Collections électroniques de l'INHA Actes de colloques et livres en ligne de l'

Collections électroniques de l'INHA Actes de colloques et livres en ligne de l'Institut national d'histoire de l'art De l'Orient à la mathématique de l'ornement. Jules Bourgoin (1838-1908) Théorie de l’ordre et syntactique chez Jules Bourgoin Jenny Boucard et Christophe Eckes Édition électronique URL : http://inha.revues.org/7035 ISSN : 2108-6419 Éditeur Institut national d'histoire de l'art Édition imprimée Date de publication : 1 octobre 2015 Pagination : 281-298 ISBN : 978-2-7084-0994-1 Référence électronique Jenny Boucard et Christophe Eckes, « Théorie de l’ordre et syntactique chez Jules Bourgoin », in Maryse Bideault, Estelle Thibault et Mercedes Volait (dir.), De l'Orient à la mathématique de l'ornement. Jules Bourgoin (1838-1908), Paris, A. et J. Picard (« Collection D'une rive l'autre ») , 2015 [En ligne], mis en ligne le , consulté le 06 octobre 2017. URL : http://inha.revues.org/7035 Ce document a été généré automatiquement le 6 octobre 2017. Tous droits réservés Théorie de l’ordre et syntactique chez Jules Bourgoin Jenny Boucard et Christophe Eckes 1 La référence à Antoine-Augustin Cournot est omniprésente dans les ouvrages et les notes de lecture de Bourgoin1. Dans l’introduction aux Études architectoniques et graphiques, il dit s’être imprégné de son œuvre lors d’une première mission « dans l’Orient musulman2 », soit entre 1863 et 1866. En outre, Cournot est une source centrale pour l’élaboration de la Théorie de l’ornement dont le titre initial, « L’ordre et la forme », est emprunté au premier chapitre de son Traité de l’enchaînement des idées3. Bourgoin affirme même avoir communiqué son manuscrit à Cournot en 18684. 2 Dès cet ouvrage, Bourgoin s’intéresse à trois aspects de la notion d’ordre telle qu’elle est développée par Cournot : tout d’abord les correspondances entre arithmétique et géométrie d’une part, algèbre et géométrie d’autre part, thématisées par Cournot en 1847 5, avec en toile de fond la référence au mathématicien Louis Poinsot ; ensuite une classification des sciences formelles fondée sur « l’ordre et la forme » ; enfin le projet d’une « syntactique », c’est-à-dire d’une théorie des combinaisons, dont Cournot précise les contours dès 18436. Ces emprunts permettent à Bourgoin de clarifier les rapports entre les sciences mathématiques et les arts d’ornement. Il aboutit ce faisant à un système théorique, tout en maintenant une nette distance entre ces deux domaines : ni le dessin d’ornement ni la graphique – qu’il développera à la fin de sa carrière – ne doivent être conçus dans le prolongement de la géométrie élémentaire. Il s’appuie par ailleurs sur ces deux notions d’ordre et de forme pour caractériser des types d’ornement, les classer et les combiner, dans le cadre d’une grammaire de l’ornement, ce que l’on peut rapprocher de la syntactique cournotienne. 3 Les sources de Bourgoin sur l’ordre, la forme et les combinaisons rayonnent principalement à partir de cette référence première, centrale et récurrente à Cournot. Par son intermédiaire, Bourgoin prend connaissance de certains travaux du mathématicien Louis Poinsot, qui développe dès le premier XIXe siècle une « théorie de Théorie de l’ordre et syntactique chez Jules Bourgoin Collections électroniques de l'INHA 1 l’ordre » relevant exclusivement des mathématiques. L’artiste étudie par ailleurs des mémoires de Johann-Heinrich Lambert et d’Alexandre-Théophile Vandermonde. 4 Comprendre comment Bourgoin s’approprie puis modèle pour ses propres usages la thématique de l’ordre développée par ces différents auteurs, signifie montrer que le thème de l’ordre est intimement relié, chez Poinsot, Cournot et Bourgoin, à l’étude de configurations géométriques centrées sur le cercle et les polygones réguliers ; puis voir ensuite comment Bourgoin complète la classification des sciences logico-mathématiques établie par Cournot en 1861, en y intégrant l’instrument du dessin ; par ailleurs, mesurer jusqu’à quel point Bourgoin est marqué par la syntactique de Cournot et enfin, étudier quelques applications de la théorie de l’ordre dans l’art ornemental en nous référant aux frises et aux figures textiles. Figures polygonales et ordre 5 La thématique des polygones traverse l’œuvre de Bourgoin, d’un point de vue tant esthétique, formel que mathématique7 (fig. 1). Dès la Théorie de l’ornement, les chapitres VII à XIII sont centrés sur les figures polygonales auxquelles l’auteur accorde un statut particulier : Il est donc utile d’examiner ces figures [à-plats polygonaux ou déterminés par des contours rectilignes] dont le caractère frappant et nettement déterminé peut aider à mieux comprendre les formes curvilignes et arrondies qui sont de composition moins simple et d’une analyse plus fine et plus profonde8. 1. J. Bourgoin, « Polygones étoilés », p. 144 de la Théorie de l’ornement, 1873. Source : Théorie de l’ornement, 1873. Théorie de l’ordre et syntactique chez Jules Bourgoin Collections électroniques de l'INHA 2 6 Il énumère ensuite différents types de triangles, quadrilatères, pentagones, hexagones et s’intéresse aux possibilités de les assembler. À côté des propriétés formelles des figures polygonales, Bourgoin consacre plusieurs paragraphes à des développements théoriques sur les liens existants entre nombres et polygones. Il attribue à ces figures une place privilégiée dans son système, en les reliant directement à la notion d’ordre : L’idée de nombre corrélative à l’idée de parties distinctes, et l’idée de groupement corrélative à l’idée d’un ensemble de parties, se lient immédiatement à l’idée de figure polygonale. Ces deux idées de nombre et de groupement solidaires l’une de l’autre, sont le fond purement intelligible de la notion supérieure de l’ordre, qui se lie d’autre part à la perception et à l’intelligence des formes de l’étendue9. 7 Bourgoin a vraisemblablement sous les yeux l’ouvrage que Cournot publie en 1847 lorsqu’il rédige ces passages. En effet, quelques lignes plus loin, il paraphrase Cournot en rappelant qu’« un nombre [est] une collection ou un groupe d’unités décomposable en d’autres groupes ou susceptible d’être formé par la réunion d’autres groupes10 » et il applique cette idée de groupe à la géométrie, puis à « l’architectonique » qui désigne selon lui l’ensemble des connaissances liées aux arts d’architecture et d’ornement. Ici, Bourgoin s’approprie certains aspects de la théorie de l’ordre exposée par Cournot, ce dernier s’appuyant alors sur Poinsot. Il est donc nécessaire de revenir succinctement sur les travaux de ces deux savants. 8 La division à la règle et au compas du cercle en parties égales, problème analogue à la construction géométrique des polygones réguliers, qui occupe Bourgoin dans plusieurs de ses ouvrages, constitue un exemple mathématique récurrent dans les travaux de Poinsot et de Cournot. Cette question a été traitée algébriquement par Carl Friedrich Gauss en 1801 dans son ouvrage de théorie des nombres11. En effet, les expressions trigonométriques décrivant le partage du cercle en n parties égales sont les racines de l’équation binôme xn-1=0. Gauss propose à partir de là une méthode de résolution algébrique pour obtenir des conditions de construction des polygones réguliers à la règle et au compas. Cette méthode constitue une référence fondamentale pour Poinsot, qui retient notamment le lien ainsi fait entre algèbre, théorie des nombres et géométrie. 9 Dans ses mémoires publiés entre 1808 et 1845, Poinsot souligne différentes correspondances entre ces trois domaines. Ainsi, il explicite le lien entre polygones réguliers et racines des équations binômes12 ou propose des preuves arithmétiques fondées sur des configurations géométriques13. Pour les différents cas étudiés, Poinsot met systématiquement en avant la notion d’ordre qu’il identifie à « la disposition mutuelle qu’on peut observer actuellement entre plusieurs objets14 ». Dans le cas des polygones ou des racines des équations binômes, l’ordre est associé à des dispositions régulières d’objets sur un cercle, configuration ayant le rôle de modèle chez Poinsot. 10 L’ordre, associé à la situation, acquiert progressivement chez Poinsot le statut de catégorie fondamentale des mathématiques à côté de la grandeur, associée à la quantité. L’ordre permet ainsi d’atteindre « le plus haut point d’abstraction et de généralité où il soit permis de porter la science ». Poinsot propose en 1845 une classification bipolaire des mathématiques qui le conduit à diviser l’algèbre, la théorie des nombres, la géométrie et la mécanique en fonction de ces deux catégories. Ainsi, il distingue l’algèbre ordinaire et l’algèbre supérieure : Mais il y a une algèbre supérieure, qui repose tout entière sur la théorie de l’ordre et des combinaisons, qui s’occupe de la nature et de la composition des formules Théorie de l’ordre et syntactique chez Jules Bourgoin Collections électroniques de l'INHA 3 considérées en elles-mêmes, comme de purs symboles, et sans aucune idée de valeur ou de quantité15. 11 L’importance accordée ici aux notions d’ordre et de combinaison se retrouve dans les systèmes respectifs de Cournot et Bourgoin. 12 Cournot s’appuie sur ces différents écrits de Poinsot lorsqu’il rédige son traité de 1847. Dès le premier chapitre, il énonce la définition abstraite d’un nombre, reprise ensuite par Bourgoin, tout en affirmant plus généralement : Pour mettre de l’ordre dans tout assemblage d’objets individuels, pour les classer d’après leurs rapports naturels ou d’après certaines vues de notre esprit, l’on est toujours conduit à former d’abord certains groupes d’individus ou d’unités, puis à former avec ces premiers groupes des groupes supérieurs ou de second ordre16. 13 Ces questions de classification des objets traversent les écrits de Bourgoin. Il reprend ainsi la formulation de Cournot qu’il applique à uploads/s3/ inha-7035.pdf

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