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esse arts + opinions Document généré le 15 mai 2017 05:05 esse arts + opinions Partager sa « petite affaire privée » : Claire Savoie et Cristina Nuñez Céline Huyghebaert Objets animés Numéro 75, Printemps–Été 2012 2 1 9 2 Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les éditions esse ISSN 0831-859X (imprimé) 1929-3577 (numérique) 2 1 9 2 Découvrir la revue Citer cet article Céline Huyghebaert "Partager sa « petite affaire privée » : Claire Savoie et Cristina Nuñez." esse arts + opinions 75 (2012): 70–73. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter en ligne. [https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique- dutilisation/] Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. www.erudit.org Tous droits réservés © CélineHuyghebaert, 2012 70 ARTICLES sont brouillées par notre utilisation intempestive des réseaux sociaux comme Facebook, qui exploitent et surexposent les petites affaires du moi, on pourrait les juger caduques. Elles viennent pourtant réanimer un vieux soupçon jamais évanoui sur les liens que peuvent entretenir la parole privée et le geste artistique. Sous le thème Lucidités. Vues de l’intérieur, le Mois de la Photo de cette année rassemblait des artistes qui utilisent l’acte photographique comme processus d’introspection. La commissaire invitée, Anne-Marie Ninacs, proposait d’appréhender les œuvres non comme des illustrations, mais comme des questionnements existentiels et introspectifs sur les réalités du monde, comme des «outils d’existence3». Les expositions de Claire Savoie et de Cristina Nuñez venaient alors offrir au visiteur de l’édifice Belgo deux stratégies très différentes de récits photographiques et vidéographiques qui poussaient l’expérience au-delà du « médiocre » et « immonde » bégaiement de ces petites affaires privées (celles qui ne nous permettent bien souvent que de « bé-bé-bé bégayer, comme ça », dit Deleuze) jusqu’à ce point où l’œuvre porte atteinte à la structure et au socle même du langage sur lequel elle repose. L’intime – du latin intimus, superlatif de interior – désigne ce qui est au plus profond de l’être. Sa frontière avec le privé reste trouble, comme l’illustre l’exemple donné par Manon Brunet dans Discours et pratiques de 3. Voir Jacques Doyon, « Anne-Marie Ninacs – À propos de Lucidité. Vues de l’intérieur » (entrevue), Montréal, Ciel variable : Art, photo, médias, culture, n° 88 (septembre- décembre 2011), p. 96. Si la règle de Barthes, «donner l’intime, non le privé1», circonscrit bien la pudeur dans laquelle il est bon de draper la parole publique, plusieurs œuvres exposées pendant la 12e édition du Mois de la Photo à Montréal s’y dérobaient. Les expositions Aujourd’hui (dates-vidéos) de la Québécoise Claire Savoie, à la Galerie SBC, et Someone to love / Une personne à aimer (1988-2011), de l’Espagnole Cristina Nuñez, au Centre des arts actuels Skol, proposaient d’élaborer un territoire universel à partir de matériaux privés ou, pour les nommer autrement, à partir de cette « petite affaire privée» que Deleuze dénonce à la lettre E de son Abécédaire filmé. «C’est vraiment les connards, geint-il, c’est vraiment l’abomination de la médio- crité littéraire, de tout temps, mais particulièrement actuellement, qui fait croire aux gens que pour faire un roman, il suffit d’avoir une petite affaire privée [...]. Mais c’est une honte, quoi, c’est une honte de penser des choses comme ça ! Ce n’est pas l’affaire privée de quelqu’un, écrire, c’est vraiment se lancer dans une affaire universelle2.» Avant d’aller plus loin, on se doit de le rappeler, cette intransigeante injonction a été for- mulée dans le double contexte d’un vif engouement, à partir des années 1960, pour les récits de vie stéréotypés, destinés à une consommation rapide, et de la naissance du poststructuralisme qui a libéré le sens de l’œuvre des contingences qui le reliaient jusqu’alors à l’auteur. À les relire aujourd’hui, alors que les frontières entre privé, intime, secret et public 1. Roland Barthes, La préparation du roman I et II [Texte imprimé], cours et séminaires au Collège de France, 1978-1979 et 1979-80, Paris, Seuil / Traces écrites, 476 p. 2. Pierre-André Boutang, Abécédaire de Gilles Deleuze. Entretiens avec Claire Parnet, 2004. C É L I N E H U Y G H E B A E R T P A R T A G E R S A « P E T I T E A F F A I R E P R I V É E » C L A I R E S A V O I E E T C R I S T I N A N U N ˜ E Z Claire Savoie, Aujourd’hui (dates-vidéos, calendrier), vue partielle d’installation | partial installation view, 2011. photo : Donald S. Diamond, permission de l’artiste et SBC galerie d’art contemporain, Montréal Y G H E R A F F A I R E S R I S T I N A Y G H E R A F F A I R E R I S T I N A E B A E R T A V O I E N Si la règle de Barthes, « la pudeur dans laquelle il est bon de draper la parole publique, plusieurs œuvres exposées pendant la 12 dérobaient. Les expositions Claire Savoie, à la Galerie SBC, et (1988-2011), de l’Espagnole Cristina Nuñez, au Centre des arts actuels Skol, proposaient d’élaborer un territoire universel à partir de matériaux privés ou, pour les nommer autrement, à partir de cette « » que Deleuze dénonce à la lettre vraiment les connards, geint-il, c’est vraiment l’abomination de la médio crité littéraire, de tout temps, mais particulièrement actuellement, qui fait croire aux gens que pour faire un roman, il suffit d’avoir une petite affaire privée [...]. Mais c’est une honte, quoi, c’est une honte de penser des choses comme ça c’est vraiment se lancer dans une affaire universelle loin, on se doit de le rappeler, cette intransigeante injonction a été for mulée dans le double contexte d’un vif engouement, à partir des années 1960, pour les récits de vie stéréotypés, destinés à une consommation rapide, et de la naissance du poststructuralisme qui a libéré le sens de l’œuvre des contingences qui le reliaient jusqu’alors à l’auteur. À les relire aujourd’hui, alors que les frontières entre privé, intime, secret et public Roland Barthes, au Collège de France, 1978-1979 et 1979-80, Paris, Seuil / Traces écrites, 476 p. Pierre-André Boutang, Si la règle de Barthes, « la pudeur dans laquelle il est bon de draper la parole publique, plusieurs œuvres exposées pendant la 12 dérobaient. Les expositions Claire Savoie, à la Galerie SBC, et (1988-2011), de l’Espagnole Cristina Nuñez, au Centre des arts actuels Skol, proposaient d’élaborer un territoire universel à partir de matériaux privés ou, pour les nommer autrement, à partir de cette « » que Deleuze dénonce à la lettre vraiment les connards, geint-il, c’est vraiment l’abomination de la médio crité littéraire, de tout temps, mais particulièrement actuellement, qui fait croire aux gens que pour faire un roman, il suffit d’avoir une petite affaire privée [...]. Mais c’est une honte, quoi, c’est une honte de penser des choses comme ça c’est vraiment se lancer dans une affaire universelle loin, on se doit de le rappeler, cette intransigeante injonction a été for mulée dans le double contexte d’un vif engouement, à partir des années 1960, pour les récits de vie stéréotypés, destinés à une consommation rapide, et de la naissance du poststructuralisme qui a libéré le sens de l’œuvre des contingences qui le reliaient jusqu’alors à l’auteur. À les relire aujourd’hui, alors que les frontières entre privé, intime, secret et public La préparation du roman I et II au Collège de France, 1978-1979 et 1979-80, Paris, Seuil / Traces écrites, 476 p. Pierre-André Boutang, Si la règle de Barthes, « la pudeur dans laquelle il est bon de draper la parole publique, plusieurs œuvres exposées pendant la 12 dérobaient. Les expositions Claire Savoie, à la Galerie SBC, et (1988-2011), de l’Espagnole Cristina Nuñez, au Centre des arts actuels Skol, proposaient d’élaborer un territoire universel à partir de matériaux privés ou, pour les nommer autrement, à partir de cette « » que Deleuze dénonce à la lettre vraiment les connards, geint-il, c’est vraiment l’abomination de la médio crité littéraire, de tout temps, mais particulièrement actuellement, qui fait croire aux gens que pour faire un roman, il suffit d’avoir une petite affaire privée [...]. Mais c’est une honte, quoi, c’est une honte de penser des choses comme ça c’est vraiment se lancer dans une affaire universelle loin, on se doit de le rappeler, cette intransigeante injonction a été for mulée dans le double contexte d’un vif engouement, à partir des années 1960, pour les récits de vie stéréotypés, destinés à une consommation rapide, et de la naissance du poststructuralisme qui a libéré le sens de l’œuvre des contingences qui le reliaient jusqu’alors à l’auteur. À les uploads/s3/ petite-affaire-privee.pdf

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