37 Alternative francophone (2022) Volume 3, Numéro 1 Alternative francophone ht
37 Alternative francophone (2022) Volume 3, Numéro 1 Alternative francophone https://journals.library.ualberta.ca/af/index.php/af Bande dessinée d’aujourd’hui pour auteurs d’hier, quand la BD devient un outil de construction du patrimoine littéraire https://doi.org/10.29173/af29453 Jessica de Bideran https://orcid.org/0000-0002-6654-9675 jessica.de-bideran@u-bordeaux-montaigne.fr Université Bordeaux Montaigne – MICA, France Bruno Essard-Budail bruno.essard-budail@alca-nouvelle-aquitaine.fr ALCA – Région Nouvelle-Aquitaine, France Résumé. Cet article se concentre sur l’analyse d’un projet de valorisation du patrimoine littéraire faisant appel à des auteur.e.s du 9e art et mis en place par l’agence culturelle ALCA (Agence Livre, Cinéma et Audiovisuel en Nouvelle-Aquitaine). Si ce projet s’inscrit dans la continuité des stratégies de valorisation du patrimoine écrit développées, avec les bibliothèques du territoire, par ALCA, la Drac Nouvelle- Aquitaine et la Bibliothèque nationale de France (BnF), il s’agit de s’interroger sur les discours et récits qui sont proposés autour du patrimoine écrit et plus exactement autour du patrimoine littéraire. Si l’on considère en effet, dans une approche communicationnelle (Davallon, 2006), que la publicisation du patrimoine suppose la transmission d’un schème interprétatif (l’ancienneté, la fragilité, la représentativité, etc.) qui permet à chacun de reconnaître cet objet particulier comme relevant du patrimoine, alors il convient de s’interroger sur les représentations véhiculées par ces bandes dessinées, 38 Jessica de Bideran et Bruno Essard-Budail autrement dit de suivre les altérations de cet « être culturel » (Jeanneret, 2014) que représente le patrimoine littéraire. In fine, on réfléchira à la manière dont cette action peut agir dans le processus de patrimonialisation du littéraire à l’échelle d’un territoire particulier. Mots clés : bande dessinée; patrimoine littéraire; patrimoine régional; auteurs; politique culturelle; légitimation Abstract. This article focuses on the analysis of a project based on the enhancement of the literary heritage using the Ninth Art authors’ work, which was ordered by the cultural agency ALCA (Agence Livre, Cinéma et Audiovisuel) in the Nouvelle Aquitaine Region. This project keeps working on enhancing strategies of the written heritage, which were developed by local libraries, by ALCA, DRAC (Nouvelle Aquitaine Management of cultural matters) and BNF (France National Library), and also aims at reflecting on discourses and narratives about the written heritage and more specifically about the literary one. Indeed, in a communication approach (Davallon, 2006), we can consider that heritage publicizing implies the transmission of an interpretative scheme (age, fragility, representativeness, etc) which allows everyone to acknowledge this specific object as part of a legacy. Consequently, we should question the representations conveyed by these comic strips; in other words, we should monitor the alterations of this “cultural being” (Jeanneret, 2014) that is to say : the literary heritage. In fine, we will ask ourselves to what extent this action can have an impact on the patrimonialising process of literature in a specific territory. Keywords: comic strips, literary heritage, regional heritage, authors, cultural policy, legitimation. ans un numéro de la revue Hermès consacré à la bande dessinée et publié en 2009, Éric Dacheux s’interrogeait en introduction sur la relative absence de ce support dans les études en Sciences de l’Information et de la Communication. Cette « frilosité scientifique » (Dacheux) paraît d’autant plus difficilement compréhensible que la bande dessinée est utilisée depuis de nombreuses années comme outil de communication. En 2007, Annie Baron-Carvais consacre ainsi un chapitre entier de son ouvrage définitionnel à cette orientation et à l’apparition de sociétés spécialisées dans la production de ce type de bande dessinée à message scientifique particulièrement exploitées « dans le monde médical au jargon si hermétique au néophyte » (Baron-Carvais 108). L’étude de la bande dessinée, pratique culturelle fluctuant entre recherche esthétique et production industrielle, reste de fait marquée par l’analyse de sa légitimation, de son institutionnalisation, voire de sa patrimonialisation (Méon). En se concentrant sur un dispositif singulier développé par une structure institutionnelle française chargée de la valorisation du patrimoine écrit et graphique de son territoire, c’est justement à une analyse communicationnelle de la bande dessinée que souhaite se consacrer cet article. 2020 ayant été consacrée « année de la bande dessinée » par le ministère de la Culture [français], l’agence culturelle ALCA (agence livre, cinéma et audiovisuel en Nouvelle-Aquitaine), a souhaité mettre en valeur le patrimoine écrit de cette grande région en faisant appel à des auteurs et autrices du « neuvième art » pour réinterpréter des œuvres littéraires anciennes et des personnages réels ou fictifs ayant un lien avec ce territoire. L’agence a confié au bédéiste Guillaume Bouzard la coordination artistique d’un projet original de mise en valeur de 20 écrivains et écrivaines dont les œuvres sont conservées dans les bibliothèques de la région : chaque auteur et autrice de bande dessinée a eu carte blanche pour réaliser deux planches sur un écrivain ou une écrivaine proposé.e par l’ALCA et ainsi évoquer son œuvre, sa vie… Élaboré au printemps 2020, malgré les difficultés dues à la crise sanitaire, ce projet a été reconduit en 2021 et a D 39 Alternative francophone https://journals.library.ualberta.ca/af/index.php/af donné lieu à la production de 40 planches portant sur 20 écrivains et écrivaines de Nouvelle-Aquitaine1. Concrètement, ces planches ont connu une plurimédiatisation et se sont matérialisées sur une diversité de supports numériques et non numériques : d’abord diffusées en ligne sur le site Internet d’ALCA et via les réseaux sociaux numériques2, elles ont également été exposées in situ dans les bibliothèques partenaires avant d’être aujourd’hui réunies au sein d’un album papier publié par un éditeur BD de la région3. Enfin, et conjointement à ces diverses formes de médiatisation, un dispositif d’Éducation Artistique et Culturelle (EAC) a été mis en place par le service dédié à cette compétence au sein d’ALCA afin de proposer aux établissements scolaires de la région des résidences ou ateliers de création autour de ces œuvres littéraires et de ces bandes dessinées. Si ce projet s’inscrit dans la continuité des stratégies de valorisation du patrimoine écrit développées par l’ALCA avec les bibliothèques du territoire, la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) Nouvelle-Aquitaine et la Bibliothèque nationale de France (BnF)4, il s’agit de s’interroger sur les discours et récits qui sont proposés autour du patrimoine écrit. Reprenant l’approche communicationnelle de la patrimonialisation (Davallon), qui repose sur la transmission d’un schème interprétatif reprenant un ensemble de pensées englobantes (telles que l’ancienneté de l’objet, sa représentativité d’une pratique passée, sa fragilité, voire sa possible disparition si des acteurs n’agissent pas pour sa sauvegarde) qui permet à chacun de reconnaître cet objet particulier comme relevant d’un patrimoine collectif, nous souhaitons suivre les représentations véhiculées par ces bandes dessinées pour permettre cette reconnaissance implicite par un ensemble d’acteurs et de publics que nous détaillerons progressivement. Étudier la bande dessinée sous l’angle communicationnel suppose de s’intéresser à la réception proposée par ce support qui s’appuie aussi bien sur le texte que sur l’image, à dépasser la notion de médium pour penser celle-ci comme un média, c’est-à-dire comme un « moyen de médiation permettant de construire une transaction, une relation, la vue commune d’une situation » (Chante et Tabuce, en ligne). Tout comme l’exposition a pu être analysée sous l’angle du média, notre objectif est de suivre de quelle façon ce projet exploite la bande dessinée pour produire et transmettre un univers partagé, « de comprendre son fonctionnement [...] comme fait social et signifiant » (Davallon, en ligne). Ce n’est donc pas la bande dessinée comme activité artistique qui nous intéresse ici, mais plutôt l’ensemble du projet (politique, culturel, industriel, etc.) et sa matérialisation sur différents supports en tant qu’elle participe à circonscrire l’énonciation éditoriale développée. La sélection des œuvres littéraires, le choix des écrivains et écrivaines concerné.e.s, les interprétations proposées par les bédéistes dans leur planche et les outils de mise en exposition de ces créations sont comme autant de caractéristiques médiatiques qui relèvent du 1 Pour une présentation synthétique de ce projet, on pourra consulter l’article d’Olivier Thuillas publié sur la revue de cette agence, Prologue, en avril 2020 : Thuillas Olivier, « Bande dessinée d’aujourd’hui pour auteurs d’hier », Prologue, [en ligne], le 14 avril 2020: https://prologue-alca.fr/fr/actualites/bande-dessinee-d-aujourd-hui-pour- auteurs-d-hier (consulté le 28 mars 2022). 2 L’ALCA a effectivement développé un fil twitter, Bibliothèque patrimoniale numérique ALCA, pour valoriser et diffuser des contenus numérisés dans le cadre des partenariats avec la BnF et les bibliothèques du territoire : https://twitter.com/BpnAlca 3 L’album sera publié en janvier 2023 et présenté au Festival d’Angoulême. L’appel d’offres qui permettra de choisir l’éditeur sera en ligne sur le site d’ALCA en août 2022. 4 Voir à cet égard la présentation des missions de l’ALCA en matière de patrimoine écrit à travers notamment le pôle associé régional qui a pour objectif d’animer un réseau de professionnels sur le territoire et en concertation avec la BnF et le Ministère de la Culture: https://alca-nouvelle-aquitaine.fr/fr/livre/patrimoine-ecrit/pole-associe-regional (consulté le 28 mars 2022). 40 Jessica de Bideran et Bruno Essard-Budail processus de patrimonialisation que nous cherchons à décortiquer. Autrement dit, nous souhaitons suivre les altérations de cet « être culturel » (Jeanneret) qu’est le patrimoine écrit et graphique dont la définition est donnée, en France, par le code du patrimoine (Henryot, La fabrique) et qui se voit, à travers ces actions de médiation, productives et créatives, transformé en un uploads/s3/ bande-dessinee-daujourdhui-pour-auteurs-dhier-q.pdf
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- Publié le Jan 02, 2023
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