Avant de commencer notre rencontre avec l’œuvre de l’immense âme qui est celle

Avant de commencer notre rencontre avec l’œuvre de l’immense âme qui est celle de M’hammed Issiakhem. OUI- Je précise bien âme et non œuvre ; car il s’agissait dans son œuvre de traduction de son âme. Il me semble important de souligner le point suivant : Nous tenterons d’échapper à la biographie. A travers trois de ses peintures et en inversant le processus par l’analyse d’œuvres, nous essayerons de cheminer vers le message que véhicule son langage pictural et la traduction d’une partie de celui-ci, nous tenterons aussi de recueillir les éléments de lectures infusés et répétés dans sa peinture. Ces récurrentes qu’il digérait pour nous en faire part à travers une esthétique particulièrement singulière, authentique. Son engagement indéfectible envers sa terre et les siens, parfois sa fragilité, ainsi que sa tentative de soin par l’art. Nous sommes en 1949. Fraichement arrivé à Alger depuis Ghilizane, il a la vingtaine, il est alors étudiant aux beaux-arts d’Alger depuis une année l’un des deux indigènes admis à l’école ; avec Choukri Mesli, le jeune M’hammed Issiakhem peint alors L’autoportrait, une petite toile sobre de 41/32CM; huile sur contreplaqué. La force coloniale alors à l’apogée de sa force, réserve ses expositions aux artistes orientalistes et en diffusants l’artisanat arabo-berbère dans le musée dit de l’Homme ou d’ethnographie. Cependant la force cet autoportrait réside dans les questionnements symptomatiques qui animaient les artistes Algériens. C’est-à-dire ; comment créer une œuvre libre et libérée des canons de l’orientalisme dans une société sous le joug du colonialisme? Ce geste d’autoportrait qui reviendra tout au long de sa prolifique aventure dans l’art est annonciateur déjà de son penchant pour la psychologie. Il s’entourait par ailleurs d’amis professeurs en psychiatrie qu’ils l’accompagneront tout au long de sa vie ainsi que de patients atteints de différentes pathologies psychiatriques qu’il allait visiter régulièrement. Un jour dans l’intimité d’une conversation, une grande dame de l’art, auteur et juriste m’a dit : « Il faut parler sans avoir l’air de dire grand-chose, en faisant passé des idées fortes, c’est ainsi qu’il faut s’exprimer.» C’est exactement ce qu’a fait M’HAMMED avec cet acte succin, ou il se choisit comme modèle et sujet simultanément. Il a été vers son individualité, loin d’avoir l’air de dire quelque chose mais loin d’être anodin, ce geste a tout changé, à jamais .Cet autoportrait devient alors un acte artistique et politique. Un autoportrait, aux allures d’exercice scolaire mais M’hammed ne se laisse pas menotté par les codes de l’académisme et par le traitement chromatique de son arrière-plan l’artiste fait un manifeste dans lequel il prouve non seulement sa maitrise de la technique mais aussi de la chromatie dans lequel il pose le postulat de sa présence en tant que peintre aguerris sortie de l’Orientalisme, libérant au passage ses contemporains de l’hégémonie du mouvement dominant. Un jeune indigène s’individualise, sort de sa condition et revendique son identité par l’acte de se peindre, il ne dissimule rien. Il a réussi à traduire ses douleurs physiques et psychiques loin du lyrisme et de l’apitoiement, tout en ayant l’air de rien dire il a fait passer des messages cruciaux. Le jeune artiste bouscule les lignes de sa condition en se donnant à voir. La colonne vertébrale de son œuvre est l’auto-thérapie, par sa confrontation à lui-même, tentative cathartique des maux qui rongent son être, il fait courageusement face à ses démons qu’il pose de manière frontale simultanément, il s’inscrit dans une tradition picturale du genre de « l’auto portrait » genre psychologique par excellence. Mais également un genre par lequel il tente de capturer l’âme pour l’a rendre visible. Par trois éléments il marque son œuvre : -le premier : Sa chromatique (sombre, brumeuse rappelant l’atmosphère du Sfumato de Leonard de Vinci, quelque fois transparente et sans trop de matière). Telle ces gris colorées dominant qu’on retrouvera dans la plus part de ses œuvres, (opposées des couleurs complémentaires) - En second : nous retrouverons un élément iconographique récurent (la main) ou la présence du membre absent, ce qui deviendra des années plus tard le sujet d’une installation qui a value au plasticien Kader Attia le prix marcel Duchamp 2016, la présence du membre absent (comme un fantôme qui continu a le hanter). - le troisième élément : est iconographique, c’est la figure maternelle avec ses renvoie incessant à la Pietà de Michael Ange, ou Marie portant le Christ mort sur ses genoux, cette représentation iconographique nous renvoie a ‘la Mater dolorosa’. C’est le procès qui se fait à lui-même, et qui se déploie a l’infini dans son œuvre ; espérant échapper à l’injonction de la mère qui ne supporte plus de voir sa progéniture diminuée physiquement ; elle le renvoie. Il fait des suggestions plus qu’il ne dit, par son tracé conventionnel du portrait académique et le souci de la ressemblance et de la technique ainsi que par le traitement de son arrière-plan. Il traduit sa subjectivité par ce portrait qui est une traduction du « JE », il dit je suis présent moi et mon monde, c’est ce qu’il postule dans son traitement de la couleur du fond claire, lumineuse et posée en grandes taches. Ce qui est important dans cet autoportrait est qu’il s’inscrit dans la chaire vivante de la grande histoire, non seulement dans l’histoire individuel du plasticien mais dans la grande Histoire de l’Algérie, celle des modernes du fait qu’un jeune indigène encore inconnu se met en scène, s’impose par la palette colorée qu’il utilise. La lecture de cette peinture ne peut être fragmenté, ici il n’est pas question de l’autoportrait en soi mais la lecture l’œuvre dans son intégralité, en effet il n’est plus le sujet saisi par l’autre puissance dominante qu’il l’exhibe en modèle de carte postale ethnique, bien au contraire il se saisit lui-même de sa personnalité et la pose en chaire présente et vivante mais aussi par le traitement de la couleur de l’arrière-plan-il décide de s’émanciper des codes de l’académisme en vigueur. Ce qu’il nous signale est plus grand, c’est sa citoyenneté arrachée, par ce geste de ce peindre, et par la saisie de son portrait faire un acte d’entrée de l’art algérien dans l’histoire de l’art universelle simultanément récupéré symboliquement sa place de citoyen. Il se met face au rite de la dépossession de l’identité par l’esprit colonisateur qui prenait l’âme et le corps d’un pays et il va récupérer sa place. Dans son ouvrage Elément pour un art nouveau ,suivi de feuillets épars et liés Mohammed Khedda cite, Albert Gayet historien de l’art Arabe « l’étude des formes et de la couleurs laisse l’indigène indifférent , ou n’éveillent en lui qu’une sensation diamétralement opposée à celle que nous ressentirons a sa place(…)pour la pénétrer il faudrait décomposer un à un les états par lesquelles a passée l’âme arabe . » Issiakhem prouve l’inverse…Dans les détails de cette peinture nous verrons un académisme dominant par les canons de la production picturale traditionnelle du champs des beaux-arts , cependant M’hammed lui, le voyeur habité, ne reste pas figé ni menotté dans les codes scolaires , il s’en défait par le traitement de la couleur vive (bleu , orange et rouge) au-dessus de son épaule gauche mais aussi il s’en défait par un chromatisme atténué plus haut, claire et fluide qui montre sa maitrise de la chromatique, il l’emploi en taches puissantes et lumineuse pour imposer sa présence, c’est dans ce sens que la lecture de ce portrait est intéressante car elle doit être prise dans son ensemble . Non pas en décomposition mais comme acte en soi qui va faire enclencher une nouvelle histoire de l’art Algérien. Je vois dans les trois autoportraits d’Issiakhem de 1949, 1976 et 1985, le Caravage peignant le narcisse d’Ovide lui-même-hypnotisé par son image; que l’œil et la main tremblent en essayant de fixer sur la toile cette présence qui s’affirme. Un portrait dédoublé qu’a voulu peindre le Caravage ou juste un tableau annonçant la peinture advenue a elle-même ? Un Acte inaugural par lequel le Caravage s’empare du mythe littéraire et philosophique de la caverne de Platon et le transpose comme objet sur la toile, il libère limage absorbée, occultée, niée et simultanément propose le début d’une nouvelle peinture celle des modernes, avec cette action le Caravage transgresse la sacralité du portrait dédiée à la figure du Christ uniquement et pose les jalons d’une nouvelle peinture, l’icône de figuration sacralisée n’est plus. En 1500 Durer fait de l’autoportrait un acte artistique majeur, Durer s’érige en sujet et risque l’hérésie en s’élevant par imitation à la figure du christique. Issiakhem fait de même avec l’art de sa génération, il transgresse les codes sociaux et le contexte politique de la domination coloniale, il se donne à voir, il n’est pas le peintre du terroir ni celui de l’ethnographie, il écrit sa propre histoire. Dans un entretien donné à Ahmed Azzegagh publié en mai 1985 dans Révolution Africaine le Peintre dit « La peinture me fait mal…je souffre, lorsque je peins je suis dans le doute ». Qu’est-ce que le uploads/s3/ issiakhem-trois-analyses-d-x27-oeuvres-pour-le-if-alger-29-05-30 1 .pdf

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