Du MÊME AUTEUR JEAN-LOUIS DÉOTTE Portrait, autoportrait, Paris, '986, Osiris, a
Du MÊME AUTEUR JEAN-LOUIS DÉOTTE Portrait, autoportrait, Paris, '986, Osiris, aVec M. Servière et E. van de Castee!. Le Musée, l'origine de l'esthétique, Paris, CHarmattan, '993. Oubliez! (Les ruines, l'Europe, le Musée), Paris, CHarmatran, '994- Les Autoportraits de Mapplethorpe, Paris, Baudoin Lebon, '996. L'ÉPOQUE DES APPAREILS Hommages. La traduction discontinue (collecrif, avec S. Courderc), Paris, CHarmattan-Musée d'Amiens, '997. Le Jeu de l'exposition (collectif, avec P. D. Huyghe), Patis, CHarmattan, '998. LHomme de verre. Esthétiques benjaminiemzes, Paris, CHatmatran, '998. L'Époque de la disparition. Politique et esthétique (collectif, co-édité avec A. Brossat), Paris, CHarmatran. 2000. L'Époque de l'appareil perspectif. Brunelleschi, Machiavel, Descartes, Paris, L'Harmattan, 200I. La Mort dissoute. Disparition et spectralité (collectif, co-édité avec A. Brossat), Paris, CHarmattan, 2002. (Ouvrage publié avec le concours de la M5H Paris Nord) lIGNE5IQJMRNIFE5TE © Éditions Lignes 6- Manifestes, 2004 12 tJ T4 D40 ::2(JJ-/ Avertissement Cet essai ne doit pas être lu comme un système, mais comme un programme de recherche, par définition prospectij élaboré d'une part au cours des séminaires de DEA du département de philosophie de l'université Paris VIII, entre 2000 et 2003, dans une discussion permanente avec Alain Brossat, d'autre part avec les membres de l'équipe « Arts, Appareils, Diffusion » de la Maison des sciences de l'homme Paris-Nord. Qu'ils soient tous ici remerciés, ainsi que les directeurs des revues Lignes, Kinem, Drôle d'époque, Arts 8, Vertigo, Ligeia,. les éditeurs d'ouvra- ges collectifi Dolorès Lyotard, Jean-Claude Milner, Gérald Sfez, Georges Navet, Marc Jimenez, qui publièrent les premiers jets de plusieurs chapitres du présent ouvrage. Je remercie de même Jean Lauxerois pour ses précieuses traductions d'Adorno,. Martine Déotte-Lefeuvre et Alain Brossat pour leurs conseils. 7 SCHILLER: LA CULTURE EST LE MILIEU DE L'ART ET DE LA POLITIQUE La situation qu'offient les expositions d'art contemporain n'est plus celle d'écoles ou d'avant-gardes se succédant d'une manière critique, mais présentant de ce fait à chaque fois une unité. Cette situation est au contraire celle de la diversité la plus échevelée, à un point tel que le pluriel doit néces- sairement s'utiliser: les « arts contemporains », arts du « divers 1 ». Le terme de diversité qualifie faiblement une situation pour laquelle la notion de fragment serait plus appropriée, sauf que son utilisation par les Romantiques, d'Iéna jusqu'à Benjamin, nous oblige toujours à nous demander quelle est la totalité en creux que ces fragments appellent ou rappellent. Bref, l'esthétique du fragment génère nécessairement une dialectique de la partie et de la totalité, 1. P. Ardenne, Art, l'âge contemporain: une histoire des arts plastiques à la fin du XX siècle, Paris, Édirions du Regard, 1997. 9 à moins de considérer le fragment comme partie d'une multi- plicité rebelle à toute totalisation comme chez Blanchot. Les arts contemporains mettraient en péril la puissance d'unification de l'art. Cette époque serait celle où, à la suite des camps, de l'expérience de la déportation et de l'exter- mination, de la pratique terroriste d'État de disparition, les survivants seraient comme ces lazaréens que décrivaientJean Cayrol en 1947 2 et Georges Perec J, des individus dont la mémoire est éclatée. eart de cette époque ne serait plus celui de la ruine, qui est toujours un fragment, mais de la cendre sur laquelle le critique peut difficilement enchaîner. On n'imagine pas cet art générant de l'être-ensemble, de la communauté, mais au contraire s'échinant à désolidariser la moindre connexion sociale, à défaire le plus élémentaire consensus - celui que bâtissait malgré tout dans un passé récent l'œuvre picturale la plus abstraite, selon D. Payot 4, Les arts contemporains diviseraient donc plus qu'ils n'uniraient et, pour reprendre une caractérisation de l'histoire élaborée à partir de la problématique schillérienne du formalisme kantien, ces arts refléteraient un quasi-état de nature (ou de nécessité) qui est celui de la multiplicité naturelle des individus, à la fois séparés et en eux-mêmes fragmentés 5. 2. J. Cayrol, Nuit et brouillard suivi de De la mort à la vie, Paris, Fayard, 1997. 3. G. Perec, Wou le souvenir d'enfiznce, Paris, Denoël, 1993. 4. D. Payot, L'Objet fibule. Petites attaches de l'art contemporain, Paris, I:Harmattan, 1997. 5. F. von Schiller, Lettre sur fëducation esthétique de l'homme, Paris, Aubier, 1999. la Le texte de Schiller est essentiel à plus d'un titre. En particulier parce que sa description du XVIII' siècle finissant ne nous est pas étrangère et que le rôle politique attribué pour la première fois à l'art et à la culture a fourni sa matière à la grande illusion née avec la « modernité esthétique ». Schiller a, en outre, inventé la notion de forme cultu- relle et lui a donné un fondement anthropologique et psychologique. En dialectisant sensibilité et intelligibilité, il a fait surgir la nécessité qui fera époque - la nôtre - d'un« instinct» (Trieb: pulsion, poussée) à égale distance du sensible et de l'intelligible. Un « instinct» nouveau, proprement esthétique bien que non immédiatement artistique, à mi-chemin entre la passivité sensible corpo- relle déterminée, car toujours particularisante comme l'est la matière, et l'activité rationnelle indéterminée, car toujours universalisante comme l'est la forme. Une « pulsion » à entendre comme ce qui prend la meilleure part des deux instincts dans un accomplissement harmo- nieux : la pulsion de jeu. eharmonie objective vers laquelle, selon Schiller, l'humanité doit aller si elle veut sortir de son état de fragmentation, sera l'œuvre de cette troisième force, formatrice d'images unifiantes. Il en cherche la possibilité à l'intérieur d'une philosophie dont le cadre métaphysique est mi-platonicien mi-kantien, opposant principiellement sensibilité et raison. Le jeu suppose leur équilibre, comme pour la balance celui des poids égaux et opposés. Mais il y a plusieurs manières de décrire cet équilibre. En première lecture, on peut déjà dire que le point d'annulation des forces du fléau est à comprendre comme 11 ce qui permet de respecter l'opposition logique et physique des forces en présence, en donnant à l'une comme à l'autre la possibilité de se réaliser, à condition toutefois qu'elles se réalisent l'une par l'autre, tout en faisant émerger une nouvelle force, intermédiaire et synthétisante, à l'origine d'un nouvel état de l'humanité. D'où le thème schillérien d'un homme accompli,« total », essentiellement doué pour le jeu, résolvant par l'art la tension entre une humanité soumise à la « sauvagerie» du principe de plaisir sensible, et une humanité soumise à la « barbarie» du principe de réalité, du respect kantien de la loi formelle, de la dictature des principes rationnels et indéterminés. Puis, en seconde lecture, on peut mettre l'accent sur une situation issue de la double suspension de la sensibilité et de l'idée, du corps et du langage (la loi selon Schiller). Il y a donc deux lectures possibles de la situation du jeu culturel schillérien selon que l'on insiste sur son caractère synthétisant (le jeu comme au-delà unificateur de la sensibilité et de la raison) ou sur son caractère de milieu préalable à partir de quoi, ultérieurement, se sépareront intelligibilité et sensibilité. La première lecture est constitutive de toutes les avant- gardes et au cœur de toute politique étatique culturelle moderne. Elle consiste à penser que, pour « résoudre dAns l'expérience le problème politique, [...] la voie à suivre est de considérer d'abord leproblème esthétique,. car c'estpar la beauté que l'on s'achemine à la liberté 6 ». C'est en fait une illusion que l'on pourrait mieux déceler dans la revendi- 6. Ibid, p. 75. 12 cation - contre l'état fragmentaire de l'humanité caracté- ristique de la fin du siècle de Schiller comme du xx' siècle - de l'édification par « l'État esthétique» d'un « homme total », harmonieux, ayant une vie sensible la plus riche possible - ayant en quelque sorte rassemblé tout le sensible possible, par une pédagogie des sens, tout en élargissant ses expériences toujours particulières à la dimension universelle de l'humanité. On voit poindre un programme politico- éducatifen vue de « l'État de la liberté» : « Lorsque la Raison introduit son unité morale dAns la société physique, elle n'a pas le droit de porter atteinte à la multiplicité de la nature. Lorsque la nature aspire à affirmer sa multiplicité dAns l'édifice moral de la société, il nefautpas que l'unité morale en éprouve un dommage quelconque,. la Forme victorieuse est à égale distance de l'uniformité et du désordre. Ilfaut donc qu'un peuple possède un caractère "total" pour qu'il soit capable et digne d'échanger l'État de la nécessité contre l'État de la liberté'. » Si l'illusion est pour nous facilement décelable, c'est que le xx' siècle a fait l'expérience historique d'une prétendue réalisation esthétique du peuple par le mythe 8 et nous pouvons aujourd'hui relativiser l'opposition de la «politique de l'esthétique» (Staline) et de 1'« esthétisation du politique» (Hitler), opposition élaborée par Benjamin 9. Car la 7. Ibid., p. 93. On retrouverait là l'origine de la politique culturelle du ministre Lang. 8. Ph. Lacoue-Labarthe et J.-L. Nancy, Le Mythe nazi, La Tour d'Aigues, éditions de l'Aube, 1991. 9. W. Benjamin, L'Œuvre d'art à lëpoque de sa reproductibilité technique (1935-1936), in Œuvres, Paris, Gallimard, 2000, 3 vol. 13 prétendue totalité a pris d'autres aspects que ceux d'une humanité uploads/s3/ deotte-jean-louis-l-epoque-des-appareils 1 .pdf
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- Publié le Nov 14, 2022
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