, à de nombreux égards, mal interprété – Der Stil in den technischen und tektonischen Kunsten oder praktische Aesthetik (dont la première édition fut publiée en deux volumes entre 1860 et 1863), le rôle essentiel du matériau et de la technique dans la construction d’un ouvrage, Gottfried Semper avait donné naissance à tout un courant d’historiographie artistique, d’empreinte clairement empirico-positiviste, lequel, en interprétant de façon restrictive et déterministe sa pensée – quand il n’en déformait pas tout simplement l’esprit –, soutenait la thèse de l’unicité de l’origine technico-matérielle des arts, ce qui amenait à la considérer comme une pulsion première d’imitation mécanique. Riegl, dans son ouvrage Stilfragen, avait quant à lui fait attention à ne pas confondre les théories de son maître avec celles de ses épigones et vulgarisateurs (les Kuntmaterialisten, comme il les nommait, soit « le parti extrémiste des matérialistes en art ») 1. Il avait alors voulu en finir une bonne fois pour toutes avec les erreurs et les préjugés, qui avaient jusqu’ici fait barrage à la recherche historique et méthodologique, en consacrant « à ‘la négation en œuvre’ un espace plus important que le nécessiterait une narration historique positive et pragmatique » 2. En opposition explicite avec les théories mécanistes, Riegl avait élaboré le principe du Kunstwollen, tout en prenant part ainsi au grand débat européen que les mouvements de réforme touchant les arts décoratifs et appliqués, à commencer par Arts and Crafts, soulevaient à cette époque. Le Kunstwollen est une pulsion première – Wollen et non Können, « vouloir » et non pas ‘simple’ « savoir » – luttant contre les fins utilitaires, la matière première et la technique (considérés dans ce contexte comme limites ou coefficients de frottement), ayant pour but la construction formelle d’une œuvre. L’influence de Schopenhauer est ici indiscutable (ce qui semble en partie évident si l’on tient compte d’un humus culturel propre à l’époque). Dans Le Monde comme volonté et comme représentation, Schopenhauer écrit que « la matière prise comme telle ne peut pas être la représentation d’une idée » 3. Elle doit être par conséquent modelée, dominée, composée de ce désir archaïque et compulsif visant à transformer la réalité objectale donnée en forme et en représentation, laquelle s’exprime justement, à l’origine, dans la volonté d’art 4. Le principe du Kunstwollen doit être identifié ; il ne peut être d’emblée différencié des caractéristiques externes, des « marques » d’un style donné, en ce qu’il appartient d’une certaine manière au style en lui-même. Force réelle, concrète, immanente, structuration dynamique, c’est un complexe organisationnel qui vivifie et soutient l’individualité propre et irremplaçable de toute œuvre. 2 Seul cet angle interprétatif (que nous reprendrons en le précisant par la suite et qui déforme en partie la thèse rieglienne) permet au Kunstwollen d’être appliqué à l’Ornement et d’en définir ainsi que d’en articuler la transformation et le statut formel. Le concept élaboré par Riegl renvoie à deux éléments. Le premier – notamment dans Stilfragen où le terme n’est pas encore écrit textuellement (Riegl évoque le terme hégélien de Kunstgeist, « esprit artistique ») – se réfère au vouloir artistique individuel, à l’impulsion formative de l’artiste- artisan-opérateur, laquelle est liée à la libre et irrépressible pulsion de plaisir pour le beau formel. Le second évoque – en particulier dans L’Industrie artistique tardo-romaine de 1901 – un lien globalisant et supra-individuel à une époque précise ou un âge artistique. Et c’est avec cette seconde acception, qui est par ailleurs centrale et dirimante, que se manifeste la tendance – déjà présente chez Riegl, parfois même de façon explicite – à considérer le Kunstwollen comme étant une forme catégorielle et métahistorique qui, en s’ordonnant autour d’une relation disciplinaire transcendantale, informe de l’intérieur et d’en haut la pluralité phénoménale des Ornement et Kunstwollen 3 Images Re-vues, 10 | 2012 œuvres actuelles 5. Relié en quelque sorte à cette priorité nouménique, par rapport aux textes, le Kunstwollen n’a peu, voire même rien à nous dire de l’Ornement si ce n’est qu’il en répète le caractère normatif en ne restituant à l’analyse que la dimension – « naturelle » et « pythagorico- platonicienne » à la fois – d’une géométrie ou d’une mathématique « hyper-uranienne » qui seraient, par déduction, appliquées à un ensemble de formulations et d’entités visuelles. Mais pour s’écarter de cette lecture et pour pouvoir en envisager une autre qui permette au Kunstwollen d’être en partie cohérent avec l’univers culturel moderne et contemporain, il nous faut tout d’abord nous demander ce qu’une œuvre telle que Stilfragen a apporté, entre le XIX e et le XX e siècle, au débat culturel relatif aux arts ainsi qu’à la réflexion historiographique et esthétique. L’ouvrage a réussi avant tout à écarter et à libérer définitivement l’histoire de l’art de toute hypothèque ou tutelle au contenu psychologique, « discursif » et « figuratif ». Ce fut Moritz Thausing, professeur de Wickhoff et de Riegl, qui, le premier, insista sur la prééminence de la forme, et non sur celle du contenu et de la représentativité de l’art, ce qui lui permit d’esquisser l’une des caractéristiques fondamentales de celle qui sera par la suite baptisée Die Wiener Schule, l’école viennoise d’histoire de l’art 6. Par ailleurs n’oublions pas le lien qui existait entre la jeune École et l’Institut d’Histoire autrichien, au sein duquel l’enseignement institutionnel de l’histoire de l’art, en tant que discipline autonome, vit le jour, et où travaillait le chercheur Theodor von Sickel, pour qui la forme du document historique était décisive et devait être, d’un point de vue méthodologique, préférée au contenu du document. 3 Riegl hérite du formalisme de Herbart, Hanslick et Fiedler, et développe la technique de la recherche philologique et l’inspiration purement visuelle de la recherche, pour laquelle l’art doit toujours être considéré comme une construction de l’apparence des choses réelles telles que la forme et la couleur dans le plan et dans l’espace 7. Qui plus est, le livre de Hildebrand (le sculpteur de l’entourage de Fiedler) Das Problem der Form in den bildenden Kunst – qui inspirera à Riegl le couple conceptuel haptisch-optik (« haptique-optique »), un des mouvements internes au Kunstwollen – est publié en 1893, soit la même année que Stilfragen. En écartant toute prémisse ou emprunt de nature empathico-mimétique, il est sans doute possible d’y voir une adhésion significative de Riegl, et de son approche cognitive, à l’épistémologie de Mach – qui s’intéresse, quant à lui, davantage aux liens fonctionnels qu’aux explications causales des phénomènes –, et plus largement à l’orientation logico-formelle de toute la philosophie des sciences, à cheval entre le XIX e et le XX e siècle. L’humus conceptuel est, de plus, identique à celui qui alimente, à la même époque, la polémique husserlienne contre la réduction des principes logiques à la psychologie. 4 La force philosophique de la méthodologie historiographique de Riegl réside dans l’approche sobrement descriptive-phénoménologique de la recherche. Elle consiste à trouver et à décrire les noèmes de l’expression artistique, à rendre le processus de l’élaboration structuro- formelle que le travail artistique accomplit sur les essences intuitives. C’est justement dans le « Manuscrit sur l’esthétique » – conservé aux Archives Husserl sous le titre Esthétique et phénoménologie, lequel comprend quelques réflexions et annotations datant de 1906-1907 – que le philosophe allemand affirme qu’une esthétique de nature phénoménologique doit être « descriptive-morphologique, génétique » 8. Elle ne peut être réduite à une ontologie et n’a rien à voir avec ce que Husserl nomme « l’objet-en-soi » ; elle ne durcit pas, pas plus qu’elle n’isole uploads/s3/ imagesrevues-2032-10-ornement-et-kunstwollen.pdf
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- Publié le Apv 28, 2022
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