QUAND LE RÊVE-ÉVEILLÉ DEVIENT PROCESSUS CRÉATIF : DE L’IMAGE AUX MOTS Isa Fargu
QUAND LE RÊVE-ÉVEILLÉ DEVIENT PROCESSUS CRÉATIF : DE L’IMAGE AUX MOTS Isa Fargues L’Esprit du temps | « Imaginaire & Inconscient » 2016/1 n° 37 | pages 73 à 90 ISSN 1628-9676 ISBN 9782847953671 DOI 10.3917/imin.037.0073 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-imaginaire-et-inconscient-2016-1-page-73.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour L’Esprit du temps. © L’Esprit du temps. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © L?Esprit du temps | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 37.65.5.42) © L?Esprit du temps | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 37.65.5.42) Quand le rêve-éveillé devient processus créatif : de l’image aux mots Isa Fargues Comment en vient-on de l’image aux mots? Ou, plus justement, des images aux mots ? Et encore plus justement, d’un Sujet aux prises avec la mise en mots de ses images ? A l’origine « Il était une fois des peintures, de la danse et des mots ». « Il était une fois, des éclaboussures sur la page, après des pas, après nos paroles ». « Mais non, vous allez trop vite, il était une fois d’abord nos rêves éveillés, le reste, c’est après ». « Pfeuh, vous vous compliquez la vie : il était une fois elle et nous, enfin elle et moi - ou elle et toi- et après elle et moi et mes rêves, « éveillés, t’oublie » ... « oui d’accord, et après, nos titres qui sont le résumé de tout, et la vie a repris ». « Comme c’est loin ! ». Voilà un petit extrait d’une rencontre à plusieurs, quelques camarades - qui ont suivi une cure avec moi et demandent à savoir ce que j’ai fait de leurs peintures, de leurs titres. Ces jeunes, de 12 à 22 ans, porteurs d’un déficit léger ou moyen avec ou sans troubles associés, sont accueillis dans un établissement où différents soins sont proposés. J’ai eu l’occasion de vérifier qu’une cure rêve-éveillé leur était accessible. J’avais en annexe de mon mémoire clinique de candidature comme membre du Girep 1, ajouté leurs peintures et leurs titres, Imaginaire & Inconscient, 2016/37, 73-90. © L?Esprit du temps | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 37.65.5.42) © L?Esprit du temps | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 37.65.5.42) « la musique des RE », expression d’un patient, pour certains qui avaient bénéficié de mon accompagnement. Il me fallait leur autorisation par éthique personnelle. Une jeune-fille m’avait demandé comment j’allais écrire ses colères, ses cris : «c’est bien beau les mots, mais le reste?». L’idée de proposer en fin de cure, ou lors d’une réorientation, de le dire en peinture, a germé et est devenue une habitude ». « Mais alors, il faut donner un titre, m’a dit un autre patient, autrement ça dit pas ». Je leur avais montré l’annexe de mon mémoire, qui les avait touchés. Ils sont fiers, ils se demandent la permission, réciproquement, de regarder leur «œuvre ». Échangent sur leur titre. S’en étonnent mutuellement. Ils sont venus après un long conciliabule entre eux : une idée germe, de se retrouver en petit groupe pour continuer, serait-ce possible d’y réfléchir, «parce qu’à plusieurs, c’est pas pareil, c’est difficile, on ne sait pas se parler sans se faire mal, sans s’insulter, vous allez bien nous aider, mais on voudrait diffé- remment cette fois, ensemble. Comme une seule histoire bien à nous, à plusieurs, on voudrait savoir où on irait ensemble ». Sous-entendu : tous ici, chacun, nous avons déjà fait un bout de chemin avec vous, notre parole a été retenue, elle nous a engagés. Ils sont prêts à s’y mettre, leur attente est espoir, ils en attendent beaucoup d’eux-mêmes. Ils entendent poursuivre un parcours, sans savoir où cela les mènera, se disent prêts à l’inattendu, espérant ne pas répéter quelque chose qui revient dans leurs relations ensemble et avec d’autres et ne leur fait pas du bien. « Avec vous, c’est pas pareil », ai-je souvent entendu dire au cours d’une cure. Même si ce sera dur, on va y arriver. Le « pas pareil » est à entendre comme une parole qui ne sera pas retenue contre celle ou celui qui parle, une parole où on s’entend mieux parler. A ce stade-là, la relation de transfert a imprimé son cachet particulier à la parole. Qu’en serait-il si ce petit groupe prenait forme, où les protagonistes se seraient choisis ? « Winnicott nous ouvre tout un champ de recherche qui requalifie en la légitimant une clinique psychanalytique hors de la voie royale de la cure indivi- duelle. Ajoutons que cet « autre chose », pour Winnicott comme pour tous les psychanalystes qui exercent leurs talents « sans divan » dans des institutions de soin, doit continuer d’avoir quelque chose à voir avec la psychanalyse. Ce quelque chose s’inscrit dans une démarche thérapeutique dont la visée demeure analytique, quand il tend à impulser les conditions d’un cadre institutionnel « tiercéisant » et à favoriser un mode de fonctionnement de l’appareil 74 imaginaire & inconscient © L?Esprit du temps | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 37.65.5.42) © L?Esprit du temps | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 37.65.5.42) psychique où une conflictualité intrapsychique puisse se développer dans un registre triangulé. La théorisation de cet « autre chose » qui s’accomplit dans le travail du psychanalyste en institution a mobilisé la créativité de beaucoup d’auteurs. »2 Il pourrait être une fois, donc, des histoires de rencontres à plusieurs dans un groupe ou des groupes à médiation thérapeutique. Ces groupes thérapeu- tiques à médiation en cours de réflexion collective devraient relever, dans l’idéal, du modèle de l’appareil psychique groupal conçu par René kaës spéci- fiant le cadre et les processus en jeu. Des ateliers à médiation sont animés par des éducateurs de mon établis- sement. Ceux-ci sont animés pour répondre à des besoins institutionnels d’assurer un parcours de plus en plus individualisé. Ces jeunes ne peuvent en effet s’inscrire dans un cycle classe ou atelier sur de longues heures avec un rythme normal. Face à cet essor, il me semble que les présupposés théoriques de ces pratiques doivent être plus élaborés qu’ils ne le sont. Nous pourrions ainsi dégager les pratiques qui relèvent de la psychothérapie psychanalytique, de celles qui sont des supports artistiques mais ne sont pas nommés comme tels, et pas inscrits dans un processus de soins. Or, la dimension thérapeutique de ces activités artistiques ou d’expression existe : devant la richesse du matériel symbolique, que fait-on de ce matériel ? Doit-on s’en tenir essentiellement à l’activité d’expression ? Que se passe-t- il exactement dans ces groupes ? Qu’ont-ils à voir avec des groupes, appelés médiation « thérapeutique ». « Les psychothérapies à médiations artistiques activent les processus de création chez le patient, qui, en créant un objet, se crée lui-même comme sujet : le support des médiations artistiques engage le sujet à l’émergence de formes nouvelles de représentation et à une réouverture permanente des processus de symbolisation ».3 Pour clarifier ma propre position, soutenir ces questions institutionnelles actuelles, ces jeunes ne m’incitent-ils pas à inventer une modalité clinique spécifique en rapport ou plus exactement en continuité avec leur travail théra- peutique en rêve-éveillé individuel ? Comme si la cure RE individuelle avait activé aussi ce processus de création chez chacun de mes patients, tel que le décrit Anne Brun. Comme s’il me fallait conceptualiser ce qui est en train de se passer, réfléchir à l’évolution de la créativité ou son devenir, dans le temps ou dans son rapport au temps. M’offrent-ils aussi la possibilité de ne pas savoir, position éminemment créative leur permettant de découvrir par eux-mêmes ce qui nous échappe et nous le fera découvrir. isa fargues • quand Le rêve-éveiLLé devient processus créatif : de L’image aux mots 75 © L?Esprit du temps | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 37.65.5.42) © L?Esprit du temps | Téléchargé le 13/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 37.65.5.42) Les processus en cours : Mais procédons par ordre et reprenons des extraits de cures individuelles pour s’interroger : - comment l’image fait irruption au cours du travail analytique ? - comment l’analysant se laisse-t-il éveiller par son imaginaire et comment l’analyste que nous sommes accueille ce qui survient à lui-même, dont dépendra sa façon d’entendre ce qui s’élabore chez son patient ? - en quoi, peut-on parler de processus créatif ? L’usage de l’image et de l’espace imaginaire Quand on pense rêve-éveillé, on pense avant tout aux images. En effet, l’image prime. L’image, l’imaginaire ont bien leur place. uploads/s3/ imin-037-0073.pdf
Documents similaires










-
44
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Nov 04, 2021
- Catégorie Creative Arts / Ar...
- Langue French
- Taille du fichier 0.3850MB