La lutte des classes des unités linguistiques : micro- et macro-syntaxe The cla

La lutte des classes des unités linguistiques : micro- et macro-syntaxe The class struggle between linguistic units: micro- and macro-syntax María Luisa Fernández-Echevarría1 Abstract: In a synchronic approach to discourse we postulate a dynamic unit that constructs macro-syntactic meaning as it is uttered. This conventionalised segment (fr. période énonciative), elaborated in order to anticipate the reactions of the hearer, forms part of a linguistic repertory (vocabulary) while at the same time behaving as a space-time module (syllabification). Conceived in this way, this unit is flexible enough to undergo possible deformation and accentual attrition in the evolution of a given language. It is also the basis of a meta-language capable of generating progressively more precise linguistic objects whose categorial membership is a matter of debate. We may observe this conventionalised segment in the analysis of set expressions (paremies) that testify to shared meanings and, by default, in automatic deviant sub-titles that reveal the shortcomings of a virtual translator. Key words: meso-syntax, paremiology, conventionalised segments, phonology, syllabification, virtual translator. Introduction : séquences médianes, macro-syntaxe et micro-syntaxe2 Pour pouvoir rendre compte de la cohérence et la cohésion textuelles et de l’harmonie entre macro- et micro-syntaxe, nous avons cherché le lieu (trope) où se produit l’interprétation sémantique. Le résultat de notre étude indique qu’elle se produit dans les séquences médianes composées de « mots prosodiques » (Martin3) signifiants, c’est-à-dire à l’intérieur des groupes syllabiques dont la longueur peut être enregistrée 1 Universidad Complutense Madrid/Modyco Paris X ; luisafernandez@ucm.es. 2 Je tiens à remercier les deux relecteurs anonymes, ainsi que Liana Pop et Daciana Vlad, pour leurs relectures soignées et précises, qui ont fait possible la parution de cet article dans les meilleures conditions. 3 Voir Martin: http://new.projet-pfc.net/index.php?option=com_docman&view=docum ent&layout=default&alias=285-martin-la-structure-prosodique-cognitive-realisations- regionales&category_slug=journees-pfc-paris-2011&Itemid=215. Studii de lingvistică 5, 2015, 179 - 202 María Luisa Fernández-Echevarría 180 dans la mémoire phonologique (6/7 syllabes en français) et encodée selon des inflexions intono-accentuelles. Cette procédure de sémantisation a un caractère sémiologique car, comme l’indique Coursil (2000 : 73), « la forme d’inscription première d’une pratique dans la langue est le vocabulaire, […] l’environnement d’un sujet de langage est partout sémiotisé […] et le langage est présent sous chaque geste du sujet ». Le caractère phonologique du « mot prosodique » et le caractère sémiologique du vocabulaire font concevoir une unité linguistique qui dispute son statut de mot avec le mot lexical, puisqu’il faut distinguer : le « lexique » relevant d’une grammaire de valeurs pures, du «vocabulaire» relevant d’une sémiologie de pratique particulière, c’est-à-dire d’un système de signes. Ainsi distingués, on dira que dans la langue, les formes lexicales ont une diachronie, alors que dans une sémiologie, les signes de vocabulaire ont une ethno-histoire. (Coursil 2000 : 73-74) Dans ce double cadre de signes et formes lexicales nous envisageons trois niveaux : - le niveau micro-syntaxique d’articulation syllabique (morpho-syntaxe), - le niveau méso-syntaxique d’articulation phonémique (phonologie/sémiologie), - le niveau macro-syntaxique de reconstruction textuelle (liens « logiques »). Ces trois niveaux correspondent aux « trois systèmes de repérages » utilisés par les langues selon Renaud (2005 : VII) : « les repérages déictiques par rapport au moment d’énonciation, les repérages anaphoriques par rapport au point de référence fourni par le contexte et le repérage calendérique ». Nous avons donc une interaction de paramètres catégoriels pour organiser les icônes signifiants répertoriés dans le système de la langue. Les signifiants se présentent comme des segments syllabiques bornés : les périodes énonciatives (PE dans ce qui suit) que l’on va aborder ici par le biais des figements linguistiques (parémies, phraséologies, collocations, locutions, dictons, proverbes…)4. Les PE font partie d’un lexique verbalisé où, comme dans les proverbes, « la structure n’est pas indépendante de la syntaxe avec laquelle elle est exprimée » car : « […] dans la mémoire collective où grand nombre de parémies sont enregistrées, on voit se configurer un réservoir de syntaxe orale et c’est dans ce réservoir que des schémas générateurs de nouvelles formulations se conforment […]5 » (Bizarri 2004 : 58). 4 Voir Sevilla Muñoz & Crida Álvarez (2013) pour des classifications détaillées. 5 “La estructura sobre la que se sustenta su formulación, no es independiente de la sintaxis con la que se la expresa […] en la memoria colectiva, donde se guardan gran cantidad de paremias, se conforma un reservorio que configura la sintaxis oral, y se crean esquemas que luego generan nuevas formulaciones.” (notre traduction). La lutte des classes des unités linguistiques : micro- et macro-syntaxe 181 Ce réservoir de syntaxe orale trouve sa place (locus) entre la micro- et la macro-syntaxe. A un niveau intermédiaire (méso- syntaxique), l’énonciateur combine et manipule des structures signifiantes, emmagasinées dans la mémoire collective. Il assure l’interface entre micro- et macro-syntaxe à travers la syllabation, où la contiguïté joue un rôle syntaxique par référence à une réalité « méta/extralinguistique ». Nous cherchons aussi la piste de ces unités signifiantes, modulaires et en constante génération, dans l’analyse de l’activité interprétative du traducteur. Notre travail est divisé en quatre parties. Dans la 1ère partie nous rappelons notre classification syllabique des expressions figées proverbiales en 6 catégories. Ce premier travail permet de repérer les constantes phonologiques d’ouverture/fermeture prosodique ancrées dans leur constitution, similaires en français et en espagnol, pour les opérateurs que nous proposons. Dans la 2ème partie nous argumentons sur la notion de télicité (complétude énonciative) qui met en place un sujet d’énonciation qui organise son discours en fonction de l’entendant. Nous signalons quelques caractéristiques différentielles d’encodage accentuel du français par rapport à l’espagnol pour montrer comment il implique de subtiles transformations dans les unités lexicales. Dans la 3ème partie nous présentons quelques exemples de segments syllabiques a-significatifs figurant dans un sous-titrage automatique sur Internet et les traitons en termes de fréquences morphologiques déviantes par rapport au modèle audio transcrit par nos soins. Dans la 4ème partie nous spécifions quels « types » de séquences signifiantes pourraient servir dans l’étude contrastive des langues et/ou à l’implémentation de systèmes de traduction automatique. Finalement, nous concluons que quatre catégories syntaxiques principales opèrent pour déterminer le choix d’éléments signifiants au niveau de la méso-syntaxe, dont deux nucléaires (syllabiques) et deux par composition (rapports syntagmatiques). Par leur caractère interactif morphologique, ces quatre catégories se constituent en éléments générateurs du discours et peuvent être réduites à deux (signifiants dérivables/non dérivables). Les séquences médianes signifiantes, par leur typologie phono/sémiologique, sont le substrat d’une catégorisation linguistique dynamique présente dans le traitement automatique des textes et pouvant rendre explicite leur contenu pragmatique. 1. La génération des unités linguistiques : le domaine de la méso-syntaxe Nous définissons la méso-syntaxe comme le domaine où une ouverture/fermeture énonciative détermine des unités signifiantes par rapport à un co(n)texte macro-syntaxique. Ce terrain d’analyse intermédiaire présente des unités lexicales sans lesquelles aucune María Luisa Fernández-Echevarría 182 catégorisation linguistique n’est possible. Nous choisissons parmi ces catégories les parémies qui, ayant été largement étudiées par la phraséologie, ont acquis un statut lexical spécial dans le cadre du discours. Elles sont en effet aisément repérables par tout locuteur expert et sont signifiantes par leur caractère « autonome illocutoire »6. Dans ce qui suit, nous en présentons un échantillon d’exemples après avoir réalisé une étude de quelque 600 formes proverbiales 7 en nous inspirant de l’approche sémiologique de Coursil (2000). Cette étude montre les caractéristiques communes des séquences lexicales médianes en français/espagnol, qui devraient opérer dans toutes les langues, par rapport à 6 critères : - leurs formes récurrentes assonantes (critère rythmique) ; - la polarité (opposition forme affirmative vs négative) ; - l’utilisation d’éléments isosyllabiques de reprise (pronominalisation/ déictiques/ embrayeurs) ; - la dérivation lexicale (morphologie verbale, adjectivale, (pro)nominale) ; - la modalité allocutive (interrogation, impératives, discours direct/indirect) et, par défaut, - l’absence de critères de constitution interne (déclaratives pures, simples ou par composition). La 6ème catégorie, non définissable en termes de constitution fréquentielle interne, intègre les structures tautologiques 8 , selon Schapira (2012). Nous l’avons répertoriée par défaut et, en tant que PE « pure », elle fait partie de la 3ème partie de notre travail, centrée sur la traductibilité. Les parémies de ce dernier type, malgré leur constitution neutre, sont facilement repérables par leur effet accentuel en position initiale et finale, se conformant assez bien à l’étiquette de « périodes intonatives » dans la terminologie de Lacheret-Dujour & Victorri (2002). Nous les avons analysées en termes d’extension pure linéaire en limitant leur espace dialogique énonciatif (méso-syntaxe) grâce au repérage de points d’inflexion prosodiques que nous avons symbolisés par le signe # (dièse/hashtag). 2. Prosodie et périodes énonciatives Pour définir les PE nous avons eu recours à leur caractère de signe linguistique. Dans la perspective saussurienne, « le signifiant étant de nature auditive, se déroule dans le temps seul et a les caractères qu’il emprunte au temps : a) il présente une étendue, et b) cette étendue 6 Nous empruntons la terminologie de Kahane & Pietrandrea (2009). 7 Fernández-Echevarría (2014a&b). 8 Ou « assertions superflues » faisant partie de ce qu’Anscombre (2006c, apud Schapira 2012 : 105) appelle « le savoir populaire », un savoir primaire et basique, populaire en ce qu’il uploads/s3/ fernandez-echevarria.pdf

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