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07/10/2020 Philosophie. Jacques Darriulat www.jdarriulat.net/Auteurs/Platon/PlatonMusique.html 1/18 Jacques Darriulat AUTEURS PLAN GENERAL DU SITE Accueil Introduction à la philosophie esthétique Essais Auteurs Rechercher Contact Mise en ligne : 1er septembre 2012 ARISTOTE AUGUSTIN BALZAC BAUDELAIRE CHATEAUBRIAND DANTE DELEUZE DESCARTES DIDEROT DOSTOÏEVSKI DUBOS HANSLICK HEGEL HEIDEGGER HOMERE KANT KIERKEGAARD LACAN MICHEL-ANGE MONTAIGNE NIETZSCHE PASCAL PLATON 1- Introduction à la philosophie de Platon 2- Mimesis 3- Philosophie et musique 4- Le jeu dialectique 5- Hippias Majeur 6- Ion 7- Gorgias 8- Le Banquet 9- Phédon 10- République 11- Phèdre 12- Théétète 13- Politique 14- Philèbe PLOTIN PROUST Paris IV, Master I, 2009. PLATON : PHILOSOPHIE ET MUSIQUE Textes : Platon, République, III et X, (GF) ; Phédon (« la philosophie est la plus haute musique » ; le chant des cygnes d’Apollon) ; Phèdre (le délire des Muses) ; Banquet (Socrate, joueur de flûte) ; Philèbe (les sons et les couleurs qui inspirent des plaisirs vrais) ; Les Lois, livres II et VIII ; Timée (l’harmonie mathématique du cosmos). Aristote, La Politique, livre VIII ; La Poétique. Aristoxène de Tarente, Eléments harmoniques, trad. Ch.-E. Ruelle, éditions Pottier de Lalaine, Paris, 1870. Plutarque, De la musique, texte traduction et commentaire par François Lasserre, précédé d’un essai sur « L’Education musicale dans la Grèce antique », p. 13-95, Olten et Lausanne, 1954. Théon de Smyrne, Exposition des connaissances mathématiques utiles pour la lecture de Platon, trad. J. Dupuis, Hachette, 1892 Livre II, « contenant les lois numériques de la musique... ». Aristide Quintilien, La Musique, trad. et comm. de François Duysinx, Droz, Genève, 1999. Augustin De Musica (Œuvres, « Pléiade », tome I, p. 553-730). Travaux : Evanghelos Moutsopoulos, La Musique dans l'oeuvre de Platon, PUF, 1959 (un ouvrage pionnier sur le thème, des données historiques mais beaucoup d'imprécisions dans l'analyse conceptuelle). Bernard Piettre, « Musique et philosophie chez Platon », p. 15-48, dans Musique et philosophie, sous la direction d’Anne Boissière, Centre National de Documentation Pédagogique, Paris, 1997. Pierre Maxime Schuhl, « Platon et la musique de son temps », in Etudes platoniciennes, PUF, 1960, p. 100-112. Louis Laloy, Aristoxène de Tarente, disciple d'Aristote, et la musique dans l'antiquité, Société française d'imprimerie et de librairie, Paris, 1904 (Minkoff Reprint, Genève, 1973). Paris, Annie Bélis, Aristoxène de Tarente et Aristote : le Traité d’harmonique, Klincksieck, 1986. Sur Augustin : Henri Davenson (pseudo. de Henri Irénée Marrou), Traité de la musique selon l’esprit de saint Augustin, Neuchâtel, La Baconnière, 1942. Marianne Massin, Les Figures du ravissement ; Enjeux philosophiques et esthétiques, Grasset, 2001 (première partie : « Figures platoniciennes du ravissement »). Moyen Age : Boèce, Traité de la musique, introd. et trad. par Christian Meyer, Brepols, 2004 ; Jérôme Baschet, « La Musique de l’homme au XIIe siècle », dans L’Iconographie médiévale, Gallimard, « Folio-Histoire », 2008. Bernard Sève, L'Altération musicale, Seuil, 2002. *** On lit dans le livre III de La République une longue dénonciation de la magie incantatoire de la poésie comme de la musique. L’homme philosophique, le citoyen d’une cité autonome qui délibère par elle-même et connaît les raisons de ses choix, qui se connaît elle-même, qui est à elle-même sa propre mesure selon la leçon des sophistes, est une invention récente. Dans les âges obscurs, la connaissance ne procédait 07/10/2020 Philosophie. Jacques Darriulat www.jdarriulat.net/Auteurs/Platon/PlatonMusique.html 2/18 ROUSSEAU SCHLOEZER SCHOPENHAUER SPINOZA VALERY WINCKELMANN pas de la réflexion attentive de l’esprit en son for intérieur, mais au contraire de la révélation du dieu et de l’expérience de la possession. Le Ion, dialogue de la jeunesse, avait déjà instruit le procès de l’envoûtement inspiré par le charme poétique. Le propos est le même dans La République : il s’agit de « purifier » (selon l’expression de 399 e) la cité de toutes les formes de délires et de possessions qui la menacent (diakathairontes truphan polin : purifier la cité de la mollesse, de l'indolence sensuelle qui l'infecte). Il s’agit de mettre en garde l’humain contre l’inhumain qui menace et s'annonce par la tentation de l'ivresse et le vertige de la possession. C’est pourquoi Platon dit préférer « Apollon et les instruments d’Apollon à Marsyas et les instruments de Marsyas » (399 e), et le souffle de la raison (o logos pneuma, 394 d) à l’ivresse dionysiaque. La pédagogie platonicienne prend donc la forme d’un exorcisme : maîtriser le vertige de l’enthousiasme et rétablir l’homme en son centre, par la prudence (sôphrosunê est un maître-mot du livre III) et par l’idéal civil de l’honnête homme (kalos kagathos). La critique de la magie mimétique porte d’abord sur l’invocation poétique : le poète est un visionnaire, il convoque des apparitions, il fait croire à la présence de ce qui est absent : ainsi nous inspire-t-il l’épouvante en nous représentant le monde pourtant invisible de l’Hadès (386 a sq), en nous faisant entendre les voix de l’au-delà dans les lamentations et les vociférations rituelles qui accompagnent les funérailles, dans le chant de deuil que les Grecs nomment le thrène (387 d sq). Le poète attribue aux dieux un rire inextinguible (Platon cite l’Iliade en 389 a), rire diabolique ou fou-rire qui évoque la convulsion des possédés, et qui ne convient pas à la sérénité des Olympiens. Platon condamne encore le mensonge, celui qui ment étant comme possédé par la fiction qu’il invente, le menteur devenant ainsi victime d’un dédoublement de la personnalité et d’un vertige de l’identité (« Il n’y aura pas chez nous d’hommes doubles ni multiples : diplous anêr oude pollaplous, 397 e »), à la façon du récitant qui se persuade de la réalité des événements qu’il déclame, il condamne encore la colère d’Achille, objet de l’invocation à la Muse qui ouvre l’Iliade (390 e). Résumant alors ces divers exemples, il élabore une théorie de la magie poétique, de l’incantation mimétique : le charme de la poésie provient de ce que le poète rend présentes les figures qu’il invoque, il rend visible l’invisible et convoque les disparus. Aussi parle-t-il toujours au style direct, faisant entendre les voix diverses des héros, mimées par l’homéride sur la scène où il s’exhibe : la transposition du poème au style indirect en détruit aussitôt toute la magie, comme Socrate le montre ironiquement en appliquant ce remède au chant premier de l’Iliade (392 e sq). Et il faut encore se garder, ajoute-t-il, d’imiter les fous, qui sont des possédés (mainomenois, 396 a) et, plus étrangement encore, d’imiter les forgerons ou les rameurs (396 a) : le marteau frappe la forge comme la rame frappe en cadence les flots, au rythme du tambour. Le rythme, la parole accentuée (lexis et non logos) de la déclamation poétique, la scansion du vers sont facteurs de contagion mimétique, de possession démoniaque. Enfin Platon recommande, en une amplification saisissante, de ne pas imiter « les hennissements des chevaux, les mugissements des taureaux, le murmure des rivières, le fracas de la mer, le tonnerre » (396 b) et, un peu plus loin, « le bruit du tonnerre, des vents et de la grêle, des essieux, des poulies, des trompettes, des flûtes, des chalumeaux […] et les voix des chiens, des moutons et des oiseaux » (397 a). L’incantation poétique accède ici à une dimension véritablement cosmique, le poète ne faisant pas entendre le chant du monde mais plutôt le bruit inhumain de tout ce qui n’a pas été touché par la grâce de la parole : les hurlements de la bestialité, le tohu-bohu des éléments, le vacarme panique d’un univers qui ne parle pas le langage des hommes. On a remarqué qu’entre le tonnerre et la grêle, Platon cite en passant la trompette, la flûte et le chalumeau, instruments du dieu Pan et du satyre Marsyas. La poésie, qui était déclamée et non lue dans l’Antiquité, est la musique de la voix, et lorsqu’il entend poser un garde-fou contre le soulèvement du délire poétique, ce n’est pas au texte ni à la composition que pense ici Platon, mais à l’incantation de la voix (la lamentation de la pleureuse) et au 07/10/2020 Philosophie. Jacques Darriulat www.jdarriulat.net/Auteurs/Platon/PlatonMusique.html 3/18 gémissement du bruit (le grincement de l’essieu, le hennissement du cheval, le mugissement du vent). C’est pourquoi, selon Platon, l’essence de la mimêsis poétique comme musicale réside dans la fiction du style direct : l’imitateur s’efface sous le masque et se métamorphose dans le personnage qu’il invoque, commençant le mensonge théâtral qui conduira la cité à sa perte (Rép III, 393a-394b). Le mal consiste en cette dépossession de la conscience de soi qui donne sa mesure à l’âme et fonde la connaissance véritable. Toute science se fonde sur cette connaissance que la connaissance peut avoir d’elle-même, et dès que l’âme cède à l’inconscience, au vertige et à la transe, dès qu’elle choisit l’inspiration plutôt que la réflexion, dès qu’elle préfère la connaissance prophétique à la connaissance philosophique, elle perd aussitôt toute mesure, et se met en danger de sombrer dans l’inhumain. La musique fait partie de ces magies, elle est même la plus puissante d’entre elles, qui a pouvoir d’arracher l’âme à elle-même, et de la livrer aux puissances extérieures. Aussi uploads/s3/ philosophie-jacques-darriulat.pdf

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