COLLECTION FOLIO/ESSAIS Walter Benjamin Œuvres TOME 1 Traduit de l'allemand par

COLLECTION FOLIO/ESSAIS Walter Benjamin Œuvres TOME 1 Traduit de l'allemand par Maurice de Gandillac, Rainer Rochlitz et Pierre Rusch. Traduit avec le concours du Centre national du L ivre. Gallimard Les textes des trois volumes des Œuvres de Walter Benjamin sont extraits des Gesammelte Schriften, parus aux Éditions Suhrkamp. L'édition des Écrits complets de Walter Benjamin, sous la direction de Theodor W. Adorno et Gershom Scholem, a été établie par Rolf Tiedemann et Hermann Schweppen­ hauser. Le lecteur trouvera à la fin du troisième volume des Œuvres de Walter Benjamin un index général des noms et œuvres. © Suhrkamp Verlag, Frankfurt am Main, 1972, 1974, 1977, 1978, 1985, 1989. Tous droits réservés. © Éditions Gallimard, 2000, pour l'édition en langue française et pour la Présentation. P RÉ S E NTATION 1 SITUATION Depuis les premières éditions françaises des essais de Walter Benjamin en un (19591), puis en deux volumes (1971 2), l'image et la connaissance qu'a de lui le public français ont beaucoup changé. D' écri­ vain confidentiel et de théoricien subversif et inclas­ sable, il est devenu une référence. À une période de découverte progressive de l'œuvre, publiée par une pléiade d'éditeurs parisiens3, ont succédé des 1 . Walter Benjamin, Œuvres choisies, trad. M. de Gandillac, Paris, Julliard, 1959. 2. Walter Benjamin, Œuvres, t. I, Mythe et Viole n ce, t. II, Po ésie et Révolutio n , Paris, Denoël, coll. Les Lettres Nouvelles, 1971. Des extraits de ces deux tomes ont été réédités en 1983 chez Denoël­ Gonthier, coll. Médiations (Essais 1 et 2). 3. Denoël (Œuvres), Maspéro (Essais sur Brecht) , Payot (Bau­ delaire), Maurice Nadeau (Se n s u n i q ue et E n f a n ce Berli n oise), Hachette (Allema nds ), Flammarion (Le Co n cept de criti q ue esthé­ ti q ue , Origi n e du drame bar oq ue allema n d), Gallimard (Écrits fr a n­ çais), Aubier-Montaigne (Correspo n da n ce), Le Cerf (Paris, capitale du xrxe siècle), Christian Bourgois (Écrits autobiographi q ues, Trois pièces radiopho n i q ues, Lumières pour e n f a n ts, Sur le hachisch, Images de pe n sée), Éditions Carré (Sur l'art et la photographie) ... 8 Œuvres années pendant lesquelles il n'a cessé d'inspirer des auteurs de tout horizon, critiques d'art, philosophes ou critiques littéraires. D'importants colloques se sont succédé, des actes monumentaux ont été publiés, des thèses lui ont été consacrées. Les revues litté­ raires et artistiques ont rivalisé pour publier un essai, un fragment inédit de lui, une feuille de notes, un extrait de sa correspondance. Riches en formules frappantes, se prêtant merveilleusement à la citation, les textes de Benjamin ont servi et servent encore à défendre bien des causes philosophiques, religieuses, politiques, esthétiques, artistiques, littéraires. Peu édité de son vivant et ignoré du grand public, depuis les années soixante il a été reconnu comme initiateur des recherches les plus diverses, considéré comme le symbole de toutes les résistances. Il est ainsi devenu l'objet d'identifications et de projections multiples, avant de connaître à peine une légère désaffection après les célébrations de son centenaire. Aujourd'hui, une admirable édition de ses écrits, de ses traduc­ tions et de sa correspondance 1, une fortune critique considérable dont témoignent plusieurs ouvrages bibliographiques spécialisés 2, une association inter- L Walter Benjamin, Gesammelte Schri ft en, éd. par Rolf Tiede­ mann et Hermann Schweppenhauser avec la participation de Theodor W. Adorno et de Gershom Scholem, t. l-VII, Francfort­ sur-le-Main, Suhrkamp Verlag, 1974-1989 ; suppléments (traduc­ tions) : t. 11-111 (Proust), 1987, t. 1 (traductions diverses : Tzara, Aragon, Balzac, Jouhandeau .. . ). 1999; Gesamme l te Brief e, (voir infr a, n. 1 1). 2. Momme Brodersen, Walter Benjamin. Bibliografia critica generale (1 9 1 3 -1 983} , Palerme, Aesthetica/pre-print, 1984; Mo mme Brodersen et al., Walter Benjamin. Eine kommentierte Bibliographie, Morsum/Sylt, Cicero Presse, 1995 ; Reinhard Markner et Thomas Weber (éds), Literatur über Benjamin. Kommentierte Bibliographie 1 983-1 992 , Hambourg, Argument Verlag, 1993 ; Reinhard Markner et Ludger Rehm, << Bibliographie zu Walter Benjamin (1993- 1997)>.. in Global Benjamin, Munich, Wilhelm Pink Verlag, 1999, t. III. p. 1 849-1916. Présentation 9 nationale 1 et même des sites Internet régulièrement remis à jour2 assurent sa postérité. En Allemagne, son œuvre avait été introduite par ses deux grands amis, Scholem et Adorno, dont les noms figurent encore au générique de l'édition de ses écrits (Gesammelte Schrif ten) ; Rolf Tiede­ mann, Hermann Schweppenhauser et leurs colla­ borateurs en ont poursuivi le travail. En France, malgré la présence discrète d'amis comme Pierre Missac, l'introduction s'est faite en dehors de telles autorités, par le biais de médiateurs qui ne parta­ geaient ni les options philosophiques, religieuses ou politiques, ni les goûts et les engagements littéraires de Ben jamin. On a donc assisté à une appropria­ tion sauvage, partielle, subjective et diverse par l'intermédiaire de traductions et de retraductions qui rapprochaient le penseur et l'écrivain tantôt de Heidegger ou de Bataille, tantôt de Lacan ou de Barthes, tantôt de Brecht ou de Proust. Dans l'ensemble, ces lectures ont été rarement philosophiques, plus souvent littéraires et politiques, parfois d'inspiration religieuse. Benjamin a joué un rôle de maître-à-penser, son œuvre a revêtu un sta­ tut de Bible intellectuelle, sa personne a été inves­ tie d'une << aura», dans un sens qu'il n'aurait guère apprécié, lui qui admirait le Baudelaire de la << Perte d'Auréole ». Canonisé, il a été immunisé contre la critique, ce qui n'a pas manqué de provoquer quelques réactions de rejet total. On pouvait inter­ préter et actualiser sa révolte, mais ni la dater, ni analyser ses positions théoriques, philosophiques ou politiques d'un point de vue critique, ni en interro- 1 . International Walter Benjamin Association: Institute of Com­ parative Literature, University of Amsterdam, Spuistraat 2 10, NL-1012 VT Amsterdam, Pays-Bas ; cette association publie un « Benjamin-Bulletin>>. 2. Notamment http ://www.wbenjamin.org/ (San Francisco). 10 Œuvres ger la pertinence et éventuellement les limites. Il n'a guère suscité la réflexion, mais plutôt des vocations, des postures et des paraphrases. Dans la mesure où son diagnostic de l'impasse moderne a paru à cer­ tains indépassable, l'histoire, à leurs yeux, s'arrêtait en 1940 pour ensuite ne faire que du surplace. Pen­ ser par soi-même n'était plus dès lors nécessaire, il suffisait de citer. Dans la critique d'art internationale, notamment, la figure de l'aura et de sa destruction, devenue presque indiscernable du << retrait de l'être » de Hei­ degger, a acquis la valeur d'un modèle de pensée applicable à une très large variété de phénomènes. Par le biais de cette figure herméneutique, il a été possible d'interpréter les œuvres primitives, antiques ou modernes selon un unique schéma, applicable à n'importe quel objet du même coup investi d'une signification profonde. Ce schéma ne pouvait que finir par s'épuiser à force d'être privé de toute valeur heuristique particulière. La tâche du traducteur et de l'introducteur des essais de Benjamin ne peut plus, désormais, être la même qu'avant cette période d'appropriation intense. Comme partout, la phase de la découverte a tout naturellement été suivie d'un moment de moindre fascination, même s'il y a eu peu de rejets, peu de cri­ tique proprement dite. Le moment est sans doute venu, au stade actuel de la connaissance de l'œuvre, d'assurer à Benjamin un statut non plus de vade­ mecum intellectuel, mais d'auteur classique avec ses points forts et ses points faibles, de critique exem­ plaire mais non infaillible, de sourcier de probléma­ tiques multiples - esthétique de la photographie et du cinéma, de l'architecture, de la ville -, d' explo­ rateur de genres et de styles, de découvreur et redé­ couvreur d'autres auteurs. Dans cette perspective, et même si les termes choi- Présentation 11 sis ne font guère l'objet d'un consensus, même.si l'appropriation sauvage reste la règle compte tenu du statut de l'auteur, il est indispensable de dispo­ ser de traductions fiables, de mettre à profit les éditions critiques des textes originaux et les riches commentaires et notes qui les accompagnent. Mal­ heureusement, la fragmentation et la dispersion des traductions chez de nombreux éditeurs n'ont pas encore permis de présenter au public français une édition comparable à celles dont disposent les publics allemand ou italien. Mais les trois volumes des Œuvres contiennent tout de même un choix de textes importants, dont un ensemble d'inédits en français. II NOUVELLE S LECTURE S En perdant sa fonction de pôle d'identification et d'autorité théorique infaillible, Benjamin peut désor­ mais être lu différemment. On peut le situer dans une époque, qui, après une période de formation scolaire et universitaire sous l'empire de Guillaume Il, s'étend sur la totalité de l'entre-deux-guerres, avec un pre­ mier exil volontaire en Suisse pendant la Première Guerre et un autre, forcé, à partir de 1933, d'abord en Espagne (Ibiza), puis en France et en Italie (San Remo), occasionnellement aussi au Danemark (chez Brecht, à Skovsbostrand près de Svendborg). Si on adopte un tel point de vue historique, Benjamin s'éloigne quelque peu de nous. Il uploads/s3/ walter-benjamin-uvres-i-2.pdf

  • 21
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager