conférence du 9 janvier 2007 par Michel Wlassikoff l’histoire du graphisme en F
conférence du 9 janvier 2007 par Michel Wlassikoff l’histoire du graphisme en France mise en ligne décembre 2007 2 l’histoire du graphisme en France Cette conférence suit un parcours historique des origines à nos jours et, à partir d’une vaste présentation iconographique, offre un panorama sur les différents aspects de la pratique graphique : art de l’affiche, création typographique, graphisme éditorial, graphisme de presse, graphisme d’information, signalétique, graphisme multimédia, habillage télévisuel… Elle entend préciser les développements des questions signaléti- ques depuis un siècle et la dialectique qui en résulte entre le graphisme en tant que tel, destiné à l’imprimé ou à l’écran, et la production des signes dans la ville. Vous êtes venus nombreux à cette conférence, et je vous en remercie. Je suis chercheur dans le champ du graphisme, enseignant, auteur, en l’occurrence, vous trou- verez dans toutes les bonnes librairies l’ouvrage que j’ai commis : Histoire du graphisme en France publié fin 2005 aux éditions Carré au musée des Arts décoratifs. Il y a d’autres antécédents concernant mon travail qui peuvent vous intéresser : des catalogues des expositions au Centre Pompidou sur l’intitulé « Signes » : signes de la jeune création graphique en France ou signes des écoles d’arts en particulier, ainsi que la revue Signes qui, pendant les années quatre-vingt-dix, était un lieu essentiel pour la compréhension de l’évolution de cette discipline. Le signe dans la ville Le graphisme, c’est fondamentalement la possibilité des signes dans la ville. Le signe dans la ville, ce n’est pas uniquement le tag ou le graff, qui représentent un moyen d’ex- pression ou de contestation de l’ambiance urbaine, c’est aussi la volonté — à l’instar de celle des urbanistes, des architectes — de permettre que les gens vivent plus aisément ensemble. Une forme de civilité. Aussi, j’ai décidé d’aborder cette conférence par l’angle de la signalétique. Un angle ouvert malgré tout. En effet, si on s’en tenait à ce qu’on appelle maintenant la signalétique, cela serait quand même relativement restreint et pas forcément d’une qualité esthétique telle qu’on pourrait y puiser des exemples pour l’avenir. En revanche, si l’on interroge le passé, ces questions paraissent emblématiques pour la constitution du graphisme contemporain comme pour la compréhension de ce que pourrait être (ce qu’aurait dû être) un « art de vivre ensemble ». Ainsi, j’ai croisé lors de mes recherches, des éléments sur l’importance accordée à la signalétique dans l’érection de la ville neuve d’Échirolles au début des années 1970. Et sur la manière dont les urbanistes l’ont envi- sagé alors comme un modèle possible pour d’autres grandes cités du même genre. Il se trouve que cette évolution signalétique, dont Échirolles fut un des creusets, a donné lieu durant cette période (fin des années 1970) à l’élaboration de système inédits pour le Rer, les grands aéroports, les autoroutes, etc. On reviendra sur ce moment particulier, qui a permis à la signalétique d’acquérir ses lettres de noblesse, de s’autonomiser vis-à-vis du graphisme. Mais cela correspond également à un certain nombre d’impasses dans ce domaine, comme l’abandon des recherches mises en œuvre par des villes comme Échirolles ou Vitry-sur-Seine, au profit notamment des standards imposés par Decaux et l’intégration de la signalétique au flux publicitaires. Mais, en premier lieu, jetons un regard rétrospectif sur l’élaboration de la notion même de graphisme, au début du xxe siècle. Voyons où se situent les matrices à partir desquelles l’on pourra parler de l’adéquation entre recherche graphique esthétique et ce que je viens de désigner sous le terme de « civilité », qu’on pourra approfondir. Je trouve une de ces matrices originelles non pas chez des graphistes ou typographes, comme on disait alors, mais chez l’architecte Hector Guimard. Guimard produit en 1899 un magnifique album dont vous avez ici la couverture gaufrée, avec ce lettrage très particulier, caractéristique des travaux de cet architecte décorateur de la Belle Époque. 3 Cette sorte de manifeste visuel concerne le Castel-Béranger, à Paris dans le xvie arrondis- sement, immeuble toujours existant, classé monument historique. On est évidemment de plain-pied dans le champ du style art nouveau en architecture, mais de nombreux éléments peuvent déjà nous faire comprendre ce qu’on peut entendre à l’heure actuelle, par graphisme ; c’est-à-dire cet aspect pluridisciplinaire et en même temps fondé essen- tiellement sur un projet qui manie les diverses disciplines dans la quête d’une sorte de synthèse des arts. L’album lui-même est splendide. Mise en page et typographie de Guimard fonctionnent à merveille. À l’intérieur, les photographies sont rehaussées pour certaines à la gouache. C’est une sorte de précédent parce qu’il est rare, au tournant xixe-xxe, de montrer de la photographie. La photo est encore mal ou peu maniée dans les impri- més et dans les périodiques. Mais ce Castel-Béranger qui montre toute la capacité de l’intervention d’un architecte qui se veut un artiste complet de son temps, permet de comprendre que le graphisme (terme qui n’existe pas encore) peut recouvrir beaucoup de choses ou du moins on peut imaginer qu’un graphiste intervienne dans énormément de domaines si tant est qu’on puisse assimiler l’œuvre de Guimard à ce champ. Mais ce n’est pas impertinent, même si c’est un regard construit, a posteriori. Voici l’affiche que Guimard propose pour l’exposition de présentation du Castel-Béranger, avec cette remarquable composition typographique et qui lui permettra d’avoir ensuite accès à une commande très importante du Métropolitain naissant, des premières stations du métro parisien. Tous les édicules qui seront ouverts et destinés aux diverses stations créées à l’occasion du percement des premières lignes du métro en 1901-1902 sont demandés à Guimard. Le dessin de leurs plans est très similaire à celui qu’on vient de voir pour sa campagne de communication à propos du Castel- Béranger. Ici, ce sont des plans d’architecte destinés à la présentation à des commandi- taires. En fait, ces plans préfigurent ce qui est devenu un patrimoine historique. Mais Guimard n’a pas créé une typographie spécifique, un alphabet complet et tous les signes afférents, il a dessiné uniquement un lettrage voué seulement aux indications portées par les édicules, correspondant à leur esthétique globale comme à leur fonctionnement. Ces lettres disent : « métropolitain, station, sortie, entrée, etc. », pas le nom des lieux. Cet alphabet patrimonial a été retravaillé à la demande la Ratp à l’occasion de son centenaire, par un graphiste, David Poullard, sorti de l’Atelier national de recherche typographique au début des années 2000. David Poullard. a véritablement créé le carac- tère typographique que Guimard avait seulement suggéré par ses lettrages, qui n’existait pas auparavant en tant que type exploitable pour toute forme de composition de lettres, de manière à lui donner sa postérité sur tous les édicules encore existants. Au tournant de 1900, la préoccupation majeure chez les artistes comme Mucha, Grasset et bien d’autres, n’est pas uniquement de faire œuvre picturale dans un champ qui est déjà largement exploré depuis une vingtaine d’années, l’art de l’affiche, et qui va le rester encore pendant plusieurs décennies, mais aussi de s’intéresser à la ville dans son ensemble ou dans ses particularités, au bâti, à la construction. Ils développent ainsi un point de vue architectonique sur le dessein dont tout créateur est censé être porteur. Dessein ou design, puisqu’on sait que l’idée de design a été reprise en France et qu’une des définitions du graphisme proposée par le ministère de la Culture dans les années quatre-vingt-dix était précisément « graphisme : dessiner, à dessein », qui classait le graphisme dans ce qu’on appelle les disciplines du projet, comme l’architecture en particulier. Une autre image que je souhaitais vous montrer dans ce préambule un peu paradoxal qui n’attaque pas avec les grands classiques de l’affiche comme Jules Chéret ou Toulouse- Lautrec, mais par Hector Guimard, c’était cette exposition de 1900, contemporaine aux 4 travaux d’Hector Guimard vus précédemment. Cette fameuse exposition universelle de Paris en 1900 est un gigantesque succès, une phénoménale foire architecturale sur les bords de Seine. Et puis, au beau milieu, trônait comme une espèce de signal parmi l’architecture « nouille » environnante, le Pavillon Lu, Lefèvre-Utile, fameux biscuits nantais. Ce qui frappe c’est la très grande désuétude de ces « crèmes chantilly urbai- nes » diverses et variées qui émaillaient le parcours fluvial au bord de la Seine, face à la modernité de ce logotype Lu en lettres linéales, d’une grande simplicité. Ce logotype a traversé le temps. Il a seulement été remanié en 1956 par le designer Raymond Loewy (Français d’origine, il était allé faire ses armes aux États-Unis avant de devenir un des plus grands designers de son époque). Vitesse et urbanité Autre exemple de cette époque, Oxo, une grande œuvre relativement méconnue de Leonnetto Cappiello, un des maîtres de l’affiche des années 1900 jusqu’aux années 1930. Oxo s’inspire des travaux de Jules Chéret dans les années 1880, avec cette capacité de synthétiser l’art de l’affiche à quelques traits et une arabesque simple. Oxo reflète éga- lement l’influence sur Cappiello des recherches picturales des Nabis, Toulouse-Lautrec, Bonnard, Vuillard etc., notamment l’impact singulier que ces peintres avaient réussi à conférer aux affiches uploads/s3/ wlas-sik-off.pdf
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- Publié le Jui 20, 2021
- Catégorie Creative Arts / Ar...
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