IV. Formation des unités lexicales 1. Procédés de formation des mots nouveaux L

IV. Formation des unités lexicales 1. Procédés de formation des mots nouveaux Le vocabulaire d’une langue s’enrichit par 3 voies: par l’évolution sémantique, par la formation des mots et par les emprunts. Parmi les procédés cités la formation des mots nouveaux (les néologismes de forme) tient la première place. Cela s’explique par la richesse en morphèmes de formation, par l’existence des modèles de formation, par le nombre des mots déjà formés. Selon M. Cohen parmi 40000 mots de la langue courante il n’y a que 5000 racines, le reste (sauf les emprunts) est formé en français. Le nombre de mots formés en français suppose un système développé de procédés et de modèles de formation des mots. On distingue la formation morphologique (suffixation, préfixation, dérivation régressive, dérivation parasynthétique), la formation morphosyntaxique (composition, télescopage), la formation sémantique (conversion et transposition), la formation phonético- morphologique (abréviation, onomatopée). Certes, les procédés cités ne sont pas d’une importance égale. Les procédés les plus productifs aujourd’hui sont la dérivation affixale, la composition, la transposition et l’abréviation. 2. Dérivation affixale Les éléments qui composent un lexème sont la racine (pour un mot simple), le suffixe et le préfixe (pour les mots dérivés), la flexion. Les savants discutent l’autonomie des suffixes, face aux flexions. Le problème se pose pour des suffixes comme -ment (formateur d’adverbes), comme -ant (participe présent ou adjectif verbal), comme -é, -i, -u (participe passé, adjectif verbal). Le problème se pose ainsi: pourquoi ne pas les intégrer à la conjugaison verbale sur le même plan que -er ? M.Martinet refuse de confondre les affixes (morphèmes de dérivation) et les flexions (morphèmes grammaticaux), en vertu de trois critères principaux. En premier lieu, le nombre des affixes français détermine un système ouvert à la différence des flexions qui constituent un système fermé et limité. Ensuite, un suffixe a le pouvoir de transformer une classe de mots en une autre (asphalter→asphaltage). Enfin, l’adjonction d’un suffixe modifie le sens lexical du mot (rue→ruelle). Aujourd’hui il est courant de distinguer les suffixes dérivationnels (qui forment des mots nouveaux) et les suffixes flexionnels (docteur→doctoresse) qui n’ont qu’une valeur grammaticale. 3. Préfixes et suffixes Il existe une différence importante entre le préfixe et le suffixe, outre que l’un précède le radical tandis que l’autre le suit. Le préfixe ne modifie pas la classe grammaticale du mot-souche, c’est-à-dire le dérivé par préfixe appartient à la même partie du discours que le mot radical (prévoir, revoir; possible, impossible). Au contraire, la plupart des suffixes forment des mots appartenant à une autre partie du discours (blanc, blanchir; laver, lavage). Certains (Togeby) se sont prévalus de cette constatation pour ne tenir que ce trait pour distinctif et proposer une définition strictement fonctionnelle des préfixes en négligeant la position de l’affixe: de ce fait les diminutifs comme -et, -ette sont classés par Togeby dans la classe des préfixes. Une autre différence non négligeable tient à l’origine de l’affixe. Aucun des suffixes du français contemporain ne peut fonctionner sans être indissolublement lié à son radical; la plupart sont issus d’éléments qui étaient déjà en latin des suffixes. En revanche, nombre de préfixes apparaissent par ailleurs comme prépositions (à, contre, en, entre, outre, par), tantôt comme adverbes (bien, mal, mi), voire comme adjectifs ou comme noms (super, ultra, entra). D’autre part, la plupart des préfixes remontent à des formes latines ou grecques qui apparaissaient tantôt isolés, tantôt accolées à un radical. Ce sont sans doute les raisons pour lesquelles Diez et Darmesteter rangeaient les mots à préfixes parmi les composés. 4. Préfixation Le nombre des préfixes reconnus comme tels varie avec les ouvrages. K. Nyrop, dans sa Grammaire historique, en identifie une cinquantaine. Mais Togeby, qui exclut les formes fonctionnant également comme particules (à-, contre-, en- etc.), les éléments savants repris du latin (per-, pro-, super-, ultra-, extra- etc.) et les préfixes grecs (anti-, auto-, poly-etc.), ne retient que 13 préfixes proprement dits: dé-, é-, mé-, pré-, re-, abs-, circon-, con-, dis-, in-, inter-, ré-, trans- . Dans le Petit Larousse, au contraire, le tableau des préfixes réunit les préfixes proprement dit et les radicaux grecs et latins (pneumo-, radio-, quadru- etc.), soit environ 260 formes. On voit que la plupart des préfixes sont issus de préfixes latins, soit par filiation du latin populaire, soit par emprunt postérieur du latin classique. Les préfixes d’origine grecque ont servi à former le lexique technique, surtout à partir du 16 siècle. Les préfixes d’origine française sont peu nombreux: mé-, mes-, issus du francique mis- (méfaire, médire, mésestimer, se méfier etc.). Tous les préfixes ne se répartissent pas également entre les mots de différentes parties du discours. Mais aucun ne semble exclusivement réservé à enrichir une classe unique. Cette plasticité grammaticale du préfixe ne s’accompagne pas d’une égale plasticité sémantique. Beaucoup de préfixes ont une valeur sémantique bien déterminée: dé-/dés- la privation, l’idée contraire; contre- l’opposition; trans-, ex-, sou- des rapports de mouvement; co-, com-, con- des rapports de simultanéité etc. On ne dispose pas d’études statistiques suffisantes pour apprécier le rendement comparé des différents préfixes. Pourtant, on constate que la formation préfixale est plus productive parmi les verbes que parmi les substantifs et les adjectifs. Les préfixes de formation polulaire (re-, de-) sont plus productifs que les préfixes de formation savante (ré-, dis-). Les préfixes issus du latin (a-, en-, dé-, in-) sont très productifs dans le vocabulaire général, mais le lexique technique préfère les préfixes savants empruntés depuis le 16 siècle. Ainsi, selon G. Dubois et L. Guilbert, la langue moderne s’est constitué un système préfixai des éléments empruntés: archi-, ultra-, extra-, hyper-, super-, supra-, hypo-, sub-, semi- etc. La vulgarisation des connaissances scientifiques et le développement de la publicité aident à faire pénétrer ces éléments formateurs dans la langue commune. On dit aussi bien "il est archifou" que "il est complètement fou". Il en résulte, pour ces préfixes, une valeur expressive (stylistique) qui se superpose à sa valeur sémantique: cela se voit d’une manière nette dans l’usage et l’abus que fait de ces formes le langage de la publicité. 5. Suffixation La dérivation suffixale est un procédé de formation bien productif dans le français contemporain. Cependant cette opinion n’est guère partagée par tous les linguistes. Ch. Bally, G. Marouzeau, A. Dauzat parlent de l’appauvrissement de la suffixation. La thèse principale de Bally est la suivante: a. La dérivation suffixale ne correspond pas au système analytique du français. Le trait principal du système analytique c’est l’ordre progressif des éléments: le déterminé est suivi du déterminant: tt’- une robe neuve. Dans un dérivé suffixal l’ordre des éléments formatifs ne correspond pas à l’ordre progressif. Comparez: chant - eur (t’t). b. Certains mots se terminent par une voyelle et la plupart des suffixes commencement par une voyelle (le français n’aidment pas le hiatus). c. Plusieurs mots français sont monosyllabiques et certains suffixes sont longs, même à deux syllabes (-ation, -ement, -erie). D’autres savants (Pichon, Gilbert, Guilbert) trouvent que la suffixation est en pleine entension. Leurs arguments sont: a. Un très grand nombre de suffixes (200 d’après Cohen). b. L’existence des modèles de formation. c. Le caractère systématique de la suffixation française. d. Le nombre des mots formés par les suffixes. Un examen approfondi confirme la productivité de la suffixation et son rôle important dans l’enrichissement du français de nos jours. Ainsi, l’analyse des néologismes-substantifs du dictionnaire "Les nouveaux mots dans le vent" montre que les mots formés par les suffixes constituent 28%, donc la dérivation suffixale française se porte bien (A. Goosse). On a la même conclusion en considérant certaine souche comme festival qui a donné six dérivés: festivalent, festivalier, festivant, festivaler, festivalien, festivalesque. Autres particularités de la suffixation actuelle (d’après A. Goosse. La néologie française aujourd’hui. P., 1975) a. Les suffixes se font concurrence (la synonymie). Pour exprimer le même objet, on a souvent le choix entre plusieurs suffixes. Certains savants estiment que cette richesse ôte au français tout risque de monotonie. D’autres prétendent qu’elle provoque la perplexité et, par conséquent, entrave la libre création lexicale. b. On notera aussi que l’on préfère souvent le suffixe long aux suffixes courts (-iser à -er), que les suffixes abstraits prédominent (- ation, -isme), que le couple -isme/-iste représente une grande puissance. c. Pour les suffixes d’origine populaire on constate une assez grande vitalité pour -âge, -eur. La plupart des autres suffixes populaires ont des positions assez faibles: -ade, -eux, -et(te). d. Le nombre de dérivés est frappant lui aussi, surtout à partir des anglicismes (jazzifier, scotcher, crackage). e. La dérivation suffixale se fait surtout sur des mots savants. Le résultat est qu’il y a des mots dont la longueur est difficilement supportable: group-uscul-ar-is-ation. Cet exemple confirme l’observation suivante: la dérivation française actuelle s’opère surtout à partir des mots déjà suffixes. 6. Composition et télescopage Les composés se distinguent des dérivés en ce qu’ils comportent plusieurs thèmes de formation (gratte-ciel, wagon-lit). Les savants (A. Martinet, H. Mitterand) distinguent les composés proprement dits, où l’on reconnaît au moins deux mots pouvant fonctionner de manière autonome, c’est-à-dire comme mots simples ou dérivés, et les recomposés qui comportent uploads/s3/ iv-formation-des-unites-lexicales-1-procedes-de-formation-des-mots-nouveaux.pdf

  • 43
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager