Les « Primitifs » italiens (Histoire de l'art) Introduction Les principes novat

Les « Primitifs » italiens (Histoire de l'art) Introduction Les principes novateurs Un nouveau langage pictural : le Decento et le Trecento 1. Généralités 1.1. Introduction Précurseurs de la Renaissance, les peintre Italiens des XIIIè et XIVè siècles, ceux que la critique surnomme généralement les « Primitifs » créent, à partir du modèle traditionnel régnant en Italie depuis des siècles, la « Manière grecque » inspirée de Byzance, un nouvel art de peindre basé sur l’humanisation de la figure, l’introduction du paysage dans le cadre pictural et les premières tentatives de création de peinture architecturale. Ils insufflent ainsi une nouvelle impulsion artistique qui va changer les arts plastiques en Italie, puis plus tard en Europe occidentale. De la Toscane à l’Ombrie, leur créativité se traduit par une production intense d’œuvres sur panneaux de bois ou de fresques à sujets religieux, multipliant les chefs- d’œuvre et produisant quelques génies exceptionnels qui ont nom Cimabue, Duccio ; Giotto, Lorenzetti… Cimabue : La Maesta, Madone en majesté (1285-1286), tempera sur panneau, 385 x 223cm. Florence, galerie des Offices Cette révolution picturale ne s’est pas faite du jour au lendemain, ni ex-nihilo. S’il y a, objectivement, à partir de 1280-1300, une évolution observable dans les peintures produites, il est parfois difficile d’en déterminer avec certitude les moments et les causes. Il y quelquefois des ruptures marquantes, mais on observe le plus souvent une continuité dans l’évolution, ponctuée par de lentes transformations qui se superposent en strates successives sur le fonds commun de la « manière grecque » qui se perpétuera en Italie jusqu’au début du XVè siècle. L’une des difficultés de méthode en histoire de l’art réside dans la compréhension des faits tissés et entrelacés, qui concourent à produire des innovations dont les racines remontent parfois loin dans l’histoire des arts et surtout dans l’histoire des idées et des mentalités. C’est en effet non seulement une révolution picturale, mais aussi culturelle, politique et évidemment théologique qui préside à ces changements profonds. Duccio : Madone et enfant. (N° 593). 1280s. Tempera sur bois, 63 x 49,5 cm. Sienne, Pinacothèque Nationale Autour de la fin du XIIIe, et au début du XIVe, le tournant est pris : si la peinture s’est peu modifiée dans ses sujets, c’est dans la manière de les exposer qu’elle a franchi le pas. Si les thèmes relèvent de l’iconographie chrétienne dans la presque totalité des cas, les formes sont désormais toutes nouvelles. Les conséquences en sont nombreuses. Il y en a principalement trois :  l’humanisation de la figuration de Dieu et des personnages représentés,  l’apparition des paysages terrestres et la relation avec la réalité du monde perçu,  la réalisation picturale d’architectures complexes pour localiser les scènes évoquées. 1.2. Les principes novateurs 1.2.1. L’humanisation des personnages Ce qui frappe immédiatement à comparer des œuvres byzantines, hiératiques, pleines de lointaine majesté, reflétant une théologie de l’absolue transcendance de Dieu, avec les premières peintures des « Primitifs », c’est « l’humanisation » des représentations du Christ, de la Vierge et des saints qui se réalise autour de 1300... La peinture passe à ce moment là d’une figuration essentiellement évocatrice et affirmative de la présence de Dieu, à la représentation d’une humanisation progressive des images du sacré : mais humaniser la figure de Dieu, du Christ, de la Vierge, c’est faire entrer le monde terrestre dans une peinture qui se veut jusque là expression de la transcendance, c’est engager un autre registre de représentation, c’est faire une autre peinture. Représenter le monde terrestre, c’est figurer la réalité du monde perçu : l’espace, les paysages, les architectures des maisons et des villes, les activités des campagnes. Montrer que Dieu est parmi les hommes, c’est aussi peindre les hommes et leur quotidien. Ainsi surgit le quotidien dans l’image peinte : les hommes affairés, les champs, les animaux, les objets, les maisons… Barth'>Barthélémy sur la partie droite. Tempera sur bois, 37 x 23 cm. Sienne, musée de l’Œuvre du Dôme'/> Duccio di Buoninsegna : la Maestà, face avant, détail : les apôtres Jacques le Mineur et Barth'>Barthélémy sur la partie droite. Tempera sur bois, 37 x 23 cm. Sienne, musée de l’Œuvre du Dôme 1.2.1.1. Une nouvelle donne théologique Mais cette révolution picturale est d’abord une révolution spirituelle. Jusqu’au XIIIè, l’Eglise est une structure élitiste et cléricale : les moines vivent en grande partie isolés dans des monastères, havres de culture et de calme, presque à l’abri du monde (même si cette présentation est trop réductrice) ; la hiérarchie vit éloignée du peuple et de son quotidien ; tout à ses querelles, à son prestige, à ses démêlés avec les pouvoirs temporels, le haut clergé a une vision de l’Église où l’homme doit atteindre un Dieu éloigné et transcendant. Christ Pantocrator. Détail de la Deisis de Sainte Sophie de Constantinople. XIIIè siècle. Mosaïque : l’image d’un Dieu transcendant et éloigné Au début du XIIIè siècle, apparaît François d’Assise (1282-1326). Il prêche une pratique nouvelle, basée sur la pauvreté, l’humilité, la fraternité, la nature ; une religion optimiste, faite pour l’homme, avec un Dieu beaucoup plus proche et plus humain. C’est Dieu qui vient à l’homme. Il s’agit d’une évolution radicale et d’un profond bouleversement, relayé après François par son ordre puis celui des Dominicains. Pour les « Frères prêcheurs », l’Église doit aller vers les hommes et non le contraire. La masse des chrétiens n’est plus ce troupeau indiscernable qui doit suivre une religion définie en dehors d’elle, mais devient l’enjeu de l’évangélisation. Il s’agit d’être présent dans les villes, d’être plus près du quotidien des hommes et de diffuser la parole de Dieu, là où se trouvent les concentrations d’individus, au lieu de rester dans des lieux isolés, loin du monde comme les ordres anciens, Bénédictins, Cisterciens ou autres Chartreux. La nouvelle théologie des ordres prêcheurs a pour objet d’être « dans le monde ». Ce changement induit de nouveaux comportements de vie mais aussi de nouveaux moyens d’atteindre le peuple des villes et des campagnes par une théologie « révolutionnaire » dont l’usage d’images efficaces et pédagogiques fait partie. Guido di Graziano : Saint François. Après 1270. Tempera et or sur panneau, 237 x 113 cm. Sienne, Pinacothèque Nationale Non contents d’être les initiateurs et les vecteurs de cette nouvelle théologie, les Ordres prêcheurs, Franciscain et Dominicain, deviennent rapidement les principaux « commanditaires » des œuvres d’art et font réaliser partout fresques, panneaux et retables : l’influence franciscaine est énorme aux XIIIè et XIVè siècles, talonnée par celle des Dominicains et les modèles de saint Dominique (1170-1221) comme ceux de saint François (1182-1226) sont essentiels dans le développement d’une nouvelle église ouverte et citadine. Si Giotto illustre au mieux cette innovation dans l’humanisation des figures, c’est aussi parce que son travail est lié à la théologie franciscaine et aux commandes de l’ordre… Ce qui n’empêche pas d’ailleurs ces Ordres de devenir rapidement rivaux : ainsi, à Florence, au XIIIe, Franciscains et Dominicains se partagent les zones d’influence hors des remparts de la ville : l’est aux Franciscains avec Santa Croce à partir de 1228, l’ouest aux Dominicains avec Santa Maria Novella à partir de 1246. 1.2.1.2. Le rôle de l’image L’image prend donc une importance particulière pour attiser la foi populaire. Giovanni di Genova, dominicain de la fin du XIIIè, résume bien la nouvelle fonction des images dans son « Catholicon » : « Sachez que trois raisons ont présidé à l’institution des images dans les églises : en premier lieu, pour l’instruction des gens simples, car ceux-ci sont enseignés par elles comme par les livres. En second lieu, pour que le mystère de l’Incarnation et l’exemple des saints puissent mieux agir dans notre mémoire en étant exposés quotidiennement à notre regard. En troisième lieu, pour susciter un sentiment de dévotion, qui est plus efficacement excité au moyen de choses vues que de choses entendues ». Ainsi l’image joue le rôle de « propagande » dans cette « nouvelle théologie » beaucoup plus proches des hommes et de leur quotidien, et devient l’expression d’une piété populaire. Aussi les images géantes du Dieu Pantocrator, dominant du haut des voûtes des églises, comme celui de la cathédrale de Monreale en Sicile (1190), ces figurations de la transcendance évoluent vers les représentations d’un Christ homme au milieu des hommes, tel qu’on peut l’observer dans les œuvres de Giotto à Assise ou à Padoue. On passe du Christ géant et terrifiant du « Jugement dernier » trônant dans la cité céleste, au Christ fraternel de la cité terrestre. Dans les fresques de Giotto (1267-1337), le Christ est de la même taille que les figurants ou les bourreaux dans des scènes de crucifixion ou de flagellation, images impensables au XIIè ou dans les figurations byzantines où le monde du divin ne s’interpénètre jamais avec le monde des humains. Figurer un Christ sur le même plan, de la même taille, de la même corporalité qu’un homme banal, telle est la première révolution inventée par ces peintres toscans ou ombriens du XIIIè. Giotto : scènes de la vie du Christ uploads/s3/ les-primitifs-italiens-histoire-de-l-x27-art.pdf

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