OPOSICIONES PROFESORES DE E. SECUNDARIA ESPECIALIDAD FRANCÉS BURGOS 2018 TEXTE

OPOSICIONES PROFESORES DE E. SECUNDARIA ESPECIALIDAD FRANCÉS BURGOS 2018 TEXTE 1 Je connais la faim, je l’ai ressentie. Enfant, à la fin de la guerre, je suis avec ceux qui courent sur la route à côté des camions des Américains, je tends mes mains pour attraper les barrettes de chewing-gum, le chocolat, les paquets de pain que les soldats lancent à la volée. Enfant, j’ai une telle soif de gras que je bois l’huile des boîtes de sardines, je lèche avec délices la 4 cuiller d’huile de foie de morue que ma grand-mère me donne pour me fortifier. J’ai un tel besoin de sel que je mange à pleines mains les cristaux de sel gris dans le bocal, à la cuisine. Enfant, j’ai gouté pour la première fois au pain blanc. Ce n’est pas la miche du boulanger — ce pain là, gris plutôt que bis, fait avec de la farine avariée et de la sciure de bois, a failli me tuer 8 quand j’avais trois ans. C’est un pain carré, fait au moule avec de la farine de force, léger, odorant, à la mie aussi blanche que le papier sur lequel j’écris. Et à l’écrire, je sens l’eau à ma bouche, comme si le temps n’était pas passé et que j’étais directement relié à ma petite enfance. La tranche de pain fondant, nuageux, que j’enfonce dans ma bouche et à peine avalée j’en demande encore, 12 encore, et si ma grand-mère ne le rangeait pas dans son armoire fermée à clef, je pourrais le finir en un instant, jusqu’à en être malade. Sans doute rien ne m’a pareillement satisfait, je n’ai rien goûté depuis qui a comblé à ce point ma faim, qui m’a à ce point rassasié. Je mange le Spam américain. Longtemps après, je garde les boîtes de métal ouvertes à la 16 clef, pour en faire des navires de guerre que je peins soigneusement en gris. La pâte rose qu’elles contiennent, frangée de gélatine, au goût légèrement savonneux, me remplit de bonheur. Son odeur de viande fraîche, la fine pellicule de graisse que le pâté laisse sur ma langue, qui tapisse le fond de ma gorge. Plus tard, pour les autres, pour ceux qui n’ont pas connu la faim, ce pâté doit 20 être synonyme d’horreur, de nourriture pour les pauvres. Je l’ai retrouvé vingt-cinq ans plus tard au Mexique, au Belize, dans les boutiques de Chetumal, de Felipe Carrillo Puerto, d’Orange Walk. Cela s’appelle là-bas carne del diablo, viande du diable. Le même Spam dans sa boîte bleue ornée d’une image qui montre le pâté en tranches sur une feuille de salade. 24 Le lait Carnation aussi. Sans doute distribué dans les centres de la Croix-Rouge, de grandes boîtes cylindriques décorées de l’oeillet carmin. Longtemps, pour moi, c’est la douceur même, la douceur et la richesse. Je puise la poudre blanche à pleines cuillerées que je lèche, à m’en étouffer. Là aussi, je puis parler de bonheur. Aucune crème, aucun gâteau, aucun dessert par la suite ne 28 m’aura rendu plus heureux. C’est chaud, compact, à peine salé, cela crisse contre mes dents et les gencives, coule en liquide épais dans ma gorge. Cette faim est en moi. Je ne peux pas l’oublier. Elle met une lumière aiguë qui m’empêche d’oublier mon enfance. Sans elle, sans doute n’aurais-je pas gardé mémoire de ce temps, de ces 32 années si longues, à manquer de tout. Être heureux, c’est n’avoir pas à se souvenir. Ai-je été malheureux? Je ne sais pas. Simplement je me souviens un jour de m’être réveillé, de connaître enfin l’emerveillement des sensations rassasiées. Ce pain trop blanc, trop doux, qui sent trop bon, cette huile de poisson qui coule dans ma gorge, ces cristaux de gros sel, ces cuillerées de lait en 36 poudre qui forment une pâte au fond de ma bouche, contre ma langue, c’est quand je commence à vivre. Je sors des années grises, j’entre dans la lumière. Je suis libre. J’existe. C’est d’une autre faim qu’il sera question dans l’histoire qui va suivre. 40 Ritournelle de la faim, J.M.G. Le Clézio, 2008 OPOSICIONES PROFESORES DE E. SECUNDARIA ESPECIALIDAD FRANCÉS BURGOS 2018 TEXTE 1 QUESTIONS : ANALYSE DU TEXTE 1. Définissez le type et genre du texte et justifiez votre réponse. 1.1. Ressources stylistiques dans le texte. 2. Identifiez les fonctions communicatives et relevez dans le texte les idées principales et les idées secondaires. 3. Faites le commentaire phonétique de l’extrait suivant : « ... Je tends mes mains pour attraper les barrettes de chewing-gum, le chocolat, les paquets de pain que les soldats lancent à la volée. Enfant, j’ai une telle soif de gras que je bois l’huile des boîtes de sardines, je lèche avec délices la cuiller d’huile de foie de morue que ma grand-mère me donne pour me fortifier ». 4. EXERCICES LEXICAUX 4.1. Définissez : Miche, sciure, bis, rassasier. 4.2. Trouvez un synonyme de : Lécher, faillir, avaler, orner. 4.3. Trouvez une expression au sens figuré avec les mots suivants et expliquez-les. « Faim », « Soif ». 4.4. Trouvez l’adjectif correspondant aux noms suivants : Huile, force, nourriture, eau. 5. Situez dans le contexte historique et social le texte et justifiez votre réponse. 6. Expliquez l’emploi du conditionnel dans le paragraphe suivant : « Et à l’écrire, je sens l’eau dans ma bouche, comme si le temps n’était pas passé et que j’étais directement relié à ma petite enfance. La tranche de pain fondant, nuageux, que j’enfonce dans ma bouche et à peine avalée j’en demande encore, encore, et si ma grand-mère ne le rangeait pas dans son armoire fermée à clé, je pourrais le finir en un instant, jusqu’ à en être malade » 7. Analysez les propositions des phrases suivantes : « Sans doute rien ne m’a pareillement satisfait, et je n’ai rien goûté depuis qui a comblé à ce point ma faim, qui m’a à ce point rassasié » 8. Expliquer les valeurs de « en » dans les expressions suivantes : Ligne 12 : « J’en demande encore » Ligne 13 : « Je pourrais le finir en un instant ». OPOSICIONES PROFESORES DE E. SECUNDARIA ESPECIALIDAD FRANCÉS BURGOS 2018 TEXTE 2 Qu´on imagine le jour où on s’est retrouvés nez à nez en cours d’histoire avec un dessin qui représentait Charles Martel ayant battu les arabes à Poitiers ! Lui, Charles, se tenait droit, dressé comme un i, fier, blond, le cheveu lisse, et son cheval majestueusement cambré écrasait des Arabes dépenaillés, gueulards, frisés, bouches ouvertes et désarçonnés. Comme un seul homme on a fait : «C´est nous !». Pas comme une interrogation mais plutôt comme une évidence, pire, un flagrant délit de cruauté héréditaire, de tare congénitale. C’était donc ça ce « nous », c’était donc ça l´Arabe ? On comprenait mieux les sobriquets tombés sur nos parents. On a glissé sous la table, acceptant l’évidence d’une page d’histoire. Oui, les livres mettaient l’accent sur tout ce qui nous faisait défaut. On empêchait la civilisation de s’étendre. On était génétiquement coupables. Pourtant je me rappelle ne pas avoir cédé, je m’identifiais pas « arabe », je cherchais quelque jonction maligne, un trait d’union qui m’eût fait plus humain. Il me fallait juste être un peu plus hypocrite, masquer le déficit par un complément de couardise1 bien agencé. Tranquillement, ma peau s’est épaissie mais au fil de l’apprentissage je sentais quelque chose se rompre, chaque mot nouvellement acquis m’éloignait de mes frères. Bizarrement je devenais l’étranger des miens, ces miens que je ne savais plus qualifier. Le temps nous faisait plus voisins de palier qu’amis d’enfance. Ils devenaient les « autres ». Je me rendais à l’évidence, les « miens » n’étaient pas tant les « miens » hormis la ressemblance physique et je me suis plu à être la victime d’un racisme de la ressemblance. On t’aime pas ! murmurait l’écho des potes. On t’aime pas parce que tu nous ressembles et que tu ne cherches pas à nous ressembler. Tu cherches quoi avec tous ces mots que t’apprends ? C’était aussi ma question. Bien sûr je sentais dans mon ventre qu’il s’agissait de sauver ma mère, mais la sauver de quoi au juste ? C’était flou. Elle-même ne me dessinait rien de précis. Ne savait pas ce qu’elle attendait d’elle, ni ce qu’elle attendait de moi. Juste l’idée d’une frustration qui lui bouffait les tripes. Elle ignorait ce qu’elle était en droit d’exiger des autorités pédagogues ou répressives. Une certitude, il fallait d’abord être fort, c’est donc que nous étions faibles, fallait assurer en cours, c’est donc qu’elle avait failli. Fallait pas non plus être ce que nous avions toujours été…Mais quoi ...Arabe ? Musulman ? Brun ? Pauvre ? Une saison de brouillard posait ses valises à mes pieds. — Mais si je continue d´apprendre, maman, je ne serai plus toi, tu vas me faire mon pire ennemi ! Je vais te crever. Sentence : —Sois mon ennemi mais sois. Quant aux copains. À chaque mot acquis, uploads/s3/ textos-frances.pdf

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